Le 5 septembre 2021, la population guinéenne apprenait l’arrestation de l’ancien président Alpha Condé. Cet acte a été applaudi par la quasi-totalité des Guinéens et a été perçu comme un “acte salvateur”. Un an après comment les acteurs de la société civile jugent-ils le bilan du Cnrd ?
“Nous sommes de plus en plus inquiets de l’évolution des droits de l’homme”
Alseny Sall est le chargé de communication de l’OGDH. Il pense que : « le discours du 05 septembre 2021 prononcé par le Colonel Mamadi Doumbouya pour justifier la prise du pouvoir avait suscité beaucoup d’espoir chez les défenseurs des droits de l’homme que nous sommes. Le CNRD avait dénoncé le piétinement des droits des citoyens, l’instrumentalisation de la justice et avait déclaré que désormais que la justice allait être la boussole de chaque citoyen.
Une année après, j’avoue que la libération des détenus politiques civils et militaires ainsi que les discours d’apaisement à l’endroit des victimes de violences d’Etat qui ont été salutaires au départ a graduellement cédé la place à la restriction des libertés et de l’espace civique pour les citoyens.
Le harcèlement judiciaire contre les voix dissonantes en passant par la répression des manifestations. Le tout dans un environnement caractérisé par l’absence d’un cadre de dialogue entre le CNRD et les autres parties prenantes à la Transition. En dépit des appels de la mise en place de ce cadre tant par des acteurs nationaux qu’internationaux pour éviter que la Guinée ne retombe dans des situations difficiles. Bref nous sommes de plus en plus inquiets de l’évolution des droits de l’homme depuis un certain temps.
En tant qu’organisation citoyenne, nous ne cesserons jamais de jouer notre rôle d’interpellation de nos gouvernants pour le respect des droits et libertés de nos citoyens. Car, pour nous, dans une démocratie, c’est l’Etat qui a l’obligation de protéger et de promouvoir les droits de l’ensemble des citoyens et ce, quelle que soient l’appartenance politique ou sociale. C’est pourquoi nous demandons au président de la transition de veiller au respect des engagements de la Guinée en matière des droits de l’homme. Nous demandons à l’ensemble des acteurs politiques et sociaux de privilégier le dialogue et de placer toujours l’intérêt national au–dessus du tout. Pour nous, l’implication du Colonel Mamadi Doumbouya est indispensable pour la réussite du dialogue« .
“Le bilan du CNRD est mitigé”
De son côté, Ibrahima Aminata Diallo, président de la Coalition Nationale des Associations pour la Paix et le Développement a indiqué que : « le bilan est mitigé à notre niveau. À l’arrivée du CNRD au pouvoir au mois de septembre 2021, nous étions dans une situation de silence forcé. Il y avait l’interdiction systématique de toutes les manifestations revendicatives, l’installation des P.A dans certaines zones de l’axe, la presse était muselée des hommes arrêtés…
Alors je pense que sur ce plan, ils ont parvenus en trois mois à redonner le blason et redonner en quelque sorte l’espoir au peuple de Guinée. A travers le démantèlement des P.A, la levée des interdictions de manifestations, la libération des prisonniers politiques, la visite du cimetière des martyrs de Bambéto et le projet d’implantation des lampadaires au niveau de l’axe.
Mais aussi, la mise en place de la CRIEF qui avait au début pour mission d’interpeller tous ceux qui ont détourné les deniers publics. Mais je pense que cet espoir a été très éphémère parce-qu’aujoudhui, la situation de l’avènement du CNRD au pouvoir en 2021, et au même moment en 2022 vous avez à peu près la même atmosphère.
Parce qu’on a ramené le silence forcé, on a interdit les manifestations. Mais l’espoir est permis, dans la mesure où la médiation a débuté. Aujourd’hui, nous nous fondons au niveau de notre organisation, un espoir dans la mesure où nous privilégions beaucoup plus le dialogue au détriment des manifestations de rues.
Parce qu’elles n’ont jamais donné de résultats probants sauf des cas de mort par balle, des destructions de biens. Donc, nous invitons tout le monde à privilégier le dialogue si toutefois, il n’aboutit pas à une visibilité sur la conduite de la transition. Nous allons faire recours à ce droit de la manifestation pacifique. Je pense que c’est un droit reconnu dans la charte même, c’est un droit conventionnel« .
“Le Rawlings guinéen est possible à travers le CNRD…”
Pour Abdoulaye Sacko de la COJELPAD: « en supposant que le Rawlings guinéen est possible à travers le CNRD, interrogeons et comparons ainsi dans notre exercice d’établissement du bilan pour le rêve recherché, (i) les parcours (expérience et moralité) des maitres civiles et militaires du moment, (ii) leur train de vie en lien avec le contexte d’austérité et le revenu moyen et (iii) même leur newlook vestimentaire avec bonne mine ou pas, pour comprendre si c’est le partage du butin ou le travail dans l’intérêt supérieur de la Nation qui prévaut.
Toutefois, bien que le CNRD et des organes de la Transition n’ont pas fait preuve d’exemplarité (la présentation de leurs biens, l’état financier et matériel de l’Etat à la prise du pouvoir, le point sur la vente aux enchères des véhicules de l’Etat, la réduction du train de vie de l’Etat) dans le cadre de la moralisation de la gestion publique. La CRIEF par contre, en dépit des velléités d’instrumentalisation et les ratés procédurales, mérite d’être considérée comme acquis à capitaliser au regard de l’espoir suscité à son annonce.
De toute évidence, un an déjà, sans que le CNRD ne soit capable de rassembler les Guinéens dans leur diversité autour d’une table de dialogue afin que la lisibilité sur la transition soit rendue possible pour plus de sérénité et de conjugaison des efforts, est en soi un signal fort sur la complexité, voir même le déficit de réalisme de ses ambitions sous-jacentes« .
“Le Cnrd a mis fin à la prise en otage de la démocratie”
Par ailleurs, Ange Gabriel Haba, le secrétaire exécutif du CNOSC, affirme que même si l’avènement du CNRD a permis de stopper « la culture d’accaparement du pouvoir » et totaliser des acquis comme la moralisation de la gestion publique. Il faut noter un certain nombre de dérapages au cours de l’an UN de gestion. « Le cnrd a mis fin à la prise en otage de la démocratie et a soulagé le peuple de Guinée qui était déjà essoufflé par le troisième mandat et ses conséquences.
Même si le coup d’Etat n’est pas normal dans un Etat, mais le contexte dans lequel nous étions, la nécessité s’imposait et c’est ce qui a permis d’applaudir le Cnrd le 5 septembre. L’an un du Cnrd a des acquis même si par endroit, il y a des dérapages.L‘un des acquis, c’est la mise en place de l’ensemble des organes de la transition qui nous permet aujourd’hui d’organiser et de faire fonctionner notre pays. Si la Guinée où les Guinéens étaient noyés dans la culture de la corruption et du détournement. Aujourd’hui, elle est brisée par la création de la CRIEF qui a déjà commencé à traquer tous les soupçonnés responsables de corruption et détournement.
Il y a aussi le rajeunissement de l’administration publique, et même au sein du gouvernement, la plupart des cadres sont à majorité des jeunes. Cela a permis de rétablir la confiance en soi de la couche juvénile, puisqu’avant on pensait que les jeunes étaient ceux qui n’avaient pas d’expériences.
Mais le colonel a prouvé qu’il n’y a pas une école d’expérience. Il faut mettre les jeunes à l’épreuve. Il y a aussi, le rapprochement des gouvernés au gouvernement. Si avant les gouvernés n’avaient pas confiance au gouvernement, aujourd’hui, ce rapport commence à être amélioré. Quand je prends le pouvoir judiciaire, il y a la justice populaire qui commence à réduire de jour en jour. Parce que la justice est en train de rétablir la justice avec les citoyens. Cela est un acquis considérable puisque quand la justice ne fonctionne pas dans un pays, c’est l’anarchie. Il faut aussi ajouter l’amélioration des conditions de vie des étudiants guinéens par l’augmentation de leur bourse d’entretien« .
Par ailleurs, poursuit-il, « si l’an 1 du CNRD a des acquis, il faut aussi noter qu’il y a des choses a corriger. Tel que le non démarrage du chronogramme de la transition, des activités qui concernent le retour à l’ordre constitutionnel”.