De la condamnation des activistes du FNDC, Souleymane Condé et Youssouf Dioubaté le 13 janvier 2021, à la comparution prochaine de DK – suite à la contre-attaque de Ousmane Gnelloy – le 30 décembre prochain, en passant par la condamnation du colonel Barry par la justice militaire et celle du très controversé Imam et prédicateur religieux en Maninka Nanfo Ismaël par le tribunal de première instance de Kankan, les grands procès n’ont pas manqué. Mais comme toujours, les décisions de nos cours et tribunaux ont contribué à les décrier davantage. Au banc des accusés, avec l’arrivée au pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya, la justice guinéenne fit son mea culpa à travers des propos du président de l’Association des magistrats de Guinée. « Les reproches et les griefs contre les magistrats ne sont pas faux. Mais, ils sont amplifiés par une telle démesure que tout le tableau est sombre. Alors que les efforts pour améliorer son image sont presque vains. Le Conseil supérieur de la magistrature ne dispose pas pour le moment de moyens de lutte contre les ingérences et les pressions des autorités exécutives et politiques », dira le président de l’Association des magistrats de Guinée, Eric Mohamed Aly Thiam, devant le nouvel homme fort du pays, le 21 septembre dernier.
Des opposants condamnés
Les arrestation et détention d’opposants qui se sont opposés à la révision constitutionnelle, puis au troisième mandat, se sont poursuivies en 2021. Certains ont vu leurs dossiers jugés. Alors que d’autres, sans être jugés, ne sont sortis de la prison qu’après le coup d’Etat du 5 septembre. Dans les dossiers jugés, les opposants ont été condamnés avant que certains ne soient graciés par Alpha Condé. Parmi eux, Souleymane Condé et Youssouf Dioubaté. Le 13 janvier 2021, les deux membres du FNDC ont été reconnus coupables des faits de « production, diffusion et mise à la disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre et la sécurité publique » par le tribunal de première instance de Dixinn. Pour la répression, ils ont écopé d’un an de prison et du paiement par chacun d’une amende de 20 millions de francs guinéens. Six mois plus tard, ils seront graciés par Alpha Condé.
Le mois de janvier 2021 sera également marqué par la condamnation d’Oumar Sylla, alias ‘’Foniké Menguè’’, l’une des figures de proue du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Six mois plus tard, il sera condamné en appel pour « provocation directe à un attroupement non armé suivi d’effet et de Communication et de divulgation de fausses informations, menaces notamment de violences ou de mort. » Il ne sortira de prison qu’après la prise du pouvoir par le CNRD.
Très redouté par les opposants, le tribunal de première instance du ‘’célèbre ‘’ Sidy Souleymane N’Diaye condamna aussi Mamady Onivogui du mouvement Elazolaga, le webactiviste Madic 100 Frontières (de cinq ans, sa peine sera réduite à un an par la Cour d’appel).
Par contre, Ismaël Condé sera condamné à trois ans et 4 mois de prison par le tribunal de première instance de Mafanco. Il sera lui aussi libéré par la junte.
Pour sa part, le jeune militant de l’UFDG, Boubacar Diallo, alias ‘’Grenade’’ a vu sa condamnation à dix ans de prison (par le tribunal de Dixinn) confirmée par la Cour d’appel de Conakry. Gracié par Alpha Condé, il se retournera même contre son parti avant d’y retourner après la chute d’Alpha Condé.
Eux, ils n’ont pas été condamnés. Alors que leur procès mettait du temps à se tenir, Abdoulaye Bah, Chérif Bah, Ousmane Gaoual Diallo et Mamadou Cellou Baldé ont finalement bénéficié d’une semi-liberté en juillet 2021. Un mois plus tard, l’un des quatre leaders de l’opposition retournera en prison pour violation de son régime de semi-liberté.
Le religieux Nanfo aussi…
Poursuivi pour ‘’trouble à l’ordre public’’, Nanfo Diaby, l’imam qui dirige la prière dans sa langue maternelle Maninka a été condamné à un an de prison dont six avec sursis par le tribunal de première instance de Kankan. Cinq mois après sa condamnation en octobre 2021 par la Cour d’appel de Kankan. « Ce que j’ai vu en prison a renforcé ma foi », dira-t-il après sa sortie de la prison. Lui qui a divisé les Guinéens sur la question de savoir si un musulman doit ou pas prier dans une autre langue que l’arabe. Cependant, l’imam n’a pas obtenu gain de cause quand il a demandé à la Cour suprême d’annuler l’interdiction qui lui a été faite (par le Secrétariat aux Affaires religieuses) d’exercer une activité religieuse en publique et de parler au nom de l’islam.
Il y a également les journalistes…
En janvier 2021, le juge Abdoul Gadiry Diallo du tribunal de première instance de Kaloum condamne trois journalistes sur la base du code pénal. « Il y a eu une erreur d’interprétation de la loi par une formation de jugement… La seule loi applicable en République de Guinée en matière de délit de presse, c’est la loi sur la liberté de presse », reconnaîtra le ministre de la Justice d’alors, Me Mory Doumbouya face aux Associations de journalistes. La décision condamnant les trois journalistes à deux mois de prison assortis de sursis sera finalement annulée.
Il n’en sera pas de même pour les journalistes sportifs Amadou Sadio Bah et Amadou Diouldé Diallo. La loi sur la liberté de la presse n’a pas été appliquée contre le premier qui a été emprisonné à six mois de prison ferme pour « diffamation et injures publiques » au préjudice du président de la Fédération guinéenne de football d’alors, Mamadou Antonio Souaré. Contre le second, cette loi ne sera appliquée qu’après 81 jours de détention. Poursuivi pour ‘’ offense au chef de l’Etat ‘’ il sera finalement condamné au paiement de cinq millions de francs guinéens.’’
Et les dirigeants sportifs
L’affaire a été déclenchée en 2017 par Antonio Souaré qui venait de prendre la tête de la Fédération Guinéenne de Football (FGF). Mais, à la fin, c’est lui qui y laissera des plumes. Le 15 juin 2021, la Cour d’appel de Conakry confirme le jugement du tribunal de première instance de Kaloum renvoyant en novembre 2020, Salifou Super V, Ibrahima Blasco Barry et Aboubacar Morton Soumah à des fins de poursuite pour délit d’«abus de confiance » non constitué. La Cour condamnera même solidairement Antonio Souaré et la FEGUIFOOT au paiement de 500 millions de francs guinéens pour la réparation des préjudices causés aux trois anciens dirigeants de la FGF.
L’exception Gnelloy et Youssouf Le Bon…
La justice guinéenne a donné l’impression d’être seulement contre les opposants. Mais le juge Charles Wright marquera l’exception en condamnant Ousmane Gnelloy Diallo, « ministre de la Défense » d’Alpha Condé sur Facebook à cinq ans d’emprisonnement pour « injures publiques et menaces de mort réitérés » au préjudice de Kadiatou Biro Diallo (DK). Tout puissant militant du RPG-Arc-en-ciel, Gnelloy ne sera arrêté et conduit en prison qu’après la chute d’Alpha Condé. En appel, il sera condamné à deux ans de prison ferme. En attendant, l’issue de sa demande de mise en liberté, Ousmane Gnelloy a contre-attaqué en portant plainte contre DK devant le même tribunal de Dixinn. Celle-ci y est attendue le 30 décembre.
Muté à Dubréka où il est devenu le président du tribunal de première instance, Charles Wright y a frappé fort. Le 8 novembre 2021, il a condamné l’ancien préfet Younoussa ‘’Le Bon’’ Sylla et l’ancienne députée Eva Kaltamba a 5 ans de prison ferme et au paiement de 10 milliards de francs guinéens. Ils bénéficieront d’une liberté conditionnelle en appel. Une décision qui amena même la partie civile à récuser la juge Fatou Bangoura.
Sorya Bangoura et la nouvelle justice
Le mea culpa des magistrats, en septembre dernier, face au Président colonel Mamadi Doumbouya, sonnait-elle la fin du deux poids deux mesures ? En tout cas, Sorya Bangoura, jeté en prison pour avoir « violé » les mesures de l’État d’urgence sanitaire sous Alpha Condé, sera libéré sous Doumbouya pour délit « d’entrave aux mesures sanitaires » non constitué.
La grève des auxiliaires de justice
L’une des faiblesses de la justice sous Alpha Condé était l’inexécution des décisions de justice. Les huissiers de justice et les avocats sont allés en grève contre le problème. Ce qui a perturbé le fonctionnement des cours et tribunaux durant plus d’un mois.
A quand le procès sur le massacre du 28 septembre ?
Douze ans après le massacre du 28 septembre, toutes les parties réclament la tenue du procès. Le régime déchu d’Alpha Condé avait annoncé l’organisation du procès pour juin 2020. Mais, les annonces du ministre de la Justice d’alors, Mohamed Lamine Fofana, se révéleront fausses. Dès que le pouvoir a changé en Guinée, le bureau du procureur de la Cour pénal international a sauté sur l’occasion pour remettre la pression sur la Guinée. « On espère que le procès se tiendra dans trois mois », dira Amadi Bâ du Bureau du procureur de la CPI lors d’une visite en Guinée, dans la dernière semaine de novembre. En tout cas, les nouvelles autorités ont promis de tenir le procès dans un bref délai.
Et Doumbouya créa la CRIEF…
Dans son engagement à lutter contre les crimes économiques et financiers, le colonel Doumbouya créa la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Selon l’ordonnance de création de la CRIEF, sont constitutives d’infraction économique et/ou financière jugeable par la juridiction naissante, les infractions relatives aux finances des personnes morales de droit public, celles dont la réalisation est susceptible d’affecter négativement l’ordre public économique, celles qui constituent une atteinte grave et massive à la santé publique et à l’environnement et celles définies dans l’acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêt économique. La nouvelle juridiction s’est même vu attribuer les compétences de la Haute Cour de Justice.