Quarante-huit heures après la convocation suivie de l’incarcération de ses clients, le pool d’avocats de l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et Cie était devant la presse ce vendredi 8 avril 2022. Par la voix de son porte-parole, Me Dinah Sampil, le pool s’est insurgé contre la « détention illégale » des anciens ministres de la Défense nationale, de celui de l’Environnement, des Eaux et Forêts, de celui des Hydrocarbures, ainsi que de celui du Budget, entre autres.
Avant de rappeler que l’appartenance de ceux-ci à un gouvernement ne saurait être constitutive d’une quelconque infraction à la loi pénale, il a en outre enseigné que ces pratiques sont de nature à mettre en avant une présomption de culpabilité au mépris de la présomption d’innocence qui devrait gouverner toute poursuite pénale.
Déclaration !
« A l’aube de l’avènement du CNRD au pouvoir, les anciens membres du gouvernement se sont vus interdits de sortir du territoire national, leurs passeports retirés et confisqués, leurs comptes bancaires gelés sans aucune forme de procédure. A ce stade, rien ne leur était reproché a priori.
Comme si ces mesures de restrictions de leurs droits et libertés ne suffisaient, depuis courant février 2022, tous les membres du gouvernement qui était dirigé par le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, sous la présidence de Monsieur Alpha Condé, sont poursuivis sous les mêmes qualifications de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, corruption et complicité.
Ces poursuites sont engagées à leur encontre au motif qu’ils doivent rendre compte de leur gestion en tant que membres de ce gouvernement.
Les avocats constitués par les anciens membres du gouvernement déplorent que leurs clients soient poursuivis pour de tels motifs en ce sens que leur appartenance à un gouvernement ne saurait être constitutive d’une quelconque infraction à la loi pénale, les qualifications susvisées n’étant de surcroît précédées d’aucun fait précis tombant sous le coup de la loi pénale.
Les avocats constitués s’insurgent contre la pratique qui a consisté à saisir la Direction centrale des investigations judiciaires de la Gendarmerie sur la base des qualifications sus relevées en dehors de tout fait qui les soutienne.
Or, ce sont les faits qui entraînent les qualifications pénales et non le contraire. Il est évident qu’en procédant ainsi, le Parquet spécial près la Crief (Cour de répression des infractions économiques et financières, ndlr) a engagé des poursuites sur la base de la responsabilité collective des membres du gouvernement Kassory.
Pourtant, la responsabilité collective est contraire à tous les instruments juridiques internationaux ratifiés par la République de Guinée et à l’article 14 du Code pénal, aux termes duquel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
Il s’ensuit qu’en poursuivant l’ensemble des membres du gouvernement Kassory sur la base de leur appartenance audit gouvernement, au-delà de la responsabilité collective desdites poursuites, celles-ci mettent en avant une présomption de culpabilité et ce, au mépris de la présomption d’innocence devant gouverner toute poursuite pénale.
C’est pourquoi, les avocats constitués s’inquiètent que ces cas ne constituent un précédent fâcheux entraînant, après chaque changement de gouvernement, des poursuites contre les anciens membres pour les mêmes infractions en raison simplement de leur statut.
Plus grave, le dossier de la procédure précédemment orienté en flagrant délit pour l’audience du lundi 11 avril 2022 devant la Chambre de jugement vient d’être réorienté à la Chambre d’instruction, une preuve irréfutable du tâtonnement procédural de la part du Parquet spécial près la Crief.
Les avocats constitués protestent vigoureusement contre ces pratiques d’un autre âge qui ne plaident nullement en faveur d’un procès juste et équitable et entendent, par la présente déclaration, interpeller le garde des Sceaux qui est en même temps le Ministre des Droits de l’homme, ainsi que l’opinion nationale et internationale sur ces violations des droits de la défense.
Prenant acte, de la programmation de l’audience de flagrant délit du 11 avril 2022 pour la tenue de laquelle, M. Ibrahima Kassory Fofana, Dr Mohamed Diané, M. Oyé Guilavogui et Zakaria Koulibaly ont été placés sous mandat de dépôt, les avocats constitués entendent enfin que les cas de violations des droits de la défense de leurs clients sus relevés se limitent à ce stade de la procédure et n’atteignent pas les phases d’instruction et de jugement ».
Conakry, le 08 Avril 2022
Les avocats constitués par les anciens membres du gouvernement Ibrahima Kassory Fofana.