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Guinée/Tontine-tickets : une épargne, certes utile aux souscripteurs, mais qui n’est pas exempte de risques

En plus des tontines traditionnelles communément appelé “sousou”‘’solo padhé’’ ou encore ‘’néné gôto’’ ; une autre, également informelle, se développe à la vitesse de l’éclair, dans la commune urbaine de Labé. Il s’agit de versements quotidiens connus sous le nom de tickets ou épargne journalière. Une épargne, qui cible en grande majorité des ouvriers, des marchands, commerçants et parfois même des fonctionnaires qui n’auraient pas de facilités avec les institutions bancaires, ont constaté sur place, les reporters de Guinéenews.

En effet, le ou les responsables de l’organisation passent chaque jour, récupérer un montant convenu, auprès de l’abonné. Ce dernier doit émarger sur deux tickets. L’un reste avec lui, comme reçu de versement et l’autre est gardé par le ramasseur. A leur convenance, chaque membre récupère, au terme du contrat, la totalité du montant, moyennant la commission de l’organisation. « La commission c’est 10% chez nous ; c’est-à-dire quand tu as déposé un million, à la fin on te rend 900 000GNF et nous on prend 100 000GNF comme commission. Voilà comment ça marche et ça dépend de l’organisation, parce que chacun a ses règles bien définies » a laissé entendre un agent qui n’a pas voulu donner trop de détails sur son business.

Une épargne très intéressante, surtout si elle repose sur des bases légales et administratives avec une sécurité rassurante. « Ça m’aide beaucoup à épargner, sans me déplacer. L’agent passe à mon lieu de travail tous les jours et à chaque fois qu’il se présente je me vois obligé de déposer le montant fixé. Comme ça à la fin du mois je récupère 800 000GNF, voire même 2 000 000GNF. Ça dépend de ma mise et des périodes de versement. C’est pratique et ça nous aide à épargner » explique un mécanicien qui semble avoir beaucoup d’amour pour la tontine journalière.

Malheureusement, il y a quelque fois problème, au niveau sécuritaire, parce qu’on assiste à des conflits et des situations de détournement ou d’escroquerie, à ciel ouvert. « Une fille bien connue dans le quartier Poréko, calme et polie, avait mis en place une organisation de tickets. Elle venait tous les jours et on lui donnait nos contributions, selon nos moyens. Certains donnent 10 000, 20 000 ou 30 000 GNF par jour. A la fin de l’échéance, chacun récupère son argent sans problème. Donc, il y a eu un climat de confiance et les gens adhèrent en masse.

Malheureusement et contre toute attente, elle a commencé à se faire rare et on ne connaissait ni chez elle et encore moins son siège. De fil en aiguille, on a appris qu’elle préparait son mariage. Elle fût interpellée à plusieurs reprises, mais sans gain de cause.

Finalement, après le mariage, elle a disparu. On a saisi ses parents qui ont promis de rembourser et on attend toujours, alors qu’on est à la sixième semaine, sans résultat » rapporte Mariama Bèntè Diallo.

Pratiquement, aucun contrat écrit ne lie les partenaires, adhérents et très souvent l’organisation n’a pas de siège connu. C’est juste une affaire de confiance et parfois, sans même connaître le domicile de l’initiateur du projet. « En dehors du ticket, il n’y a aucun autre document comme contrat. Mais vous savez, c’est souvent des personnes de confiance bien connues dans le milieu qui sont à la tête de l’organisation.

Par contre, je travaille avec un autre groupe qui est bien structuré avec un siège et des tablettes pour l’enregistrement des clients » affirme Thierno Sow un vendeur de prêt-à-porter qui, visiblement, a trouvé un intérêt particulier dans la chose.

Pour pousser davantage notre investigation, nous sommes allés vers l’organisation en question, pour apprendre que ADS (Alpha Del Service) est en place depuis 2016. « Nous avons 3 types de comptes, mais c’est deux qui sont en service. Nous avons l’épargne journalière qui cible directement des gens qui n’ont pas le temps ou les moyens d’aller vers les banques. Des gens qui n’ont, le plus souvent, pas de carte d’identité. Donc, ce compte est spécialement pour ceux-ci, parce qu’ils gagnent de l’argent tous les jours, mais n’arrivent pas à épargner. Voilà pourquoi nous envoyons des agents vers eux, pour récupérer l’argent. Et c’est des agents qui sont payés à la tâche et qui sont dotés de téléphones portables, avec des applications en ligne, pour faciliter les transactions. Dès que le client paye, l’agent l’enregistre sur place et ça apparaît directement sur le serveur central qui est au bureau » déclare, le patron de l’entreprise.

Malgré le fait qu’il estime être dans la légalité, Alpha Mamadou Bella Diallo reconnaît qu’il y a des brebis galeuses dans le secteur. « En venant, on fait un contrat avec le client à l’ouverture du compte avec des détails, même en cas de décès. Il y a aussi des photos qui sont dans la base de données, parce que parfois, des gens ramassent des cartes et se présentent au bureau. On identifie et on trouve que ce n’est pas la bonne personne. A ce niveau, on est affilié à la sûreté où un agent gère nos dossiers. En plus, j’ai déjà mon RCCM et tous les documents nécessaires et je paye également l’impôt à l’État, chaque année. J’ai mes comptes dans deux banques de la place avec toute la garantie des fonds. C’est aussi des diplômés qui travaillent dans mon entreprise.

Mais, ce n’est pas facile, croyez-moi, car il y a eu des agents qui ont travaillé avec nous jusqu’à connaître le terrain. Après, en complicité avec leur conjoint (e), ils démissionnent, pour s’installer à leur propre compte et nous concurrencer », dénonce-t-il.

L’État à travers son département des PME devrait s’intéresser à ce secteur qui prend de l’ampleur, avec la création fantaisiste et souvent illégale d’organisations qui, si rien n’est fait, se transforment en escroquerie, à ciel ouvert.

A côté de cette épargne journalière, vous avez les tontines Solo padhè ou Nènè gôtô, deux onomatopées qui veulent dire, en pular : se déchausser, en signe de respect, pour celui à qui on rend visite ; nous sommes de même mère, ce qui sous-entend, l’amour profond et indiscutable qui unit les membres de l’association. Malgré ces qualificatifs, très évocateurs, ces tontines sont souvent sources de conflits entre les femmes qui se perdent dans les calculs des fonds investis ou perçus.

Au regard de tout ces aspects, il serait intéressant que les initiateurs cherchent d’abord à formaliser la chose, avant d’aller à la conquête des clients. Une telle démarche permettrait à chacun de satisfaire à ses obligations, jouir pleinement de ses droits et minimiser les problèmes.

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