Paloma Bravo, de nationalité mexicaine, artiste danseuse, entrepreneure culturelle a choisi la Guinée comme terre d’adoption. Elle y vit depuis 11 ans, en pratiquant la danse, un art sans lequel, elle n’aurait pas sa raison de vivre. Dans cette interview accordée à votre site, elle explique les raisons qui ont motivé son choix de la Guinée, comme deuxième pays.
Guineenews : Bonjour, pouvez-vous vous présenter à nos différents lecteurs ?
Paloma Bravo : Bonjour et merci pour cette invitation, je m’appelle Paloma Bravo, je suis de nationalité mexicaine, actuellement en résidence à Conakry. Je suis née le 27 septembre 1988 à Mexico. Je suis célibataire, sans enfants.
J’ai franchi le cap de tout ce cursus scolaire, primaire, secondaire, le lycée, pour finalement être diplômée en philosophie et en danse classique.
Guinéenews : Après vos études, quels furent les domaines dans lesquels vous avez exercé ?
Paloma Bravo :Après les études à l’université, j’ai opté aussi pour une carrière technique en photographie au Ansel Adams collège. Je suis écrivaine et poétesse. Cela est lié aux différentes fonctions de mes parents. Mon Père Roberto Bravo est écrivain nouvelliste et ma mère Isabelle est historienne à l’Institut national d’anthropologie. J’ai publié beaucoup de poèmes dans les journaux et j’avoue que j’avais eu la chance de prendre la place de ma mère à l’institut un peu plus tôt. Sauf que le destin m’a conduite très tôt aussi vers la danse africaine, et ce qui ne m’a pas donné le temps de me substituer à ma mère. J’ai finalement abandonné l’académie pour me plonger dans la danse. Après que je sois sortie de l’université, j’ai suivi une formation dans la danse africaine à 100%.
Guineenews : Cela fait près de 11 ans que vous vivez en Guinée, certes pas en plein temps. Dites-nous quels sont les motifs du choix de la Guinée comme pays d’adoption ?
Paloma Bravo : Le premier motif c’est la musique, la percussion guinéenne à travers les œuvres de Mamady Kéita ‘’Djembé fola’’ (paix à son âme). C’est en 2005 que j’ai écouté pour la première fois son CD intitulé ‘’Balandougou’’. A l’écoute de ce CD, j’ai été émerveillée par le son de la percussion guinéenne, et c’est ce qui m’a beaucoup attirée. Le second motif c’est la danse puisqu’après être alléchée par le son et étant artiste, cela m’a poussée à engager les mouvements corporels, car à travers les recherches, j’ai compris qu’il y a des danses qui sont liées à ces différents sons. Donc, c’est le son et la danse qui sont réellement les motifs du choix de la Guinée comme pays adoptif ou de choix.
Guineenews : Comment êtes-vous venue à la danse traditionnelle guinéenne ?
Paloma Bravo : Comme je l’ai dit au départ, c’est grâce à la musique de Mamady Kéita ‘’Djembé fola’’, que suis aussi venue à la danse. J’ai rencontré une fille dans le parcours, qui connaissait quelques pas de danses guinéennes que j’ai aimée. C’est ainsi que dans mes recherches encore, j’ai découvert un Sénégalais du nom de Lamine Thiam qui donnait un stage des cours de danses au pays. J’ai pu économiser et trouver de l’argent pour financer mes cours. Au même moment, j’ai appris le ‘’Sabar’ et beaucoup d’autres danses de la sous-région. Peu après, il y a eu l’arrivée de Karim Keita alias ‘’Extérieur‘’, ex-sociétaire, danseur des Ballets africains de Guinée, qui s’était marié à une Mexicaine et c’était dans les années 2006. Il fut mon maître dans la danse, et c’est lui qui m’a ouvert les portes des ballets guinéens dans tous les mouvements, et surtout la connaissance de la culture guinéenne.
Guineenews : sons et rythmes, peut-on savoir quel est le premier rythme guinéen que vous avez dansé et chanté ?
Paloma Bravo : C’est le ‘’soli’’ que j’ai dansé en première position, et en compagnie de Lamine Thiam, quand j’ai payé mes cours.
Quant à la musique, c’est toujours à travers Mamady Keita ‘’Djembé fola’’ qui avait publié une méthode, qui permettait d’apprendre les cadences guinéennes. Et en compagnie de mes amis, nous possédions en ce moment des ‘’Doundouns’’, que nous avions exploité pour faire valoir toutes ces publications, sortir des sons et appliquer des pas de danses. Et cela s’est passé au Mexique pour mes premiers pas.
Guineenews : Férue du son et de la musique guinéenne, pensez-vous qu’il y a une similitude entre la musique guinéenne et celle mexicaine ?
Paloma Bravo : Quand on parle de la tradition, je peux dire qu’il y a des similitudes, parce que le Mexique est un pays de richesses culturelles comme la Guinée, où on retrouve assez d’ethnies
En Guinée et au Mexique, il y a aussi une grande diversité avant même la colonie. Il y a des empires qui ont existé. Chaque diversité ethnique à sa danse, et chaque danse est liée à un rôle social, comme ici au Mexique, des cérémonies qui peuvent être liées à l’agriculture, à la fertilité ou bien en relation avec le monde spirituel. Traditionnellement au Mexique, la danse joue les mêmes rôles qu’en Guinée. La culture mexicaine naturellement, on n’aime la fête, la joie, et tout ce qui est épicé. Donc je peux dire à travers tous ces exemples, qu’il y a eu en générale une similitude entre la culture guinéenne et celle mexicaine.
Guineenews : Dans la pratique de la danse guinéenne, quels sont les pas de rythmes que vous pratiquez très fréquemment ?
Paloma Bravo : Généralement cela dépend du contexte dans lequel vous évoluez. Soit vous dansez au sein d’un ballet, dans la rue ou dans les classes. Les rythmes ‘’Soko’’ et ‘’Doundounba’’ sont vraiment populaires et plus pratiques. Dans les ballets ‘’Merveilles de Guinée’’ par exemple, les rythmes ‘’Kassa’’, ‘’Tiriban’’, ‘’Yoki’’ sont les plus appliqués au niveau de la danse. Autres exemples au niveau de ce même ballet, et vu que le doyen Yamoussa Soumah étant le chorégraphe et venant de la basse côte, nous faisons beaucoup le ‘’Yankadi’’, le ‘’Makrou’’, le ‘’Yamama’’ et autres. Quand il s’agit de la moyenne Guinée, nous dansons aussi le ‘’ Tupou sèsè ‘’, en somme les ‘’fulah faré’’, les danses de la contrée pastorale peulh.
Guineenews : Pouvez-vous nous parler de vos débuts en matière de danses en Guinée ?
Paloma Bravo : En 2017, j’ai commencé à me former au sein de la troupe ‘’ les merveilles de Guinée’’, qui est la première troupe privée des ballets en Guinée. Ce ballet était dirigé par Ahmed Sékou Sano (Paix à son âme) et Yamoussa Soumah dirigeait la Chorégraphie. C’est après une formation pendant 5 ans que j’ai intégré et commencé à danser au sein de ce Ballet.
J’ai aussi intégré le groupe ‘’Camara percussion’’ et parallèlement, j’ai évolué au sein de ces deux groupes.
Guineenews : La musique traditionnelle guinéenne s’interprète à travers des chants en langues nationales. Parlez-vous parler une des langues du pays ?
À lire aussi
Paloma Bravo : J’essaye de me débrouiller dans la langue susu. Je suis aujourd’hui capable d’engager des petites conversations, pas en pular et non pas en malinké. En langue susu je parviens à me débrouiller un peu.
Guineenews : Vous continuez à vous forger dans cet apprentissage ?
Paloma Bravo : Oui j’essaye à chaque fois d’apprendre des petits mots et j’agrandis petit à petit mon vocabulaire. Avant j’écrivais sur notes, et je suis même parti prendre des cours à Coyah, auprès d’un formateur du nom de Moustapha qui a développé un alphabet en susu qui s’appelle ‘’Koré sébèli’’.
Guineenews : Musicienne traditionnelle, quelles sont vos relations avec ce monde, envahit de tout genre de calebasses et à tout dessein (mendicité et autres) ?
Paloma Bravo :Je dirais que c’est l’admiration et le respect. A part le milieu des ballets et percussions, j’aime bien ‘’ Les Espoirs de Coronthie ’’, ‘’ Les Etoiles de Boulbinet’’ et individuellement dans leurs carrières solos aussi. Récemment en compagnie de la troupe ‘’Les merveilles de Guinée’’, j’ai assisté au festival organisé et créé par ALY 100 SONGS dénommé ‘’Gongoma feast’’, où tous ces joueurs de gongomas ont presté. Un genre de formation qui plait et surtout la diversité des prestations de plusieurs autres artistes programmés. Ce fut un lieu de rencontre, du donner et du recevoir.
Mes relations sont au beau fixe avec tous ces artistes guinéens.
Guineenews : En Guinée vous suivez aussi la musique moderne, peut-on en parler aussi ?
Paloma Bravo : Généralement, j’aime beaucoup le rap guinéen dans son style guinéen.
Guineenews : En exemple, pouvez-vous nous citer des rappeurs guinéens que vous estimez ?
Paloma Bravo : Ils sont nombreux qui font bien le rap en Guinée. Comme le choix ne se discute pas, parmi les rappeurs, mon choix s’est porté sur THIRD, STRAIKER et MELANGEUR. Je suis persuadé que vous ne connaissez pas cette génération de musiciens (rires).
Guineenews : Je suis d’avis avec vous et comme le titre de la rubrique d’ailleurs s’intitule, elle est plus axée sur les anciens.
De la danse à la musique traditionnelle, venons-en à l’entreprenariat culturel, une autre casquette que vous portez. Qu’est-ce que c’est un entrepreneur culturel ?
Paloma Bravo : Par définition, un entrepreneur culturel ou un entrepreneur en général, c’est celui qui a une initiative créative, qui est capable de créer et de développer un projet qui va donner des résultats. C’est-à-dire un produit culturel, et encore aussi un résultat financier. Souvent, tout entrepreneur commence de manière indépendante. Je suis entrepreneure culturelle depuis 2009. A part ma formation dans la danse guinéenne, au Mexique j’avais vraiment l’inquiétude de créer des espaces de développement et d’éducation de haut niveau. J’ai compris un moment qu’il fallait épauler l’art guinéen. Comme j’avais une base académique, j’ai voulu donc créer des espaces de développement culturel et d’éducation artistique en Guinée. Pour un premier départ, mon objectif était d’amener des artistes, des professeurs de danses et de percussions guinéennes au Mexique, pour livrer leurs connaissances à travers des ateliers, des formations, pour donner de la visibilité à la culture guinéenne. En plus, je me suis engagée dans le milieu des festivals. Au début, je n’avais pas mon propre festival et j’ai néanmoins aidé des amis, en m’intégrant dans l’organisation, les logistiques et management. Et par après, j’ai créé ma propre rencontre internationale en 2015 au Mexique. Pédagogue et artiste sur scène, à partir de 2018, j’ai commencé à créer des projets dans ce dit domaine en Guinée Conakry. Les projets dans lesquels, des échanges culturels et formations éducatives ont eu lieu, ainsi que des formations en ligne, qui permettent de renforcer et nourrir les liens entre la Guinée et le reste du monde.
Guineenews : Exportez-vous ou valorisez-vous-en un mot la culture guinéenne en dehors de ces frontières ?
Paloma Bravo : Oui c’est une de mes premières priorités. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai ma carrière personnelle et parallèlement, je me consacre aussi au développement et à la valorisation de la culture guinéenne.
Guineenews : Peut-on savoir quelles sont les actions les plus récentes engendrées par vous dans le domaine de la valorisation de la culture guinéenne ?
Paloma Bravo : En 2020, j’ai créé une plate-forme d’échanges en ligne entre la Guinée et le reste du monde. Nous étions que 5 membres au départ et présentement cette plateforme s’est élargie au nombre de 25 et composée que des guinéens. Et ce sont des étrangers qui prennent des cours à travers cette plate-forme.
Récemment j’ai organisé la 5ème édition de mon festival au Mexique, lors duquel, j’ai envoyé un certain nombre d’artistes guinéens, pour suivre bon nombre de stages de formation dans plusieurs domaines pendant quelques semaines.
Présentement, j’assume la fonction de manager au sein du groupe ‘’Camara percussion’’, c’est-à-dire, je cherche des opportunités pour les prestations et l’exportation des artistes résidant en Guinée. Finalement, je prépare la 6ème édition de mon festival international, prévu en janvier 2024 et pour la 1ère fois en Guinée-Conakry.
Guineenews : Que pouvez-vous conclure au terme de cette interview que vous avez bien voulu nous accorder ?
Paloma Bravo : Pour cette autre interview de cet artiste, le doyen Yamoussa Soumah, qui s’est déroulé en ma présence, il y a une question de regret qui a été débattue. A mon avis, ce métier d’artiste regorge d’avantages et de conséquences. Pour mon cas, j’ai beaucoup subi, et ce qui m’a permis d’avancer sur ce dur chemin, c’est bien ma patience et mon courage. Il ne faut pas toujours s’attendre à prospérer. Dans le métier d’artiste, il y a beaucoup plus de valeurs à répandre, que de succès à récolter. Il faut croire à ce que l’on fait et de mon côté, je ne suis pas une femme africaine, je suis une blanche et mexicaine de nationalité. Essentiellement, j’ai choisi l’art guinéen comme métier. Il faut donc croire en ce que nous entreprenons.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.