Il arrive qu’une histoire, tout en étant bien réelle, visible et palpable, soit, certaines fois, très pénible à évoquer. C’est le cas de ces ordures qui s’étalent le long de nos routes, de façon quasi permanente. Malgré tous les moyens investis et toutes les mobilisations consenties, c’est à se demander comment en finir avec, une fois pour toutes. Il s’agit d’un sujet sensible et récurrent dont l’évocation, largement partagée est diversement traduite. Nous sommes comme dans un jeu dont la règle est de s’assurer que la même chose soit répétée indéfiniment. Un perpétuel recommencement comme dans une lecture en boucle.
Le long des routes, le schéma utilisé pour l’assainissement est simple: les préposés au nettoyage curent proprement le caniveau. Ils sont enthousiastes et pleins d’engagement. Les ordures collectées sont entreposées, juste en bordure du caniveau traité. Cette progression linéaire produit un long amoncellement de déchets sur toute la longueur de la route, côté chaussée. C’est après, qu’arrive la phase de ‘rabat-joie’.
Le plaisir éprouvé après le nettoyage des caniveaux est de courte durée. Il s’estompe rapidement et cède la place au triste spectacle au quel nous sommes malheureusement confrontés : une chaîne d’ordures qui ne semble point choquer. Plus personne pour s’en préoccuper et nous ‘aérer’ la vue et purifier l’odorat!
Il est évident qu’à ce niveau, le volume de travail exclut d’emblée, l’usage des pelles, pioches, brouettes et autres outils à la portée des citoyens. Dorénavant, ce sont des camions et des pelleteuses qu’il faut mobiliser. Et c’est du ressort des services publics.
Curieusement, et c’est le moins qu’on puisse dire, ils sont tout, sauf prompts à se manifester. L’attente est terriblement longue. A preuve, certains amoncellements d’ordures ont le temps de reverdir à même la chaussée, avant de voir une machine ou un camion occupé à débarrasser.
Des interventions nocturnes ont été tentées. Mais la tâche s’est avérée aléatoire et risquée avec le manque d’éclairage public. La probabilité d’accident ou de destruction d’infrastructures était forte. En plus, du point de vue résultats, ce type d’opération nocturne ne permet pas un nettoyage optimum. La faible visibilité fait qu’une bonne partie des ordures est laissée sur la route ou rejetée dans le caniveau. Le matin, les rues sont à nouveau salies par tous ces débris qui ont ‘échappé’ à la collecte. Ils se transforment en particules polluantes qui sont dispersées de toutes parts, par les véhicules en circulation.
Tout le monde se demande aujourd’hui pourquoi on tarde si longtemps à dégager ces ordures. Manque de planification ? Insuffisance des fonds alloués pour couvrir les opérations déclenchées? Pourquoi ne pas nettoyer en fonction des capacités de ramassage ? Pourquoi ne pas entreprendre un assainissement par commune, au lieu de vouloir couvrir toute la capitale, d’une traite ?
À lire aussi
De la réponse à ces questions, va dépendre l’éclairage nécessaire à la compréhension de ce ‘dossier-spectacle’, que nous vivons.
En attendant, les tas d’ordures qu’on ne dégage pas sont soumis aux lois immuables de la nature: soit ils reverdissent et se compactent, ou ils se réduisent peu à peu, sous l’effet des intempéries (vent, pluie), des animaux errants et des pieds des passants qui les enjambent. Une bonne partie de leurs constituants initiaux retombe dans le caniveau précédemment curé, ou s’agglutine et s’écrase sur la chaussée, avant d’être, encore, dispersée par le vent ou les eaux de ruissellement.
Ce qui nous fait dire que nous sommes dans un perpétuel recommencement : on nettoie le caniveau des ordures qui l’encombrent, on les stocke indéfiniment, elles retombent dans le même caniveau et on revient les ramasser à nouveau.
Il en est de même des dalles qu’on soulève pour les besoins de nettoyage des caniveaux. Elles sont rarement remises en place, comme elles étaient avant. Au bout du compte, la question mérite d’être posée : à quoi jouons-nous, là ?
Cela n’est pas loin de rappeler la formule mathématique du plus un, moins deux. Non seulement nous perdons du temps en répétitions onéreuses et inutiles, mais ce que nous montrons aux autres est loin d’être valorisant.
N’entreprenons que ce que nous pouvons mener à bon terme. Cessons de nous distraire.
L’assainissement est une chose trop sérieuse pour qu’on joue avec, à nous tromper nous-mêmes, au péril de notre image et de notre santé.