S’il y’a un musicien qui se prête aussi fréquemment aux questions de la presse en générale, cet artiste dans son franc-parler en est un. Tout est presque connu de lui. Essayer d’en savoir plus, contribuera certainement à enrichir nos archives. Partout et à tout moment il le confirme dans son dialecte maininka : ‘’ Allah ma an kun boraro’’. Que Dieu nous sauve, littéralement traduit en français’’.
Fathia Kouyaté ou Papa Kouyaté, est ce talentueux musicien, percussionniste, auteur compositeur, ex-membre de l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis et du quintette de Mama Africa, feue Miriam Makéba.
Moins en balade et habituelle ‘’souris’’ du coin, votre quotidien électronique Guineenews, a rencontré précipitamment à sa demande Papa Kouyaté.
Principal nid des artistes, la Paillote dans ses labyrinthes, Papa nous accueille dans son salon aux murs ornés de photos, qui rappellent certes de grands mérites, de reconnaissances et de beaux souvenirs de l’artiste du peuple et du musicien de devoir.
Fils de feu Téninkè Mamady dit ’’Molonden’’ et de feu Hadja Kaman Cissoko, Papa Kouyaté est originaire de Kouroussa. Marié et veuf, il est père de cinq enfants dont quatre vivants (1fille et trois garçons).
Papa Fathia Kouyaté a vécu et connu très tôt la ville carrefour de Mamou où il a passé le plus de temps de son enfance.
Une enfance cousue de turbulences, Papa Kouyaté nous dévoile cet état tumultueux qui a freiné son cursus scolaire : ’’ assez remuant, j’ai débuté mes études primaires à Mamou jusqu’en 6ème année. Inspiré et féru de cadences, je tapais sur les tables bancs et indisposais du coup toute la classe. C’est ainsi, au cours d’une de mes assourdissantes conduites, qu’une paire de gifle m’a été administrée par Mr Baïlo, qui était mon Directeur d’école. J’ai fui par la fenêtre, pour ne plus foutre pieds dans une salle de classe’’.
Très rapidement, Papa Kouyaté s’est intéressé à la musique. Il prendra plis et formes tout au début en compagnie du vieux Djéli Bangaly Kéita et son ensemble, qui animait des soirées de Mamaya, de réjouissances populaires dans la ville de Mamou. Dans ce groupe artistique, Papa Kouyaté jouait au doundoun, aux djembés, aux percussions en général.
Pour idole, Papa Kouyaté se souvient encore de feu Ibou ‘’la gazelle’’ :’’c’est un vieux policier qui maitrisait la timbale et tous les autres instruments de percussion. Il était imposant dans le maniement de tous ces différents instruments. J’ai toujours voulu ressembler à ‘’Ibou la gazelle’’ ou le dépasser dans la maitrise de ces instruments’’.
Papa Kouyaté nous parle sans orgueil ni égoïsme. Vanter les mérites d’un artiste ou d’une idole est un atout. Vouloir la surpasser est une noble ambition, un entendement, qui a d’ailleurs conduit le ‘’fou du rythme’’ vers le sommet.
Pour aborder son parcours musical, notre invité nous rassure au prime abord et sans modestie, du sensationnel chemin parcouru dans ce métier d’artiste. Papa Kouyaté qualifie et assimile son parcours aux ‘’arbres fruitiers prolifiques en toutes saisons’’. Passionné et actif durant toute sa carrière, tenté de camper, dit-il, ses œuvres… des qualités qui conduiraient à l’élaboration de plusieurs livres.
A l’analyse de ce qui précède, nous avons opté pour le choix d’un récit bref. Ainsi, Papa Kouyaté nous brosse succinctement sa venue dans l’ensemble Kèlètigui et ses tambourinis : ’’ antérieurement, j’ai appartenu au Bafing jazz de Mamou, à cette génération précédente celle de Emile Béni Soumah et de feu Abdoul Karim Camara ‘’Chuck Berry’’. Dans cette formation fédérale, j’ai joué avec feu Amadou Ballakè, le seul propriétaire du célèbre titre ‘’Yamba’’. Ballakè qui fut permanent voisin au micro de Sékouba Bambino Diabaté au sein du groupe Africando de Boncana Maïga. Pour revenir à mon intégration à l’orchestre Kèlètigui, c’était donc à la permanence nationale lors d’une représentation artistique. J’avais mis du feu au tam-tam ce jour. C’est ainsi que d’un œil magique et professionnel, je fus repéré par feu Maitre Kèlètigui Traoré et son staff. J’ai été recruté au sein de Kèlètigui et ses tambourinis précisément le 20 octobre 1966’’.
Celui qui, ces derniers temps, fut son chef d’orchestre, le Doyen Lènkè Condé certes convalescent, s’est prêté à nos questions et dépeint Papa Kouyaté en ces termes :’’ avant sa prestation à la permanence nationale qui fut un coup de foudre pour nous membres de l’orchestre Kèlètigui, c’est à Dubréka d’abord que cet artiste nous a émerveillé. C’est quand Labilé David est parti que nous avions fait appel à Papa Kouyaté et les premiers essais furent concluants. De ma vie d’artiste et de guitariste, sur le plan percussion, j’affirme et confirme que Papa Kouyaté certes assez éparpillé, partout et nulle part, conserve une large différence presque de fleuve ou d’océan entre lui et les autres percussionnistes’’, conclut le doyen Lènkè Condé.
Papa Kouyaté, a appartenu à cette crème de musiciens guinéens au sein de l’orchestre Kèlètigui au niveau de sa section rythmique. Animé d’un esprit de dépassement, il s’est essayé à des instants précis et a troqué ses baguettes et les paumes de ses mains au profit du chant. En découleront par la suite des titres tels : ’’donsokè’’ en duo avec feu Maitre Kèlètigui, ‘’mirimagnin’’ dont il a interprété avec maestria.
Comment Papa Kouyaté a intégré le quintet Makéba ?
Le ‘’fou du rythme’’ tout bien à l’aise, raconte : ‘’c’est en 1972, suite à un malentendu entre feue dame Makéba et ses rythmiciens, que je fus convoqué et directement recruté par feu Président Ahmed Sékou Touré’’.
Rigolo, il qualifie les scènes qui l’on conduit jusqu’à la résidence du ‘’Responsable suprême de la Révolution’’.
En partance d’urgence pour une tournée en Italie, feue Mama Africa, privée de sa section rythmique, sera accompagnée de Papa Kouyaté.
Dix titres seront auditionnés par le rythmicien pendant le vol à destination du pays de nos souverains Papes. Sur scène, pour le premier spectacle prévu, au moment de la balance, les premiers coups de pédales et roulements des baguettes redonnent espoir. Il s’en sort avec une très bonne note de satisfaction, surtout au moment de la pause, quand feue Mama Africa lui octroie le plateau pour animation.
C’est ainsi qu’au retour de cette première tournée, l’orchestre Kèlètigui se verra confisquer de temps à autres, des prestations de Papa Kouyaté.
Vingt-trois ans au service de feue Miriam Makéba, Papa a fait le tour du monde. Pour récompense bien méritée, il a bénéficié du prix de l’excellence européenne. Valeur décernée aux meilleurs artistes du monde, il a partagé ce podium avec Jimmy Hendrix et Féla Anikulapo Kuti.
Fondateur de l’ensemble sextet camayenne et plus tard des ‘’Sofas de Camayenne’’, le ‘’fou du rythme’’, a apporté, par passion aussi, sa modeste contribution à l’évolution de l’orchestre des pionniers de la fédération de Conakry 2, le Syli Authentique.
Joint sur un des réseaux sociaux, le chanteur ‘’El Bangou‘’ de Kindia dit ceci : ’’ c’est un monument de la culture guinéenne. Auteur compositeur, rigoureux et travailleur, le ‘’sorcier’’ nous a tout appris. Sévère et très méthodique, nous devons beaucoup au doyen Papa Kouyaté. Il faut penser à cette génération de musiciens car, ils ont tout apporté pour ce pays’’.
Aujourd’hui non-voyant, Papa Kouyaté nous explique comment tout cela est arrivé : ’’ j’ai fait un accident sur scène en Guinée-Bissau avec le groupe de Mama Africa. Je virevoltais avec mes congas sur roues, munis d’une ceinture. Une brusque chute a occasionné un traumatisme crânien et une contusion de ma colonne vertébrale. C’est bien cette instabilité de la scène, qui n’avait de poutres que de vieux fûts, qui est à l’origine de ma maladie’’.
A la question de savoir les activités actuelles de l’artiste, Papa reste serein et confirme :’’ moi je n’arrête pas de travailler. Ce n’est pas l’œil qui tape la peau de la bête. Le premier groupe que j’ai formé ‘’les petits sorciers’’ n’existe plus. Encore engagé et passionné, ‘’les grands sorciers’’ de Papa Kouyaté sont à l’œuvre. En plus, en compagnie de cette grande dame Sayon Bamba et quelques artistes, je viens de rendre un hommage à Mama Africa, à travers un concert très original’’.
Comment cet éminent artiste joint les deux bouts ?
Et non étonné de sa pieuse réponse à la question, vous vivez de quoi ? : ’’c’est Dieu ! Je vis grâce à lui et je remercie tous’’.
Ce régulier cri du cœur de Papa Kouyaté demeure : ‘’dotez-nous d’un statut. Dans ce pays, nous avions apporté du bonheur aux Guinéens. Que l’Assemblée nationale et le gouvernement se penchent sur ces épineux problèmes des gloires du passé. C’est dommage qu’on nous fasse même payer aujourd’hui, le loyer de ces maisons léguées à nous, depuis plus de quarante ans, par feu Président Ahmed Sékou Touré. C’est à cause de cette culture et pour son épanouissement qu’on s’est donné à fond. A bon entendeur salut !’’.
En attendant de voir se réaliser, les prochaines dispositions de prises en charges de nos gloires par l’autorité compétente, se lisent néanmoins de la patience et du scepticisme chez notre ‘fou du rythme’’. Bon courage à tous !