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Immersion gouvernementale : le ministre des Mines guinéen dresse un constat alarmant (Interview)

Aucun travailleur du ministère des Mines ne sera inquiété quand il arrête une société minière pour violation de quelque nature que ce soit

Au terme de l’immersion gouvernementale à travers tout le pays, le ministre des Mines et de la Géologie s’est prêté à nos questions pour dresser le bilan de cette initiative présidentielle historique dans notre pays. Moussa Magassouba n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Il a dressé un bilan alarmant qui nécessite un sursaut national et patriotique pour inverser la tendance actuelle. Car, selon lui, “le Guinéen n’a pas besoin d’émigrer [au regard de ce que ] la nature nous a donné, on doit être fiers de cela. Cette immersion nous a permis de découvrir les conditions de vie et de travail de nos structures déconcentrées, de voir les conditions dans lesquelles nos populations vivent”.

Le ministre des Mines et de la Géologie a également déploré le manque d’infrastructures routières à travers le pays mais surtout en Moyanne Guinée notamment à Lébékérin dans la préfecture de Mali. Pour les sociétés minières, Moussa Magassouba est clair. Le respect de la convention de base et du Code minier n’est pas négociable. D’ailleurs, il promet l’organisation d’un test transparent dans les semaines à venir pour meubler les directions régionales et préfectorales de l’administration minière. Un test, loin du concubinage qui a toujours prévalu dans ce département, a-t-il martelé. Interview.

Guineenews© : Nous sommes au terme de l’immersion gouvernementale. Vous avez fait le tour du pays. Quels ont été vos constats ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : le constat est déplorable quand il s’agit de l’état des routes. On a un pays où les infrastructures routières sont absolument nécessaires. On ne peut parler des mines sans parler d’infrastructures routières. C’est mon premier constat. Il y a aussi d’autres aspects sociocommunautaires et miniers. J’ai déjà parlé de l’état des routes qui, dans certains cas, ne sont pas des routes ; car quand une route n’est pas profilée avec un tracé dessiné, ce n’est pas une route. C’est un passage. Le cas de Lébékéré (à Mali, ndlr) est illustratif. Cinq heures de route sur une distance de 45 kilomètres. Donc, l’état des infrastructures routières est déplorable.

Les communautés, pour la plupart, ne sont pas satisfaites de l’impact des opérations minières sur elles, notamment dans le secteur de l’emploi-jeune. C’est le cas à Kodiaran avec la Société Minière de Mandiana. Donc, avec ces communautés locales, j’ai tenu à les rencontrer et elles m’ont réservé un accueil très chaleureux.

Les sociétés quant à elles, on peut dire que le contenu local est mal compris soit par le gouvernement, soit par les sociétés minières et par tout le monde. Telle est, de façon sobre, le constat global.

Guineenews© : En tant que Ministre des Mines et de la Géologie. Qu’avez-vous découvert dans les différents sites visités par votre délégation ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : Sur l’étape de N’Zérékoré en Guinée Forestière, nous avons eu la chance de visiter la Société des Mines de Fer de Guinée (SMFG) qui détient le permis au titre d’exploitation des Monts Nimba. Vous savez que les Monts Nimba constituent un patrimoine international de l’UNESCO. Alors là, la complexité se pose là-bas. Procéder à l’exploitation minière tout en préservant l’écosystème qui est unique au monde entier, c’est le premier aspect.

Nous avons été satisfaits de l’état d’esprit de cette société vis-à-vis de la préservation de l’environnement. Ce qui reste clair, rien n’est encore fait encore en matière de travaux d’exploitation. Ensuite, nous avons eu la chance de visiter les gisements de Simandou des Blocs 1 et 2 qui sont détenus par Winning Consortium dans la préfecture de Kérouané. Nous avons eu la chance de visiter également les monts Simandou des Blocs 3 et 4 détenus par Rio Tinto SIMFER. En ce qui concerne Rio Tinto, nous avons été satisfaits de l’état d’avancement de leur plan de protection environnementale. Il faut reconnaître cela. J’étais satisfait étant moi-même minier de leur plan de préservation de l’écosystème et de l’environnement.

Gisement de fer de Simandou, au Sud de la Guinée

Par contre, au niveau des blocs 1 et 2 à Kérouané détenus par Winning Consortium. Là, je me suis beaucoup intéressé aux conditions de vie et de travail surtout des travailleurs guinéens. J’ai visité quelques chambres là où les Guinéens dorment. Mais comparées à là où les Chinois dorment, j’ai vu que l’écart était inacceptable et les conditions de vie de nos concitoyens étaient inacceptables. Et naturellement, je leur ai donné dix jours pour améliorer les conditions au risque d’arrêter les travaux. En Haute Guinée, on a eu la chance de visiter la Société Minière SYCAMORE de Kouroussa et la Société Minière de Mandiana.

Guineenews© : Vous vous êtes également rendu à Labé en Moyenne Guinée. Et pour une des rares fois, un Ministre de la République est allé à Lébékéré dans la préfecture de Mali où il y a un gisement de calcaire. Quelles ont été vos impressions ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : L’étape de la région administrative de Labé m’a beaucoup marqué à cause de Lébékéré, une sous-préfecture située à 45 kilomètres du chef-lieu de la préfecture de Mali. Malheureusement, c’est l’une des sous-préfectures les plus enclavées sinon la plus enclavée de notre pays. J’ai eu à pratiquer beaucoup de mauvais reliefs, mais jamais, je n’ai pratiqué un passage aussi méfiant que celui qui lie Lébékéré à la commune urbaine de Mali. C’est dans cette localité qu’un gisement de calcaire a été découvert dans les années 1966 par des géologues russes. Et la pause de la première pierre a été faite déjà par le tout premier Premier Ministre de notre République indépendante en la personne de son Excellence feu Lansana Béavogui. Nous avons eu la chance, mon équipe et moi, de visiter ce gisement. La pierre est toujours là-bas. Le gisement de calcaire est visible.

AGisement du calcaire à Lébékérin, Mali

A 3 kilomètres de Labé, il y a aussi un gisement d’ardoise qui fut sujet à l’exploitation minière avant. Mais aujourd’hui, on constate un envahissement des populations riveraines. J’ai instruit aux directeurs préfectoral et régional des mines de Labé de travailler avec le préfet pour déguerpir les occupants de la zone pour reprendre les travaux de recherche. Et pour le gisement de calcaire de Lébékéré, les recherches disponibles datent des années 1960. Et vous savez que la technologie, la méthodologie de recherche et d’analyse dans les laboratoires ont évolué.

Pour nous, dans un premier temps, j’ai déjà instruit à partir de Lébékéré, le Directeur du Centre de Promotion et de Développement Minier de me faire la situation à savoir quels sont les permis de Lébékéré. J’ai constaté que trois permis sont déjà octroyés parmi lesquels deux sont en violation de leurs obligations. Un est toujours valable.

Mais, notre objectif, c’est de trouver un partenaire crédible qui a les moyens techniques et financiers pour que l’Etat guinéen, à travers le Ministère des Mines et de la Géologie que je conduis, puisse donner le permis d’exploration dans cette préfecture de Mali pour commencer les recherches sur le gisement du calcaire de Lébékéré.

Moi je pense que cela va être un motif noble pour donner à cette préfecture où les populations sont très gentilles, des vrais Guinéens, des bons Guinéens, de leur donner au minimum l’accès facile à leur préfecture. Voici ce qui a marqué l’étape de Labé.

Guineenews©De façon générale, comment se porte l’administration minière décentralisée et quels sont ses besoins à court, moyen et long termes ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : En ce qui concerne l’administration, l’Etat a toujours été absent à l’intérieur du pays. Il faut le reconnaître. Et le Ministère des Mines ne fait pas exception. Dans chacune des régions, j’ai trouvé N’Zérékoré, Kankan, Labé, Kindia et leurs environs, partout, l’administration minière, au niveau du Ministère des Mines est quasi inexistante. Donc, ça, c’est le constat amer en matière d’infrastructures, quand une administration n’existe pas.

A ma prise de fonction, j’ai demandé à mon Directeur des Ressources Humaines de me faire l’état des lieux des directeurs préfectoraux et régionaux. Je voulais savoir combien ils sont et à quelle phase ils sont pour préparer la relève. On m’a surpris. On m’a dit que sur les 37 cadres dans ces directions régionales et préfectorales, seuls trois parmi eux avaient le décret de nomination. Cela a mis de l’eau sur mon corps. Dans toutes les préfectures et régions, les directeurs sont là-bas par concubinage.

Pour nous, les perspectives sont très claires. Dans les semaines qui suivent, nous préparerons un test de recrutement transparent à l’échelle nationale. Moi, je ne vais pas choisir. Je ne me le permettrai pas bien que cela soit une partie de mes prérogatives en tant que Ministre. Je veux cette fois-ci qu’on crée un modèle de transparence et de crédibilité. On organise des tests au niveau national et les profils sont déjà décrits. On aura besoin des gens qui ont des diplômes d’ingénierie des mines ou d’ingénieurs géologues ou d’ingénieurs métallurgistes, ou de génie civil mais qui ont travaillé dans une mine pour un minimum de 5 ans.

On ne peut pas être un directeur des mines, être l’interface de la République de Guinée devant des miniers si vous n’avez même pas travaillé dans une mine. Mais nous rencontrons des cas ici. Des gens qui n’ont pas vu une sondeuse travailler alors comment peuvent-ils être directeurs régionaux ou préfectoraux des mines ? Si votre expérience ne vous permet même pas de déceler la moindre violation par les sociétés minières soit dans leur convention de base ou du Code minier. Donc, dans les semaines à venir, nous allons organiser ces tests et toutes les préfectures minières seront meublées. A l’issu de cela, nous allons créer trois départements : celui de l’exploration minière, celui de la recherche géologique, et celui du contenu local et développement communautaire. Un minimum de 20 à 25 travailleurs, les gens seront mutés. Et les directeurs préfectoraux et régionaux sont nommés à la base des tests transparents qui seront organisés.

Guineenews© : Comment appréciez-vous cette immersion gouvernementale ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : C’est une première. D’ailleurs, moi, j’ai toujours apprécié d’être sur le terrain. Et nous qui sommes miniers, nous n’avons pas les mêmes privilèges que nos collègues. On ne peut s’asseoir à Labé alors que le gisement de calcaire se trouve à Lébékéré là-bas. On a entendu parler de ce projet-là dans l’histoire.  (…) A Lébékéré, on m’a dit que je suis le premier membre d’un gouvernement de la Guinée indépendante à y aller. Cela est extraordinaire pour moi. Globalement, l’immersion gouvernementale a été pour moi une découverte. D’abord, j’ai trouvé un des pays les plus beaux au monde. Ce n’est pas de la démagogie. J’étais avec des Blancs qui m’ont dit que la Guinée est très belle et c’est l’un des pays les plus beaux au monde.

En réalité, le Guinéen n’a pas besoin d’émigrer. Le Guinéen peut prendre un visa pour un autre pays pour aller faire ses vacances. Mais le Guinéen, normalement, ce que la nature nous a donné, on doit être fier de cela. C’est un beau pays. Vraiment, cette immersion nous a permis de découvrir les conditions de vie et de travail de nos structures déconcentrées, de voir les conditions dans lesquelles nos populations vivent. Pour nous, on ne s’est pas limité que dans les grandes villes. (…)

Cette immersion est une expérience unique que je porterai avec moi pour le reste de ma vie. Pour moi, c’est une satisfaction totale. Nous avons découvert l’état des infrastructures routières, le niveau d’émotion des communautés riveraines des opérations minières, des bonnes sociétés citoyennes minières, celles qui vont au-delà même de leurs obligations contractuelles avec l’Etat guinéen vis-à-vis des communautés riveraines. Nous avons aussi découvert des sociétés qui essaient seulement de faire le minimum pour ces communautés riveraines. Nous avons découvert des sociétés qui ont sérieusement besoin d’être améliorées. Et à ces sociétés-là, nous avons lancé des messages y compris des délais pas plus de dix jours à chacune d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos concitoyens au risque de voir leurs sociétés fermées.

Guineenews©Qu’en est-il de vos constats à Kindia ?

Moussa Magassouba, Ministre des Mines et de la Géologie : Bien naturellement à Kindia ici, nous avons eu à visiter dans un premier temps la Société des Bauxites de Guinée (SBG) qui a son gisement à côté de Garafiri mais dont le port se trouve à Konta dans la préfecture de Forécariah. Donc, une distance de deux cents (200) kilomètres. Nous avons essayé de visiter ses infrastructures, de découvrir de nos propres yeux parce que j’ai reçu assez de rapports non élogieux pour cette société.

J’ai voulu vraiment m’enquérir de l’état d’avancement de leur route minière. J’avais déjà visité leur port mais pour moi c’était de voir est-ce que la SBG est techniquement faisable. Et là, je n’ai pas caché mon émotion aux responsables que j’ai trouvés sur le terrain. Moi, je trouve qu’ils ont une distance de deux cents kilomètres de transport par camion. Et elle n’est pas économiquement faisable quelle que soit la teneur, quelle que soit la qualité de la bauxite qu’ils ont, mais je leur ai demandé de continuer à travailler pour voir une possible mutualisation avec la Compagnie de Bauxite de Kindia (CBK) que l’ancien gouvernement n’a pas été capable de faire.

C’est une option que la SBG doit voir pour amorcer les discussions avec les Russes pour vraiment pouvoir évacuer leur production parce que le gisement de la SBG se trouve à seulement 80 kilomètres de la jonction des rails de la CBK qui va au Port Autonome de Conakry.

A l’état actuel, j’ai dit à cette société de ne pas venir me mentir. Je suis un spécialiste moi-même. Je peux faire l’évaluation économique de votre projet ici au tableau noir. Donc, votre projet n’est pas faisable. Si vous continuez comme ça, vous allez vendre ce projet et je vous avertis, je vous conseille de commencer toutes les discussions avec la CBK afin de rallier ces 80 kilomètres par rail pour que votre gisement soit économiquement exploitable.

De là-bas, nous sommes partis à Diamond Cements qui est un gisement de calcaire à Souguéta. L’usine transforme ce calcaire-là en clinker et est envoyé à la société de ciments de Kagbélèn dans la préfecture de Dubréka. Et le reste de leurs clients est en République du Mali.

Ayant déjà vu Lébékéré, mon objectif était de connaître les caractéristiques minéralogiques et géologiques du gisement de calcaire de Souguéta. J’ai fait une comparaison en tant qu’ingénieur des mines qu’est-ce qui peut motiver davantage mon équipe et moi à travailler sur le cas de Lébékéré. Il fallait une comparaison pour évaluer les potentialités du gisement de calcaire de Lébékéré.

Nous avons bien naturellement trouvé des cas communautaires. Nous avons rencontré les communautés locales qui ont exprimé leurs différents souhaits. Nous avons communiqué avec les travailleurs. Mais il faut reconnaître que la loi du travail n’est pas respectée. J’ai demandé aux responsables de l’usine de m’envoyer dans une dizaine de jours la liste des travailleurs qui ont fait 24 mois soit deux ans en contrat à durée déterminée (CDD). Je veux que ces CDD soient convertis en Contrats à durée indéterminée (CDI). Je ne vais pas négocier sur ça.

Ensuite, nous avons nos inspecteurs miniers qui viennent du Fonds d’Investissement Minier (FIM). Ils sont à côté du pont de pesage, des véhicules des clinkers qui sortent du gisement pour la cimenterie de Kagbélèn. Ces derniers se sont plaints à moi pour motif qu’on leur cache les données. Alors là, chaque seconde qui passe, c’est la République de Guinée qui perd en matière de recettes au trésor. Donc, j’ai appelé la direction générale devant tout le monde, je lui ai dit qu’à partir de ce jour (jeudi 16 juin, ndlr), ces deux représentants du FIM qui sont les deux “ministres des mines” dans ce gisement, si on leur cache une quelconque information et qu’on leur refuse, et qu’ils m’appellent la société est immédiatement fermée. Moi, je ne badine pas avec cela.

Partout où je suis passé dans les préfectures et régions du pays, j’ai instruit aux cadres du ministère des Mines que chacun est ministre des Mines. (…). Je ne veux plus voir un cadre assis dans son bureau. Nous, nous sommes des hommes du terrain pour contrôler comment ces miniers exploitent leur convention de base, le code minier et comment ils se comportent envers les communautés riveraines.

Et toute société qui faillit à cela, vous avez mon autorité du ministre des Mines d’arrêter les travaux et sachez que mon soutien est 100%. Aucun travailleur du ministère des Mines ne sera inquiété quand il arrête une société minière pour violation de quelque nature que ce soit. J’invite la jeunesse au patriotisme car avec seulement les carrières de la Basse Guinée, la République de Guinée est capable d’être un pays émergent quand elles sont bien gérées. Car chaque mètre cube de sable ou d’agrégat qui sort des carrières, la Guinée impose 4 dollars au m3. Il y a combien de carrières en Basse Guinée ici. Oubliez le reste des autres régions.

Et combien de m3 sortent par jour des carrières et appliquez quatre dollars à ça, L’Etat guinéen a dit qu’au lieu de quatre dollars au m3, on a dit 2 dollars, mais les communautés riveraines pour le sable, elles doivent payer la moitié du prix normal pour leur faciliter l’accès au sable. Nous avons fait un rabais de 50% du taux d’imposition par mètre cube soit deux dollars par m3.

Malheureusement, ces communautés ne reçoivent rien de ces sociétés. Elles achètent les agrégats au même prix que tout le monde. A mon retour, j’ai déjà communiqué avec le Directeur du Fonds d’Investissements Miniers, nous avons donné deux options aux sociétés. Elles auront le choix de rabaisser à l’instant T même le prix aux communautés riveraines pour ces agrégats et je dois aller vérifier avec ces communautés ou alors la seconde option, la Guinée impose automatiquement quatre dollars par m3 au lieu de deux dollars. Le trésor n’attend que le Ministère des Mines. Les gens verront d’ici une année les recettes qui vont rentrer au trésor public par les carrières.

Donc, bref, voilà ce que l’immersion nous a donné: l’état des lieux réels, les conditions de vie et de travail de nos compatriotes dans les sociétés minières. (…)

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