Ces dernières années, dans la région de la Moyenne Guinée, des villages entiers changent leurs noms authentiques pour des noms en arabe. Des villages qui avaient pris leurs noms suivant la topographie du milieu: Doghol, Fello, Dounki, Parawol, Sabèrè, Petel, Bougouhoye, Néterè… sont devenus Hamdallaye, Daressalam, Boussoura, Nasroullahi, Faloullahi, Madina, Missira,…
C’est ainsi dans la ville de Mamou, le secteur de Bougouhoye dans le quartier Sâbou est devenu Hamdallaye. Le secteur Bhoudou Kouyé dans le quartier Thiewgol est devenu Daressalam. Le site historique de Petel Djiga dans le district de Soumbalako est devenu Hamdallaye.
Ces changements sont à l’initiative des fils ressortissants de la localité qui à l’occasion d’une grande cérémonie de sacrifice annoncent le nouveau nom du village.
Une toponymie arabisée sur fond d’acculturation et de superstition!
La rédaction de Guineenews a interrogé quelques acteurs pour comprendre les motifs de ces changements d’appellation. Les uns évoquent le caractère “vilain” du nom qui impacte négativement sur le village. D’autres parlent de l’idolâtrie liée au nom de leur village.
Boubacar indique » chez moi dans la sous préfecture de Maci à Pita, plusieurs villages ont changé de nom. Bhorouguel est devenu Madina, Pelel MamaFoula est devenu Nasroullahi, Pelel Diadia est devenu Madina Maci, les raisons je ne pourrai le dire« .
Boubacar Siddy de la préfecture Mali quant à lui affirme « avant on appelait mon village Woro Banirè, et maintenant c’est Madina Bandani. Les parents ont changé le vilain nom du village« .
Mamadou Rafiou de la sous-préfecture de Pilimini ajoute » chez nous il y’a un village qui est au troisième changement de nom. Il s’agit du village de Madina Korbè dans Koubia. Au premier changement par Sanama, une série de décès s’en est suivie dans le village. Les populations se sont retrouvées pour ramener le premier nom. Quelques années après, le nom Sanama a été ramené, les décès ont repris. Finalement, le nom Madina Korbè est resté« .
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Mamadou Saïdou de Labé explique: » Mon village s’appelait Sabèrè Djadhié. A l’époque, les populations n’avaient pas longue vie dans le village. Le nom du village a été remplacé par Missira Djadhié« .
Thierno Abdoulaye Barry de Labé explique le caractère péjoratif du nom de son village « mon village s’appelait Wolonto. Nous avons changé le nom en Madina para. Nous avons changé le nom à cause de l’histoire du nom. Nos parents conviés à une rencontre sont allés avec des tam-tam. Les organisateurs ont rejeté nos parents à cause du bruit des tam-tam » ö non ton! Wo non ton! » C’est-à-dire « vous là-bas! Restez là-bas ! »
Baba Gallè Kanté aussi abonde dans le même sens: « Notre village s’appelait Bouloufaga Roundé. Nous avons trouvé que ce nom est vilain et ça fait mal. Nous avons décidé de changer pour avoir un nom comme les autres musulmans. Maintenant notre village s’appelle Bouloufaga Afia« .
Elhadj Tidjane Bah , membre de la ligue islamique régionale de Mamou, apporte une réponse sous l’angle religieux . « Les noms servent à identifier les lieux. Si le nom présente un défaut, il doit être changé. Le prophète Mohamed (Saw) a changé le nom de la ville de Yatrib par Médine. Mais, si le nom n’a aucun défaut dans la prononciation, ça ne mérite pas d’être changé car ça modifie l’histoire et ça entraîne une perturbation en termes de documentation des habitants de la localité. Mais changer le nom pour la crainte de la pauvreté ou attribuer le nom aux décès ou autre chose sur les réalités du village, cela est prohibé en Islam car c’est du chirk ( l’associationnisme)« , explique t-il.
Qu’en dit la loi?
Que prévoit le code des collectivités sur ce changement de toponymie ? Interrogé, Mamadi Magassouba, le secrétaire général par intérim chargé des collectivités décentralisées de Mamou apporte des précisions « l’article 22 du code des collectivités stipule : la modification du nom d’une collectivité ou le nom d’une nouvelle collectivité locale est décidée par la loi créant ou modifiant la collectivité. Aucune collectivité locale ne peut porter le même nom qu’une autre collectivité locale ». Je précise que la collectivité locale se limite au niveau du quartier pour une commune urbaine et au district au niveau d’une commune rurale. Ce sont des sections des collectivités« .
Si certains saluent le changement des noms des villages, d’autres trouvent en cela une manière de changer l’histoire de la localité. Par exemple, le cas du village de Petel Djiga où s’était produite, le 1er février 1896, la sanglante bataille qui opposa les troupes de Bocar Biro à la coalition de troupes de Alpha Yaya de Labé et Alpha Ibrahima Fougoumba qui soutiennent Almamy Abdoulaye installé pour succéder Bocar Biro à Timbo. Le nom de ce village a été remplacé ces dernières années par Hamdallaye.