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Hassane Saadi, DG de Sonit-Pêche donne les solutions aux problèmes du secteur de la pêche en Guinée (Interview)

Après le passage de la Ministre de la Pêche Charlotte Daffé au CNT la semaine dernière, GuinéeNews s’est rendu à SONIT PECHE pour rencontrer son Directeur Général M.Hassan Saadi.

L’objectif était de savoir si toutes les solutions données par la ministre étaient partagées par les professionnels de la pêche. Exclusif.

Guinéenews : Madame la Ministre de la Pêche est passé le 29 Mars devant le CNT et parmi les réponses qu’elle a données elle a précisé que le marché est approvisionné à travers la pêche artisanale, industrielle et aussi les importations. Vous qui avez une grande société qui exploite 14 bateaux industriels et le fait qu’il y ait au moins une cinquantaine de bateaux qui opèrent en Guinée, comment pourrez-vous expliquer qu’il y ait des importations dans notre pays,  qui a des ressources halieutiques importantes ?

Hassan Saadi : Oui effectivement il y a des importations, mais elles ne constituent pas 7% de nos besoins. Les importations se font surtout par voie terrestre du Sénégal ou de la Mauritanie pour certaines préfectures et une petite partie par voie maritime, surtout pendant la période de repos biologique. Par conséquent à 93% les populations sont ravitaillées par les captures des bateaux qui opèrent en Guinée et la pêche artisanale.

Guinéenews: A propos de la pêche artisanale Madame Charlotte Daffé a annoncé un programme d’accompagnement pour les pêcheurs artisanaux avec les projets de rénovations des débarcadères de Boulbinet, Teminetaye et Bonfi. Est-ce suffisant pour accompagner les pêcheurs artisanaux ?

Hassan Saadi: D’abord c’est une très bonne action du fait qu’avec la modernisation des débarcadères, les conditions de travail des pêcheurs seront meilleures et surtout les conditions hygiéniques seront assurées.

Toutefois, ce n’est pas suffisant. Madame la Ministre elle-même a déclaré que la majorité des pêcheurs artisanaux sont Sierra Léonais ou Guinée Bissau ou Ghanéens. Alors à mon avis, il y a intérêt de mettre en place un projet d’aide aux pêcheurs artisanaux guinéens qui sont très braves! Un projet d’accompagnement doit être intégral et particulièrement créé une flotte importante de la pêche artisanale pour les guinéens.

Guinéenews: Ce projet doit être composé de quoi ?

Hassan Saadi : C’est une politique complète et intégrée qui consiste à trouver des petits financements aux pêcheurs artisanaux pour s’équiper. Pour être plus précis, une pirogue inclut le moteur hors-bord plus les filets de pêcheles petits outils et le cash-flow pour le gasoil  a besoin de 250 millions de francs guinéens seulement. Pour des pirogues d’environ 18 à 20 mètres à fabriquer sur place.

Le Gouvernement peut ordonner à la BCRG d’émettre des garanties auprès des banques commerciales pour un budget de 25 milliards de francs. Ce montant pourrait être prêté à 1.000 pêcheurs guinéens soit 250 millions par pêcheur qui seront sélectionnés par les communes des zones de pêche à savoir Conakry, Kamsar, Boffa, Forécariah, etc, etc.

Le ministère de la pêche pourrait désigner une commission en rapport avec les confédérations de la pêche artisanale pour prospecter la fabrication des 1.000 pirogues, l’achat des moteurs, les filets et les besoins et c’est cette commission qui ordonne le paiement une fois le prêt disponible et remet à chaque pêcheur sélectionné ce matériel conditionné par :

1-Un engagement de rembourser les 250 millions sur 60 mois soit environ 4 millions par mois soit à peu près la valeur de 100 kilos de captures, seulement. Je dis bien par mois, le remboursement se fera directement auprès de la banque commerciale qui prêtera les 250 millions et copie du reçu de versement déposé à la commune.

2-Un engagement de la commune de garantir la surveillance de l’exploitation de la pirogue et surveiller les remboursements, uniquement par des contacts entre la commune et le pêcheur.

3-Mettre en place une procédure d’hypothéquer la pirogue en faveur de la banque commerciale qui finance les 250 millions par pirogue et sous la garantie de la BCRG. Tout pêcheur qui raterait un seul versement mensuel se verra confisquée la pirogue et revendue par une décision de la commune. Les pirogues seront immatriculées à la commune.

Cette politique pourrait se renouveller après un test d’une année et si elle réussit nous pourrons nous retrouver avec une flotte importante de la pêche artisanale au profit des guinéens. Et si cette politique réussit elle aura un impact économique et social très très important pour l’ensemble du peuple de Guinée car le nombre des pêcheurs artisanaux c’est-à-dire avec des pirogues motorisées est estimé à environ 26.000 pêcheurs,  selon les statistiques de 2016. A mon avis, aujourd’hui il a dépassé 30.000 pêcheurs. Ce premier projet qui nécessite seulement 2,5 millions de dollars est aussi important que les projets en cours de réalisations. C’est pourquoi, j’ai la certitude que si Madame la ministre lève le ton et d’autres responsables l’accompagnent, le CNRD qui a engagé le pays en chantier dans beaucoup de projets utiles et importants et qui fait beaucoup pour l’agriculture, acceptera de renforcer son soutien dans le secteur de la pêche.

Guinéenews: Comment ces produits frais sont vendus ?

Hassan Saadi: Actuellement, ils sont vendus par plusieurs méthodes. D’abord directement dans les débarcadères, ensuite les captures peuvent être transportées dans les marchés et aussi les unités de traitements installées à Conakry qui achètent ces captures à travers des accords avec les pêcheurs.

Toutefois, l’idéal serait que le ministère de la pêche encourage les sociétés à installer des usines de traitement du poisson frais et aussi avoir des marchés propres aménagés pour la vente du poisson frais. Dans tous les cas,  il y a plein de clients acheteurs. Ce problème de vente n’est pas un obstacle.

S’agissant des unités de traitement, il y a plusieurs sociétés qui ont de telles installations dont la SONIT. Nous avons une unité de traitement très moderne pouvant congeler 50 tonnes en 16 heures de travail. Et la présence de ces unités est un avantage pour la pêche artisanale guinéenne qui a la possibilité de vendre ses produits aux meilleurs offrants et ces produits sont traités et vendus dans des conditions hygiéniques convenables. Au cours de l’année 2023 SONIT espère obtenir un agrément pour exporter le poisson frais en Europe. Nous sommes en relations avec l’ONSPA pour exécuter toutes les règles et exigences nécessaires pour cet agrément.

Guinéenews: S’agissant de la pêche industrielle pélagique Madame Daffé aurait déclaré que les poissons pêchés par ces bateaux pélagiques sont petits et à majorité c’est le BONGA et le BOLOGUI que les guinéens n’aiment pas. Les guinéens préfèrent, dit-elle, le KESSI KESSI et le SINAPA, et le BARRACUDA (KOUTA). Qu’en dites-vous ?

Hassan Saadi : Oui c’est vrai le poisson est petit et à majorité BONGA et BOLOGUI. Mais Madame la Ministre est au courant des raisons. C’est la zone de pêche qui est trop loin qui est la cause. Les bateaux pélagiques sont autorisés à pêcher à partir de 60 miles le poisson est petit. La solution serait de ramener cette zone autorisée à 40 miles et vous allez voir que les espèces capturées seront meilleures, et pour le bien-être des populations et non pas seulement pour les bateaux pélagiques. Dire que les guinéens n’aiment pas le BONGA ou le BOLOGUI oui cela est valable pour les consommateurs bourgeois de la ville de Conakry et autour de la capitale, Coyah, Dubreka, Forécariah.

A Conakry, le pouvoir d’achat est plus élevé qu’à l’intérieur du pays. Les gens veulent toujours le poisson noble et cher à savoir le KESSI KESSI, la DORADE, le BARRACUDA, le MEROU etc… Mais à l’intérieur du pays particulièrement la forêt, les populations aiment et consomment largement le BOLOGUI et le BONGA et même les petites tailles sont appréciées parce que le nombre de pièces dans un carton est plus élevé et cela permet une distribution élargie à plusieurs personnes proches . Pour citer un exemple un carton de BONGA en grande taille contient environ 160 pièces de poisson. Alors que si c’est la petite taille c’est-à-dire 16 cm, il contient 220 pièces. Un père de famille qui pense toujours à ses parents, amis et voisins souvent aime toujours partager le carton et lorsque le nombre de pièces est important il a la possibilité de partager le carton sur plusieures personnes car la solidarité en Guinée est connue et fait partie de nos cultures et traditions. Par conséquent, bien que les espèces nobles soient préférées mais toutes les catégories et espèces de poissons sont vendables et chaque espèce à son prix.

Guinéenews: Pourquoi vous ne demandez pas de ramener la zone de pêche à 40 miles pour avoir des poissons de meilleures qualités et de grandes tailles ?

Hassan Saadi : Nous sommes fatigués de faire cela et de demander et à ce jour sans résultat.

Guinéenews: Vous êtes membre de la CONAPEG et elle assiste à l’élaboration du plan de pêche. A-t-elle œuvré dans ce sens ?

Hassan Saadi : Oui nous sommes adhérent de la CONAPEG (Confédération Nationale des Professionnels de la Pêche en Guinée) et mon père a été un des fondateurs de la CONAPEG avec les premiers acteurs de la pêche à savoir Thiangui et Sorel etc… mais la CONAPEG a œuvré et sans succès.

La CONAPEG n’a pas d’influence, on ne l’écoute pas pour des sujets profonds. On l’invite aux réunions pour remplir les sièges et passer à la télévision. Elle n’a jamais réglé un problème profond. Elle a de la bonne volonté mais elle n’est pas écoutée.

Guinéenews: Dans quoi par exemple?

Hassan Saadi: Je citerai un seul exemple c’est le plan de pêche de l’année 2023. Nous avons le plan de pêche le plus compliqué de la sous-région.

Au Sénégal, en Guinée Bissau, en Sierra Léone, en Gambie, les bateaux pélagiques pêchent à partir de 30 miles. En Guinée c’est à partir de 60 miles. C’est une catastrophe. Je n’arrive pas à comprendre sur la base de quoi le centre national des sciences halieutiques insiste à ce que le bateau pélagique pêche à partir de 60 miles. Ce centre ne se rend pas compte que depuis des années le plan de pêche prévoit l’octroi de 17 licences et il n’y a que 3 bateaux seulement qui sont en opération et ce sont les bateaux de SONIT ? Le centre doit se poser la question pourquoi les bateaux pélagiques ne viennent pas pêcher en Guinée ? La raison est bien connue parce que la pêche autorisée est à partir de 60 miles. Avec cette exigence, personne ne viendra. C’est de l’argent perdu pour le trésor guinéen, puisque nous n’arrivons pas à remplir le quota autorisé.

Toujours comme remarque sur le plan de pêche de 2023,on oblige les bateaux industriels à limiter à 2% seulement le pourcentage autorisé en capture différente. Personne ne peut respecter cette règle. Cette exigence est très douteuse.

Ensuite ce qui est plus grave toujours dans le plan de 2023 pour les licences de la pêche industrielle et les produits pélagiques la SARDINELLE qui constitue la majorité des captures a été dissocié, des CHINCHARDS et des MAQUEREAUX alors que les 3 espèces sont de type pélagique et sont pêchées dans la même zone. Cela est inadmissible parce que inapplicable.

Guinéenews : Madame Daffé aurait déclaré qu’elle a pris des mesures dont l’obligation de débarquer toutes les captures à Conakry. Cela vous gêne ?

Hassan Saadi : Non pas du tout. Elle a raison de donner la priorité aux ravitaillements des populations en poissons. Pour notre part, notre société a des stocks de poissons du 1er Janvier au 31 Décembre de chaque année. Nous pouvons être en rupture de certaines espèces mais jamais une rupture systématique. Nous avons 16 succursales à l’intérieur du pays qui sont également ravitaillées correctement. Même en période de repos biologique, nous avons du poisson à la disposition des populations.

Des centaines de braves  mareyeuses sont abonnées chez nous et elles sont ravitaillées tous les jours et à leur tour, elles ravitaillent le marché. Le système fonctionne parfaitement bien.

Guinéenews: S’agissant des exportations, la Ministre aurait déclaré au CNT qu’elle a fait augmenter les taxes sur les exportations. Est-ce une bonne chose ?

Hassan Saadi : Oui c’est une bonne chose pour remplir les caisses de l’Etat et ravitailler les populations en poissons sur le marché et je dirai non pour la consolidation de la valeur de la monnaie guinéenne à travers le rapatriement des devises issues des exportations. Dans tous les pays du monde les exportations sont organisées pour atteindre deux objectifs. En priorité l’intérêt des populations et secondo rapatrier les devises pour soutenir la monnaie nationale. Et dans certains pays tel que le Nigéria, l’Etat accorde des subventions aux exportations.

Guinéenews: SONIT est connue pour avoir fait des gros investissements en Guinée dans le domaine de la pêche. Quelles sont ses perspectives à court terme toujours dans le cadre des investissements?

Hassan Saadi: En perspective d’ici la fin du mois de Mai 2023 nous recevrons deux bateaux de pêche que nous avons commandés et payés en Egypte qui vont s’ajouter à notre flotte. Nous les avons baptisés sous les noms de M/V FRIA et M/V BEYLA. Il s’agit des bateaux de la pêche semi-industrielle, pour pêcher le poisson frais.

Ces bateaux qui pêcheront le poisson frais permettront d’augmenter le ravitaillement les quantités de poisson frais pour notre unité de traitement que nous venons de créer.

Si nous constatons que le résultat est satisfaisant, nous comptons commander encore 8 bateaux pour porter la flotte à 10 en espérant que nous n’aurons pas de difficultés pour obtenir les licences de pêche d’autant plus que les bateaux portent le drapeau guinéen, sous pavillon guinéen ce qui est une fierté pour la République de Guinée.

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