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Guinée : Le sens du combat politique de l’intellectuel (libre opinion)

Réfléchir sur le sens à donner au combat politique de l’intellectuel dans une société qui aspire à la démocratie est en soi une condition nécessaire de sa réalisation. Ça l’est encore plus en ces moments où la Guinée vit une crise socio-politique majeure après le scrutin du 18 octobre dernier. En effet, face à la violence politique entretenue par le régime guinéen, quelle attitude l’intellectuel doit-il adopter dans ses efforts de lutte contre le totalitarisme et l’oppression ?

Doit-il reprendre tous ses esprits et continuer d’agir intelligemment en prêchant de bons conseils autour de lui ou devrait-il au contraire se transformer en guerrier mongole en revêtant son armure et en mobilisant ses troupes contre la république ? En vérité, s’il décide de choisir la deuxième posture, son combat ne lui mènera nulle part sinon vers sa propre destruction. Car, l’histoire des révoltes populaires en Guinée révèle que ce genre de mouvement n’a jamais pu conduire à une révolution accomplie, car très vite il se fissure en mille endroits, et ses protagonistes finissent eux-mêmes, souvent, par devenir les nouveaux associés du régime contre lequel la révolution était dirigée. C’est la fameuse stratégie du « diviser pour régner » dont a recours chaque fois le régime qui prend toujours le dessus sur le projet de départ des dévoyés. Au mieux, si la révolution prônée venait à avoir lieu, quelle garantie l’intellectuel aurait-il à offrir pour sa pérennité ou même pour l’empêcher d’être corrompue à son tour ?

C’est pourquoi l’intellectuel avisé doit choisir la première voie, celle de la sagesse, telle qu’enseignée par de honorables pionniers comme Desmond Tutu, Nelson Mandela ou encore le pasteur M. Luther King Jr pour ne citer ces trois, qui par leurs exemples nous ont montré que la violence n’appelle que la violence et la vengeance, la vengeance. Pourtant, tous les trois étaient des militants actifs, non pas retranchés derrière un voile, à l’abri des attaques ennemies, comme le sont la plupart d’entre nous aujourd’hui, mais des acteurs engagés sur le terrain et en première ligne sur le front de combat. Malgré cela, ils ont prôné et défendu la paix, condamné et combattu la violence et l’injustice.

C’est le lieu d’ailleurs de dénoncer cette attitude de certains intellectuels guinéens qui prétendent donner une légitimité à leur combat politique en se positionnant comme des esprits indépendants qui ne veulent que le bonheur du pays et son peuple. Alors qu’en observant leur manière d’agir, on se rend aisément compte du double rôle de pompier-pyromane qu’ils sont en train de jouer. D’un côté ils se montrent extrêmement critiques vis-à-vis du régime en condamnant l’usage excessif par ce dernier de la force à l’encontre des manifestants, tandis que de l’autre ils encouragent les gens à se révolter contre le régime en prenant le risque d’affronter les forces de police et de gendarmerie.

Pendant ce temps, ils sont quant à eux bien à l’abri des lions et des loups et se régalent ostensiblement derrière un rideau du spectacle désolant de la répression et de la violence contre ces derniers. Il faut dire que ce vilain rôle que jouent ces « faux sauveurs » de la république relève de la plus grande duplicité humaine et d’une hypocrisie indescriptible. Il sera bien plus digne de leur part, qu’ils déclinent enfin publiquement dans quel camp se situent-ils définitivement.

En ce premier quart du 21ème  siècle la Guinée est plus que jamais acculée à faire des choix importants qui préfigureront son avenir. Les défis devant elle sont incommensurables. Ils ne peuvent être relevés sans une dose de bon sens et d’apaisement des nerfs enflammés, des esprits frustrés par la corruption d’un État en faillite. Dans cette lutte cependant, le rôle que jouera l’intellectuel aura un impact considérable sur l’éveil des consciences et le désarmement des âmes humiliées. Par le choix qu’il fera entre la propagande de la révolte et la promotion de la paix et l’unité nationale, l’intellectuel marquera l’histoire de son pays et peut-être même de son époque. Mais alors, n’est-il pas préférable dans ces conditions qu’il la marque uniquement en bien et qu’il en sort grandi afin que les générations futures se souviennent de lui comme quelqu’un qui aura mérité d’être commémoré ?

Décidément, seules les âmes apaisées, les esprits doués de « prévoyance à longue vue », pour reprendre l’expression de l’empereur Marc Aurèle, seront capables d’atteindre ce niveau de dépassement de soi. Bien sûr, il s’agit d’un énorme effort qui est demandé à chaque sujet politique et surtout à l’intellectuel. Mais c’est le sacrifice qu’il faut faire pour sauver la jeunesse guinéenne en déroute, qui passe l’essentiel de son temps sur les réseaux sociaux et qui, pour la plupart, prend pour comptant tout ce qu’elle y trouve comme information et se dispose à le mettre en application, quitte à y laisser sa vie. Le rôle de l’intellectuel est donc de s’employer à faire en sorte que l’information qu’il diffuse, par parole ou par écrit, vise à éduquer la jeunesse, à sensibiliser la société, à réconcilier les parties en conflit, bref à faire nation.

S’il se résout à emprunter cette voie d’honneur et de grandeur, alors l’intellectuel aura rendu à son pays et à l’humanité un service considérable et pourra quitter ce monde en homme libre comme l’avait souhaité Bertolt Brecht dans Sainte-Jeanne des Abattoirs, une pièce écrite en 1931 où elle dit :

« J’ai appris une chose et je sais, en mourant, qu’elle vaut pour chacun : Vos bons sentiments, que signifient-ils si rien n’en paraît en dehors ? Et votre savoir, qu’en est-il s’il reste sans conséquences ? Je vous le dis : Souciez-vous en quittant ce monde, non d’avoir été bon, cela ne suffit pas, mais de quitter un monde bon ! » 

Guinéens et Guinéennes unissez-vous !

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