Par Youssouf Sylla, juriste, analyste politique.
Pour certains, le changement de cap s’avère difficile, tant les petits calculs dans l’approche qu’ils ont des affaires publiques altèrent le sens de leurs jugements. L’intériorisation du changement devient difficile et pourtant, dit Stephen HawKing,
« si vous n’êtes pas ouverts au changement, alors vous serez malheureux. L’intelligence est la capacité à s’adapter aux changements ». Ainsi, l’élévation en perspective, dans l’approche de la situation présente de notre pays, devrait à mon sens, être notre marque commune. Il est des moments où la situation d’un pays exige de la part de ses élites et des citoyens, un énorme sens de responsabilité et de vision. Il faut savoir dépasser certaines pages sombres de notre histoire commune et s’activer à écrire d’autres, plus glorieuses et surtout bénéfiques pour les générations futures.
Cette terre qu’est la Guinée, nous l’avons en héritage, elle ne nous appartient pas seuls. Nous devons à notre tour la léguer en état de gouvernabilité à nos enfants, eux aussi à leurs enfants, ainsi de suite.
La terre guineenne que nous avons présentement en héritage est pourrie de part et d’autre par la corruption andémique, une dictature et une division de plus de 60 ans, et par l’incertitude face à l’avenir. Aujourd’hui, une opportunité s’offre à nous tous pour refonder l’Etat, le mettre sur les rails pour enclencher un nouveau départ. Cette opportunité est à saisir à l’intérieur de la transition ouverte par les militaires. Sans pour autant faiblir en vigilance citoyenne, il faut pouvoir donner une chance à ce pays. L’extraire un petit moment des mains des politiciens qui se sont jusque là montrés incapables de le faire rentrer dans la catégorie des nations émergentes. La focalisation maladive sur la tenue rapide des élections n’est une panacée pour donner à la Guinee une vitalité démocratique durable. Il faut non seulement s’assurer au préalable que les élections feront sortir des urnes , le vainqueur qui le mérite, mais qu’il y aura aussi à coté un système judiciaire qui n’est pas à la solde d’un parti politique, et que l’entité en charge de l’organisation des élections travaillera en toute indépendance et impartialité. Sans oublier que tout ceci devrait être possible sous la couverture d’une constitution élaborée pas en catimini, mais de façon concertée par les guinéens.
Les exigences d’une vigilance citoyenne
La vigilance citoyenne doit s’exercer tout au long de la transition et après aussi. Elle doit exiger de la Transition un travail de fond sur les thématiques citées plus haut et la conformité des actions entreprises aux différentes clauses de la Charte de la Transition. Et ceci pour deux raisons fondamentales: le retour des fondamentaux d’un véritable Etat de droit et la mise en place des principes de gouvernabilité de la cité après la Transition. Un travail bâclé à l’intérieur d’un temps insignificatif est à éviter à cet égard. Un travail de qualité exige un délai raisonnable, justifié par la dimension de la tâche à accomplir. Ignorer cela, revient à faire preuve d’aveuglement aux règles élémentaires du bon management.
Le travail de refondation de l’Etat guinéen, en faillite sur le plan moral et institutionnel,
est plus facile à faire par ceux qui ont pris l’engagement de ne pas être impliqués dans les élections à venir, que par les politiques une fois élus. Parcequ’une fois élus, rien ne nous met à l’abri d’une nouvelle constitution taillée sur mesure comme ce fût le cas des précédentes lois fondamentales du pays qui offraient toutes au président de la République des pouvoirs surréalistes, en le mettant au-dessus de l’Etat dans certains cas. Un homme au-dessus de l’Etat devient nécessairement un dieu sur terre. Or la Guinée a besoin d’être dirigé par un homme ou une femme normal (e), pas par un petit dieu!