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Immigration clandestine : l’amère expérience d’un candidat reconverti en «taxi-moto » (entretien)

Si par définition, l’immigration est une entrée dans un pays, de personnes qui vivaient à l’extérieur et qui viennent s’y établir, y chercher un emploi, cette pratique ne réussit pas à tout le monde.

Cette fortuite rencontre nous mène vers Mamadou Bachir Diallo. Il est né en 1990, et est fils de feu Thierno Dian Samba et de Hadja Aissatou Bah. Il est marié à une femme et père de 3 enfants dont 2 garçons et une fille.

Mamadou Bachir Diallo, originaire de Télémélé, a effectué ses études primaires à l’école du centre et celles secondaires, jusqu’en 8ème année à l’école de Kolly dans la préfecture de Télémélé. Il abandonne ses études à cause de sa mère restée sans aucun soutien, suite au décès de son père. Issu d’une famille monogame de 4 enfants (2 garçons et 2 filles), dont il est le deuxième, il se consacre finalement pour la subsistance de la grande famille et se substituera au père défunt,en vue d’assurer le rôle du père de famille, sachant que ses deux sœurs sont dans leurs différents foyers.

Très tôt soumis à l’exigence d’assurer une vie conjugale, le jeune Bachir opte pour le mariage et alourdit donc la charge sur les épaules. C’est ainsi qu’ au départ, afin de survivre, il se lance dans la vie active. Bachir va évoluer tout d’abord dans le domaine du lavage auto et ensuite dans le petit commerce informel. Insatisfait de ses revenus, il opte pour l’exode rural en direction de la capitale Conakry.

Guineenews a rencontré cet invité sur moto et fut impressionné par son parcours et sa prise de conscience après sa douloureuse expérience vécue pour la conquête d’un lendemain meilleur.

Lisez l’interview

Guineenews : Comment toute cette aventure est-elle venue à l’esprit ?

Mamadou Bachir Diallo : Je n’ai jamais cru un jour être à l’aventure. Après le décès de mon père, j’étais obligé pour fautes de moyens d’abandonner les études afin de m’occuper de ma mère et de mon frère. Mes deux sœurs étant chez leurs maris, la grande part de la charge me revenait. Chez nous, très tôt dans pareilles circonstances, on t’oblige à te marier. Ainsi donc, j’ai commencé à faire des enfants et la charge devenait de plus en plus grande. Finalement, j’ai décidé de voir ailleurs et ce qui m’a conduit à Conakry. 

Guineenews : Aviez-vous auparavant un point de chute à Conakry ?

Mamadou Bachir Diallo : Non, pour la première fois je suis venu habiter chez un ami pendant une durée de 5 mois. C’est lui qui m’a soutenu tant sur le plan alimentaire que vestimentaire.

Guineenews : Un niveau d’études très bas, dans quoi vous vous êtes lancé pour vivre dans la capitale ou la vie est très différente de celle de l’intérieur ?

Mamadou Bachir Diallo : Ce ne fut pas facile pour moi car, comme vous le dites, les modes de vie sont différents. A l’intérieur, vous pouvez le plus souvent sans boulot avoir de l’aide puisque la vie n’est pas aussi chère comparativement aux grandes villes. Je me suis vite fait des amis qui m’ont initié à plusieurs boulots. J’ai ainsi commencé à porter des bagages dans les grands marchés, faire le commerce informel, travailler pour les gens au niveau des lavages des véhicules. Ce sont ces différents boulots qui me permettaient de vivre décemment.

Guineenews : Quelles furent les difficultés majeures que vous aviez rencontrées à Conakry ?

Mamadou Bachir Diallo : Les problèmes ne finissaient pas du tout. Récemment arrivé dans la capitale Conakry, il est très facile de se faire remarquer en tant qu’étranger. De par les manières de faire, la maîtrise de la langue populaire et plusieurs autres comportements qui ne sont pas les tiens à la base. Parfois, je fus victime de sévices, on retire tout ce que j’ai gagné durant la journée. J’ai vécu au départ un traitement qui me poussait parfois à retourner d’où je venais. Il y a un adage peulh qui me réconfortait dans la plupart des cas ‘’Wakilarè ko kafa Allah ka mètata’’ (littéralement traduit en français ‘’ Le courage est le sabre de Dieu qui s’écorche jamais).

Guineenews : Pour votre histoire la plus intéressante est bien votre départ et retour sans succès de l’aventure projetée. Peut-on avoir des explications à propos ?

Mamadou Bachir Diallo : Bien sûr. C’est avec mon courage dans l’accomplissement de toutes ces tâches, que j’ai eu la chance de rencontrer un bienfaiteur. Il s’appelle Abdourahmane qui m’a choyé et qui par confiance m’a tiré de ce trou. J’ai un jour lavé sa moto et vu ma politesse affichée, il m’a tendu la main pour le conduire jusqu’à son domicile. J’ai conduit ce Monsieur durant plusieurs jours sans savoir qu’il était celui qui allait être au carrefour de mon bien. J’ai fait presque le tour de la Guinée avec lui et il a décidé de me donner des motos à vendre en Guinée Bissau. Pour une première expérience, je suis allé vendre une première moto. La confiance s’étant installée entre nous, rebelote, j’ai pu vendre plusieurs autres motos. Quand il est prêt pour s’en aller à l’aventure, il vit en Suisse et en guise de reconnaissance, il m’a octroyé la dernière moto sur laquelle l’on circulait avant son départ. Par la suite, je me suis débrouillé sans lui et j’ai emprunté le même chemin, c’est-à-dire l’identique circuit connu d’avance.

Guineenews : Concrètement, vos chemins n’étaient plus les mêmes. Soyez plus expressifs et pouvez-vous nous accrocher pour la suite de l’épisode de votre aventure ?

Mamadou Bachir Diallo: J’ai continué à rouler comme chauffeur taxi-moto pour définitivement prendre la décision d’aller revendre cette moto en Guinée Bissau. La vente de cette moto me procurera de l’argent pour continuellement me permettre d’obtenir des économies dans la vente de 4 autres motos. Je me suis enfin retrouvé,  avec une économie de 3 millions de francs CFA.

Guineenews : C’est une énorme somme obtenue. Bon gestionnaire vous l’aviez été. Qu’est-ce que cet argent vous a-t-il servi ?

Mamadou Bachir Diallo : Sans mentir, j’ai aimé l’aventure pour mieux rendre heureux ma famille. J’ai pensé connaître cet autre pays qui n’est pas  ma terre natale. Ambitieux de voir et savouré un avenir radieux, je me suis tout de suite lancé à la recherche d’un visa pour le Portugal. Avec tout cet argent économisé, j’ai finalement suivi et opté pour l’acquisition  d’un visa. Apparemment bien obtenu, sans aucun problème, j’ai pris le vol en direction du Portugal à partir de la Guinée Bissau. Je ne fus point embêté à l’aéroport pour le départ. Je pensais que tout était fini. A la descente de l’avion et par suite de la présentation des documents obtenus à partir de la Guinée Bissau, je fus intercepté et retenu au salon d’accueil. Je ne comprenais plus rien.

Guineenews : Qu’est-ce que vous n’aviez pas compris et que fut la suite de votre périple à la recherche du bonheur tant attendu ?

Mamadou Bachir Diallo : Oui me retrouver dans un salon d’accueil entouré de policiers étrangers, m’a tiqué, pendant que tous les autres passagers en provenance de la Guinée Bissau sont passés considérablement par la voie normale. Sans savoir que c’était la fin d’une malheureuse aventure, je fus rapatrié par le prochain vol à destination de Bissau. Le plus dur pour moi fut ce séjour sans moyens dans cette capitale que j’ai connu et qui m’a procuré cette fortune de 3.000.000 de FCFA qui venait de s’envoler. Pour rejoindre Conakry, j’ai galéré pendant un mois sans soutien et finalement je suis revenu dans un bus à contrat arrivée-payé.

Guineenews : Pour cette aventure vécue, aviez-vous des conseils à prodiguer aux candidats désireux de prendre le chemin de l’immigration ?

Mamadou Bachir Diallo : Je reviendrai toujours par sagesse en citant des adages peulhs : Yihundu, nanundu è futindu, na gotun dogata. (Littéralement traduit en français, devant le danger, celui qui a vu, a entendu et s’est échappé n’auront jamais les mêmes allures de courses). Je conseillerai à la jeunesse de s’abstenir face à l’aventure surtout à l’immigration clandestine. Combien de vies humaines ont péri en haute mer ? Certes des difficultés de survie se posent chez nous et pourtant c’est le berceau de l’humanité. Avec courage et persévérance, on peut tout gagner et réussir chez soi. Ces 3.000.000 FCFA perdus, pouvaient me conduire vers une vie décente. Cette somme d’argent bien gérée et convertie en francs guinéens pouvait satisfaire mes besoins et ceux de ma famille. Je regrette aujourd’hui le fait d’opter pour l’aventure qui ne m’a pas réussi. Dans tous les cas, je ne désespère pas et présentement, je fais office de chauffeur taxi-moto et bientôt, cette moto me reviendra puisque c’est un contrat qui me lie au propriétaire.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews. 

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