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Guinée : Entre la déception du passé et les promesses vacillantes du présent

N’eut été l’incurie des présidents civils au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, les militaires n’avaient pas vocation à s’emparer du pouvoir, en raison de la prohibition de cette action par les lois nationales et les engagements internationaux de ces pays au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine (UA).

En 2010, le Président Alpha Condé en venant aux affaires dans un pays en pleine décomposition sociale, économique et politique du fait de plus de vingt ans de règne d’un régime militaire usé par les épreuves, était bénéficiaire d’un ensemble de circonstances favorables, tant sur le plan national qu’international.

Sur le plan national, les Guinéens voulaient du renouveau et Alpha Condé en était l’incarnation pour bon nombre parmi eux. Traînant derrière lui une longue expérience de lutte politique, il apparaissait comme un candidat favori à la présidentielle, d’autant plus que les autres leaders historiques de sa génération (Siradiou Diallo et Mamadou Ba), n’étaient plus de ce monde. Sur le plan international, M. Condé pouvait compter sur un réseau de personnalités politiques et économiques important qu’il avait patiemment constitué pendant ses longues années d’exil en France et de lutte contre les deux régimes qui avaient présidé aux destinées de la Guinée pendant près d’un demi-siècle, avant qu’il ne soit lui-même installé dans le fauteuil présidentiel.

Puisque la mort du général Lansana Conté en 2008 avait ouvert la porte à la résurgence des militaires sur la scène politique à travers le Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) alors dirigé par le bouillant capitaine Moussa Dadis Camara, la communauté internationale a vu dans l’élection d’Alpha Condé la meilleure garantie contre le retour des militaires au pouvoir en Guinée. Ce dernier le savait très bien et en avait également très bien profité pour être, compte tenu de son âge avancé parmi ses pairs africains, le vieux chouchou des sommets internationaux. En fait, ce changement a été rendu possible parce que le général Conté n’avait pas permis non plus, de son vivant, que la dévolution du pouvoir se fasse conformément à la Constitution, advenant le cas où quelque chose lui arriverait.

Au temps d’Alpha Condé la Guinée, après un certain retrait sous le régime militaire de la scène continentale et internationale, était devenue un moment la destination favorite d’hommes d’affaires, comme le milliardaire Georges Soros et de grandes personnalités politiques souvent à la réputation sulfureuse, comme son ami de longue date Bernard Kushner. Ce relatif succès lui fut malheureusement très vite monté à la tête. S’inspirant de la longévité de Paul Kagamé au pouvoir au Rwanda et de Robert Mugabe au Zimbabwe, Alpha Condé s’est malencontreusement pris pour le « Zeus » de la Guinée, prétendant au pouvoir éternel, comme ses deux prédécesseurs, qu’il avait pourtant vigoureusement combattu et se radicalisant jusqu’à la dérive.

Dans l’exercice du pouvoir, il a plutôt ressemblé au général Conté, celui-là même qui l’avait condamné à l’isolement en prison pendant deux ans, après l’avoir préalablement affranchi de sa condamnation à mort par contumace prononcée par un tribunal révolutionnaire sous le règne du parti-État. Tout comme ce dernier, Alpha Condé a laissé l’État se fondre dans la déchéance entre les mains des vampires qui l’entouraient. La plongée en mer profonde était si forte que ce qui devait arriver arriva le 5 septembre 2021.

Les militaires ont ainsi été invités une fois encore à occuper la scène politique, pour exiger par la force ce que le pouvoir civil a manqué de réussir dans la douceur. Acclamés par une liesse populaire, les nouveaux maitres du pays, représentés par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ont promis le retour à l’ordre constitutionnel et la réhabilitation des équilibres dans un pays défiguré par la corruption et la violation des droits humains.

Où en est-on avec les grandes promesses du CNRD ? 

Sur la moralisation de la vie publique, la lutte contre la corruption est effectivement engagée sous les auspices d’une juridiction spéciale et redoutée, la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Les accusations portées contre certains ténors du régime défunt, si elles sont prouvées à l’issue de procès équitables et contradictoires, donneront le tournis aux Guinéens.

En ce qui concerne le respect des droits humains, les récentes méthodes d’arrestation de certains activistes laissent à désirer et montrent que les autorités de la Transition doivent s’assurer que les forces de l’ordre agissent, en toutes circonstances, conformément à la loi et aux meilleures pratiques usuelles. C’est par rapport à la promesse de transfert du pouvoir aux civils que les interrogations sont les plus nombreuses. Sur ce plan, le maître-mot est pour l’instant l’incertitude. Quel est le point de départ de cette Transition et quand prend-elle fin? La junte doit sur ce point rassurer les Guinéens pour qu’ils aient une bonne visibilité sur la marche de la Transition.

Finalement, sans un combat contre les pratiques négationnistes des droits humains et un engagement clair sur un plan raisonnable de transfert du pouvoir aux civils, l’image du CNRD risque de prendre un sérieux coup, même auprès de ceux et celles qui ont crû dans ses intentions de départ. Le CNRD est tenu par ses promesses de rendre le POUVOIR au peuple de Guinée, c’est lui qui détient le pouvoir constituant, le seul maître de son destin. C’est à ce prix que les dirigeants de la Transition inscriront leurs noms sur les bonnes pages de l’histoire commune, c’est aussi à ce prix qu’ils seront cités parmi les gens d’honneur.

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