Affluent du fleuve Niger, le Milo, est un fleuve qui traverse la ville de Kankan et ses localités environnantes. Il a une longueur de 330 kilomètres et un bassin versant qui couvre une superficie d’environ 13.500 Km2. Autrefois considéré comme le plus beau des joyaux de la cité du Nabaya, le fleuve Milo de Kankan, ne vaut pas mieux en ce moment qu’un dépotoir d’ordure.
Sur ses berges, ce constat est à la fois consternant et inquiétant. Puisque c’est là que se donnent rendez-vous dorénavant fabricants de briques, laveurs d’engins roulants, extracteurs de sable, cultivateurs, éleveurs, lavandiers, dealers et fumeurs de stupéfiants. Bref, ils sont des milliers de personnes qui vaquent tranquillement à leurs occupations sans se préoccuper des impacts de leurs actions sur ce fleuve.
Au-delà d’être la cible de plusieurs exploitants artisanaux, les alentours de ce grand cours d’eau, sont devenus les poubelles par excellence des citoyens dans la commune urbaine. Tout le long de la berge, allant du quartier Banakoroda au quartier Energie, il est si alarmant de voir des citoyens, qui viennent décharger leurs charrettes, bassines et sceaux remplies de toutes sortes d’immondices sur ces lieux.
D’autres profitent même de l’occasion pour faire leurs besoins fécaux et urinaires sur place.
L’atmosphère est si exécrable à tel point que même l’air qui est censé y être pur, est empesté par des odeurs nauséabondes à vous couper l’appétit.
Des deux côtés de la rive, le non-respect des normes environnementales est encore plus palpable. On se rend compte combien de fois, ce fleuve est à la merci des nombreuses activités anthropiques.
A commencer par les fabricants de briques artisanaux, qui mettent le feu dans des grands fourneaux de chauffage qu’ils utilisent contre les berges déjà très ensablées. Hélas, tant bien même qu’ils soient informés de la gravité de leur action sur le couvert de l’environnement.
D’ailleurs, le chef de l’Etat n’a toujours pas encore honoré sa promesse de les doter en machines qui pourraient les dispenser, des hauts fourneaux qu’ils ont tous érigés anarchiquement le long de la rivière.
Ensuite, les extracteurs de sable eux, ils procèdent à leur exploitation en s’attaquant directement au lit du fleuve.
Chaque jour ils plongent en profondeur et à l’aide de récipients, ils ressortent toujours avec des grandes quantités de sable qu’ils stockent en bordure pour les camionneurs.
Conséquences : il n’y a plus de poissons, plus de navigations et plus de forte pluviométrie… comme au bon vieux temps.
C’est eu égard à toutes ces réalités qui précèdent que le Milo qui était navigable jusqu’au Mali voisin, dans les années 1960, ne l’est plus, depuis bien plus d’une vingtaine d’années. La pêche qui s’y pratiquait aussi très activement en ces temps reculés, a carrément cessé, faute de produits halieutiques.
Le niveau de tarissement de ce cours d’eau est tel que, selon les statistiques météorologiques de Kankan, la fréquence pluviométrique s’est affaissée. Ce qui ne saurait épargner les productions agricoles. Si rien n’est fait, alertent certains observateurs, dans cent ans au maximum, le Milo risquerait de disparaître complètement.
Indignation des populations du Nabaya
Le vieux EL Hadj Ayouba Kouyaté, est l’un des rares paroliers de la ville qui relate l’histoire du Nabaya avec aisance. Bien que souffrant de problème de vue, il pleure les conditions actuelles de ce fleuve mythique.
« Je pleure quand je parle de notre fleuve Milo. Kankan et tous ses villages environnants se sont constitués autour de ce cours d’eau. Ce fleuve était tellement propre, nul n’osait jeter des ordures aux alentours. Nous, quand on était plus jeunes dans les années 60 jusqu’en 70, on y aller se baigner, mieux, cette eau était même propre à la consommation. Mais aujourd’hui, ça fait très mal d’entendre la réalité qui y prévaut », a-t-il déploré.
N’Fa Moussa Traoré, depuis plus de 16 ans, vit à côté du Milo. Lui en rajoute à ces complaintes. « Je suis ici depuis 16 ans. C’est vrai qu’en période de saison sèche, les cours d’eau ont tendance à se tarir. Mais avant, quel qu’en soit le niveau de tarissement, ça ne dépassait pas ça. On n’assistait jamais à un tel niveau de constat. Les gens viennent nuitamment pour déverser tous leurs déchets, il y a trop d’anarchie, des fumeurs de drogue sont là, des enfants, des femmes, des débrouillards, vraiment c’est du désordre qui règne ici », a-t-il dénoncé.
Indifférence des autorités régionales
Les directions préfectorale et régionale de l’environnement sont complètement amorphes et inexistantes. Malgré toutes nos tentatives, les responsables de ces deux services administratifs, n’ont pas accepté de se prononcer sur la dégradation des berges du Milo.
Au bureau local des agents des conservateurs de la nature eaux et forêt, à part quelques éléments rassemblés autour d’une tasse de thé, on ne trouve jamais de responsable pour répondre aux questions essentielles.
On apprend toutefois que plusieurs rapports ont été envoyés à Conakry, au haut lieu, sans aucune suite.
Le comble, c’est que jusqu’à maintenant, aucun plan de sauvetage n’est en vue pour éviter que ce fleuve ne disparaisse.
« Les autorités doivent mettre en place une équipe de contrôle qui doit travailler matin et soir. Cette équipe doit veiller sur les berges, pour pouvoir interpeller ceux qui viennent jeter des ordures ici et stopper l’exploitation anarchique », telles sont les idées préconisées par N’Fa Moussa Traoré et partagées par le doyen EL Hadj, Ayouba Kouyaté qui l’appuie en ces termes : « il faut forcément que nos autorités surtout celles qui sont chargées de l’environnement joue leur rôle. Moi-même je me demande à quoi ils servent tous à Kankan ? Ils ne font absolument rien, à part prendre des salaires. C’est ça qui est la vérité. Alors que le gouvernement prenne sa responsabilité, surtout qu’on sait que l’eau est la source de la vie ».
Et dire qu’en marge des campagnes nationales de reboisement, c’est sur cette berge de la rivière Milo que toutes ces autorités de la place conduite par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, Bourema Condé, se sont donné rendez-vous le 21 juillet dernier. Mais faute de suivi, en dépit des grosses sommes d’argent qui auront servi à financer cette campagne, le résultat est là, alarmant.