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Guinée : Constitution, députés « périmés », CENI et manœuvres politiciennes, un leader politique met le couteau dans la plaie

Auteur : Alpha Saliou Wann, président des forces démocratiques de Guinée 

La Constitution du 7 mai 2010 est la Loi Suprême de notre pays. Elle dispose en son article 2 alinéa 7 : Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet.

L’article 125 de la loi organique portant code électoral et l’article 2 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée Nationale sont non-conformes à l’article 60 de la Constitution qui dispose clairement que le mandat des députés est d’une durée de cinq ans.

La Constitution charge la CENI à organiser à intervalle régulier (cinq ans) les élections nationales et locales. Elle fait du président de la République le garant de son application stricte et le charge d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat. Ils ont à disposition tous les moyens matériels et financiers pour agir conformément aux dispositions constitutionnelles. Mais, depuis huit ans, ils ont été incapables de remplir correctement leur devoir constitutionnel. Nous sommes en janvier 2019, la CENI n’a pas procédé à la révision des listes électorales sur la période du 1er octobre au 31 décembre 2018 comme l’exige la loi organique portant code électoral. Elle n’a jamais respecté cette disposition du code électoral depuis sa création en 2007. L’aspect purement politique cache en fait une incompétence notoire de la CENI à exécuter des tâches techniques comme la révision des listes électorales ou la gestion logistique des élections. Pourtant, ce sont des milliers de milliards qui ont été engloutis ces dernières années pour organiser des élections. C’est vraiment incroyable ! Il y a deux lois organiques (sur la CENI et le code électoral) qui fixent dans les détails toutes les tâches à exécuter, mais ils en sont incapables, malgré les changements d’équipes, rien n’y fait.

Nous sommes incorrigibles, c’est pourquoi, j’ai proposé qu’une agence onusienne s’occupe de toutes les tâches techniques, la CENI se contentera de la supervision, ça nous évitera les gaspillages et les crises coûteuses en vies humaines et de ralentissement des activités économiques dans le pays.

Les députés quant à eux, se taillent des lois sur mesure pour donner un vernis de légalité pour justifier leur maintien en fonction au-delà du délai impératif fixé par la Constitution. Comble de la cécité politique de nos institutions, ces lois organiques (code électoral et règlement intérieur) sont validées par la Cour Constitutionnelle en violation de la Constitution.

Est-ce une nouveauté ? Non, nous savons tous, et ça dure depuis 60 ans, que nos dirigeants n’ont aucun respect pour nos Textes.

Du sommet à la base de l’Etat et de toutes les institutions constitutionnelles, personne ne respecte les lois et règlements, c’est devenu la norme de leur fonctionnement. Nous sommes dans un système de non-droit, source de désordre et d’injustice.

Le mandat de cinq ans de l’Assemblée Nationale est terminé, aucune argutie juridique ne peut le proroger en se substituant au vote souverain des Guinéens.
L’avis de cette Cour Constitutionnelle, qui est, elle-même dans sa composition actuelle, une violation de la Constitution, est sans importance. En droit ne dit-on pas que la forme commande le fond ? Point besoin donc d’étudier le fond, bien qu’il s’appuie sur les dispositions de lois organiques non-conformes à la Constitution pour autoriser le chef de l’exécutif à proroger illégalement le mandat des députés en se fondant sur l’article 45 de la Constitution, d’ailleurs, c’est le refus par ce dernier de cette disposition constitutionnelle qui est le cœur du problème. Ne vous y trompez pas, il n’existe absolument aucun vide juridique dans cette Constitution, comme veulent nous le faire croire certains, nous devons plutôt condamner fermement le refus obstiné des différents acteurs à respecter toutes les dispositions constitutionnelles applicables à l’organisation des élections libres et transparentes.

Je suis convaincu que le fondement de nos valeurs ancestrales était le respect de la parole donnée. C’est un non – sens de croire que nous sortirons de la pauvreté en laissant nos dirigeants bafouer cette valeur fondamentale de notre civilisation. Regardons bien autour de nous, notamment dans tous les pays démocratiques occidentaux et même les pays autoritaires comme la Chine, vous constaterez que quiconque y est coupable de violation des lois, si puissant soit-il, en paye le prix. On ne viole pas impunément les lois en vigueur dans ces pays, c’est ce qui fait leur force.

Chez nous, des individus sortis de nulle part, qui n’ont aucun sens de l’Etat, se sont emparés du pouvoir pour créer le désordre aux conséquences désastreuses pour les populations martyrisées, paupérisées, fragilisées et réduites à l’esclavage. C’est ça la triste réalité de notre pays, et on ne peut la décrire autrement, sans se fourvoyer.

Je ne désespère pas de l’avenir, parce que je vois les prises de position déterminées de jeunes militants politiques et de la société civile qui tiennent au respect strict de nos lois. Le temps est révolu où les dirigeants pouvaient imposer sans difficultés leur impéritie sur le pays.

En 1995, le professeur Alfa Ibrahim Sow me disait « le jeune ne doit pas parler comme un vieux, il n’a pas besoin d’arrondir les angles » ; prenez donc à votre compte ce message.

Le problème posé par cette prorogation de mandat des députés divise au sein de l’opposition. Certains avancent des arguments que les députés siègent. A mon avis, il n’y a plus aucun enjeu législatif à défendre qui mérite leur présence. Ils ont voté avec la mouvance toutes les conventions minières défavorables à notre pays, et même lorsque la Cour Constitutionnelle sous le leadership de Kelefa Sall a lancé un ultimatum au président et à l’Assemblée Nationale de faire voter la loi organique sur la Haute Cour de Justice, ils n’ont pas bronché. Il y a quoi d’autre à défendre ? Empêcher la modification de la Constitution pour autoriser un 3ème mandat ? Tous savons tous que l’article 154 a verrouillé la Constitution sur cette question et donc à moins de s’engager dans l’illégalité manifeste, l’Assemblée Nationale n’a pas le droit de légiférer sur l’éventuelle 3ème mandat. Maintenant, accepter la prorogation illégale du mandat des députés, c’est laisser la porte ouverte à la même Cour Constitutionnelle pour proroger le mandat du président sous le même prétexte de l’article 45 de la Constitution, au cas où la CENI invoquera son incapacité à organiser les élections dans les délais requis.

On ne peut pas changer un pays, pour le sortir de la pauvreté, en étant mû que par la défense d’intérêts personnels. Les parlementaires ont la lourde responsabilité d’être les représentants du peuple pour voter les lois et contrôler l’action du gouvernement. Il faut une inclination plus élevée, une haute idée de sa mission pour transformer un pays en un havre de paix et de prospérité. Voilà ce qu’ont fait les dirigeants (chefs d’Etat et parlementaires) des pays pour lesquels nos jeunes risquent leurs vies à la recherche d’un hypothétique bonheur. Nous devons fortement y réfléchir et donc changer radicalement de motivation en s’engageant en politique.

Personnellement, je ne me fais aucune illusion, j’interviens simplement pour qu’il ne soit pas dit, que je cautionne par mon silence cette forfaiture. Mais, le plus important, c’est la maturation de la prise de conscience des nouvelles élites montantes de notre pays.

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