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Harcèlement sexuel dans le milieu scolaire, une triste réalité

L’école, lieu de formation à la vie, où le savoir se déploie, et où l’organisation et la maîtrise des interrelations dynamiques et complexes, préparent les élèves à exercer positivement leur citoyenneté,  l’école qui devrait constituer une belle exception parce que renfermant la couche sociale la plus vulnérable, celle des enfants et des jeunes, l’école, temple du savoir qui devrait, même dans une société où les mœurs sont en dépravation, où les stéréotypes sexistes pèsent lourdement sur les mentalités, rester un havre de paix et de sécurité où s’épanouissent les élèves, garçons comme filles, est aujourd’hui le lieu de prédilection des prédateurs pervers qui sautent sur les apprenantes.

En Guinée, selon les rapports des chefs d’établissement et d’autres sources, seulement 30% des filles parviennent au cycle moyen et 25% au cycle secondaire. Ces rapports notent une récurrence des cas de harcèlement sexuel en milieu scolaire. Ce phénomène plusieurs fois relaté dans la presse, et qui compromet les performances des filles, l’achèvement de leurs cycles, leurs rôles et leur autonomie futurs comme agents et bénéficiaires du développement, est source de la déperdition qui continue de gonfler le stock d’analphabètes chez les femmes et les filles.

Le harcèlement sexuel pratiqué dans les écoles devant le silence coupable des autorités de l’éducation

« Ma fille était en 12eme année, quand elle a été victime de harcèlement de la part du directeur des études de son école. Un soir, elle est venue en larmes à la maison me rapportant que le directeur des études lui a demandé de sortir avec elle, faute de quoi elle va reprendre la classe. J’ai pensé au départ aux caprices d’une adolescente. Mais une fois que je me suis rendu dans son école, j’ai rencontré le fondateur qui a convoqué séance tenante le directeur des études qui s’est mis à table et a présenté ses excuses. Furieux, j’ai décidé d’enlever ma fille dans cet établissement. Mais la demande du fondateur et sa promesse de veiller personnellement sur mon enfant m’ont freiné et m’ont ramené sur ma décision. Voyez-vous ça ! Ce qui se passe dans les écoles est impensable pour les parents d’élèves que nous sommes. Nos enfants ne sont pas en sécurité dans les écoles. Nous les confions à des loups sans état d’âme », soutient M. Dabo, un entrepreneur qui n’a pas voulu se taire sur le sujet. Il a accepté volontiers de nous apporter son témoignage. Comme quoi, les langues commencent à se délier sur le harcèlement sexuel, longtemps considéré comme sujet tabou du fait des considérations culturelles.

Si  M. Dabo a réussi à anticiper le danger qui guettait sa fille, ce n’est pas le cas de cette autre jeune dame dont la protégée n’a pas échappé aux assauts sexuels de son professeur principal. Un vulgaire enseignant vendeur d’illusions a transformé sa cousine en un « second bureau » où il venait assouvir son plaisir chaque fois qu’il en avait besoin. « Djenabou ne partait pratiquement pas aux cours, mais elle était toujours parmi les dix premiers de sa classe. J’ai douté de cette performance jusqu’à ce qu’un jour les rumeurs me parviennent à l’oreille. Une amie qui habitait le quartier Nongo, m’appelle un après-midi pour m’annoncer que ma cousine fréquente un motel du coin. Je lui demande de pousser son enquête et connaître l’identité de celui avec lequel elle s’y rend. Suite aux investigations, il ressort que ma sœur va dans le motel avec un de ses professeurs. Interrogée, elle a nié. Et comme ce qui est pourri finit toujours par sentir, quelques jours après, je constate que ma cousine de lycéenne est enceinte de son amant de professeur. Je me rends à l’école accompagnée de mon époux. Djenabou nous montre son professeur principal comme l’auteur de sa grossesse. Un sexagénaire qui enceinte une fille de 18ans ! Je n’en revenais pas. J’ai saisi la justice. Mais comme vous le savez, les interventions ici et là ont freiné mon élan. Ma cousine vit aujourd’hui avec son enfant chez sa mère à Kindia. Elle a abandonné les études. C’est dommage », regrette dame Laouratou B.

Harcèlement sexuel, un sujet tabou

« Quand mon prof de mathématiques m’a menacé de sortir avec lui, j’ai informé ma mère. Mais elle m’a demandé de garder le silence. Ne pouvant pas, j’ai exigé à ce qu’elle m’envoie dans une autre école. Ce qui fut fait. Mes amies qui  sont restées, ont toutes été victimes tantôt  des menaces d’avoir des mauvaises notes, du mauvais regard, des insultes, des intimidations pour celles qui ont essayé de résister. Beaucoup sont passées à la « casserole » sous la pression des profs irresponsables et dans le silence. Et elles sont nombreuses celles qui passent en classes supérieures avec des « notes sexuellement transmissibles » La quasi-totalité des enseignants que j’ai eus, m’ont toujours demandé de sortir avec eux. Je n’ai jamais compris pourquoi », s’interroge la jeune lycéenne, Khady D.

Du fait  donc de leur « nature de femme », les jeunes filles sont confrontées à des formes spécifiques liées exclusivement au genre. Entre autres, les abus psychologiques et émotifs, la prostitution forcée. Mais  de tout ça, le harcèlement sexuel apparait le plus préoccupant étant donné l’impact désastreux qu’il a sur la déperdition scolaire. Mais ce qui est écœurant, c’est la dissimulation qui est généralement de rigueur. Cette dissimulation est le fruit d’un attachement à la tradition, aux coutumes et/ou à l’honneur familial. Elle est parfois le fait des parents qui obligent leurs filles au silence soit parce qu’ils craignent d’être indexés comme déviant des normes de la société….

Le harcèlement sexuel est un acte souvent accompagné d’intimidations et de menaces. Il est généralement le fruit de chantages auquel les filles cèdent lorsqu’elles sont gagnées par la peur. Cet acte irresponsable qui se pratique au sein de l’établissement, a souvent, d’après les filles, des dates ou des lieux spécifiques. Toutes les conditions environnementales favorables sont exploitées : manifestations socio culturelles dont les dates varient d’un établissement à un autre mais globalement organisées entre les mois de mars et avril, les soirées dansantes, les fêtes religieuses et les fêtes de fin d’année constituent autant d’occasions pour les enseignants pervers. D’après les enquêtes faites auprès des lycéennes, les chantages ont leur calendrier spécifique qui tourne généralement autour de la période de remise des bulletins de notes, de composition, tant du premier que du second semestre. On retient donc, de l’avis des jeunes filles, que les auteurs des violences en milieu scolaire sont des acteurs du milieu à savoir les enseignants en première ligne.

Les filles qui ne cèdent pas à la tentation sont démoralisées

« Si tu leur tiens tête, tu es méprisée et tous tes actes sont mal vus et mal interprétés. On fait tout pour te démoraliser et te décourager. Pour un petit geste, on te colle une mauvaise note ou tu es simplement mise dehors pendant des heures », témoigne Mariame O Diakité, élève en classe de Tle Maths, au lycée 2 Octobre.

Selon cette élève de terminale maths, quand les filles refusent de céder aux demandes indécentes des enseignants, elles sont victimes des violences dites symboliques telles que le regard. Des violences qui se manifestent également à travers les appréciations sur les copies des élèves par des expressions démotivantes telles : « nulle ! », «paresseuse »… De plus, il est fréquent qu’un enseignant, pour humilier un garçon, lance des phrases qui indirectement atteignent de façon blessante toutes les filles de la classe « même les filles sont plus… ». Ces actes et paroles qui font plus référence à des jugements de valeurs humaines ont des conséquences incommensurables sur la psychologie de la fille en ce qu’ils limitent son ambition, bloquent l’appréciation positive de ses caractéristiques propres et la consolidation de la certitude et de la confiance qu’elle est en droit d’avoir d’elle-même.

Ces formes de violences dites symboliques, qu’elles soient sexuelles ou non, sont percutantes et « persécutantes » et parmi les plus lâches car elles ne laissent pas de traces mais un marquage moral et psychologique indélébile  Les conséquences de ces violences au niveau pédagogique ou éducatif d’une manière générale, en plus de ternir l’image de l’école au sein de la communauté, ont des impacts avérés sur le maintien des filles à l’école.

Lorsque la fille refuse de céder aux avances et au chantage des mâles, les conséquences sont souvent la peur des sanctions par de mauvaises notes, les intimidations, les humiliations et la peur même d’aller à l’école. Que la fille cède aux avances et aux chantages ou pas, les contraintes provoquent chez elle le stress qui réduit ses performances scolaires, la conduisent au dégoût, à l’échec, et en définitive à l’abandon de l’école

Au département de l’Éducation et dans les Directions Communales ou Régionales où nous sommes rendus, aucun interlocuteur fiable. Quelques cadres et enseignants en situation de classe se sont contentés d’accuser les « élèves paresseuses » à la recherche des boucs émissaires qui seraient la cause de leurs échecs. « Harcèlement sexuel ? Je ne crois pas trop. Les filles provoquent ! Ce sont elles mêmes le plus souvent les premières à proposer leur corps contre les notes pour échapper à l’échec. Elles passent toute la nuit à t’appeler pour s’offrir. On peut certes accuser les enseignants mais les élèves ne sont pas innocentes », soutient Zackaria C, un enseignant rencontré à la DCE de Ratoma, qui rejette tout sur les jeunes élèves.

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