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Guinée : 2022, fin d’une année de  tous les enjeux

L’année 2022 s’en est allée. En Guinée, elle a été marquée par des hauts et des bas. Sous le règne du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD), 2022 n’a pas non plus été un fleuve tranquille pour les populations confrontées à toutes les difficultés. L’interruption de la confiscation du pouvoir par l’ancien Alpha Condé n’a pas mis fin aux nombreux défis auxquels la Guinée est confrontée même si le Cnrd a opéré et est en train d’opérer des changements importants dans la vie de la nation.

Sur le plan politique, les Guinéens ont assisté au même scénario qu’au temps de l’ancien régime, une dualité impitoyable entre le Cnrd et une bonne partie de la classe politique. Ce qui va d’ailleurs pousser la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest à désigner un médiateur dans la crise guinéenne en dépit de l’hostilité du pouvoir de Conakry.

L’ancien président béninois désigné médiateur en Guinée

La désignation de Boni Yayi au mois de juillet intervient après la démission du Ghanéen Mohamed Ibn Chambas, rejeté par toutes les parties guinéennes.  C’est l’ancien président de la Commission de la CEDEAO, l’ivoirien  Jean-Claude Kassi Brou qui avait fait l’annonce lors d’un point de presse à l’issue de la 61e session ordinaire de l’Autorité des chefs d’Etat et de gouvernements de l’institution sous-régionale tenue à Accra au Ghana.  Le médiateur désigné, la Cedeao a ensuite demandé à la junte de “présenter [son] nouveau calendrier de transition pour le retour à l’ordre constitutionnel à la CEDEAO d’ici la fin du mois de juillet, sous peine de nouvelles sanctions”. Par ailleurs, faut-il le rappeler, le 4 juin 2023, la CEDEAO avait rejeté une proposition de la junte pour une période de transition de 36 mois.

« L’Autorité des chefs d’Etat et de gouvernements de la CEDEAO a considéré que le délai de 36 mois n’était pas acceptable, et a demandé que les consultations se poursuivent pour que nous trouvions une solution pour ce calendrier« , a déclaré M. Brou.

Arrestation et incarcération des leaders politiques et de la société civile

Comme au temps de l’ancien régime, plusieurs anciens dignitaires sous le régime d’Alpha Condé sont arrêtés et détenus à la maison centrale depuis pratiquement le mois d’avril 2022. Il y a également des responsables du front national pour la défense de la Constitution (dissout par le MATD), qui croupissent en prison. Tous ces prisonniers sont reprochés soit de “détournements de deniers publics, corruption, blanchiment d’argent” ou “d’attroupement sur la voie publique, de troubles à l’ordre public, etc”.

Si pour les premiers notamment l’ancien Premier ministre Kassory Fofana, l’ancien ministre de la Défense, Dr Mohamed Diané et Cie ont bénéficié de mise en liberté provisoire sous conditions, et que la Cour des répression des crimes économiques a interjeté appel, ce n’est pas le cas pour Fonikhè Manguè et Ibrahima Diallo, du Fndc-dissous. Ils n’ont pas été présentés à un juge depuis leur incarcération. Les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé ces privations de liberté qui violent même la charte de la transition qui autorise les manifestations.

Pour bien des observateurs d’ailleurs, le Cnrd utilise la même politique de destabilisation de la classe politique et de la société civile que l’ancien régime. Puisque l’une des premières mesures prises après l’arrestation d’Alpha Condé, c’est la libération de tous les prisonniers politiques à la maison centrale. Un acte, hautement salué à l’époque par les défenseurs des droits humains.  Mais aujourd’hui, ils sont des dizaines qui croupissent encore en prison en attendant d’être situés sur leur sort.  Loin de l’ambiance qui a prévalu au lendemain de la prise du pouvoir par l’ouverture des sièges des partis politiques et la libération des prisonniers politiques, le climat est tendu et délétère entre le Cnrd et une partie de la classe politique.

Le dialogue politique en panne, la réconciliation nationale menacée !

Si tout le monde est unanime que la classe politique doit absolument dialoguer, force de constater que le CNRD n’arrive pas à réunir tout le monde autour d’une même table. La classe politique est divisée entre pro et anti CNRD qui ne permet pas d’obtenir un dialogue franc et sincère inter guinéen.

Pourtant le président Mamadi Doumbouya a fait du dialogue politique une priorité pour la réconciliation nationale. Mais ce dialogue tant souhaité n’a pas encore vu le jour. Certes, avec le dynamisme des facilitatrices et leur don de soi, et sous le leadership du Premier ministre Bernard Goumou, s’est tenu, début décembre 2022 à Conakry, un dialogue politique entre les différents acteurs de la vie nationale.

Mais ce dernier a eu lieu en l’absence des trois grandes coalitions politiques du pays (le rpg et ses partis alliés, l’Anad, le Fndc politique) et des faîtières de la société civile regroupées dans le forum des forces sociales de Guinée (FFSG).  Plusieurs recommandations ont été faites lors de ce dialogue mais les absents tiennent toujours à ce que leurs revendications soient prises en compte. Faute de quoi, il n’y a pas eu de dialogue.

D’ailleurs, cette troïka (rpg, anad, fndc politique) vient d’être réjointe par le Front des Forces Politiques (FFP). Ensemble, ces coalitions politiques rejettent les conclusions du dialogue initié par le gouvernement. Reste désormais à savoir si le Colonel Doumbouya et son gouvernement sauront écouter cette classe politique, jugée parfois, trop capricieuse.

A cela, s’ajoute le retour de Cellou Dalein et de Sidya Touré, en exil forcé après que le patrimoine public ait récupéré leur domicile respectif. Quid de la détention des dignitaires du rpg à la maison centrale. Ces deux points risquent de compliquer la tâche étant donné que le Colonel n’est pas prêt à céder à moins que la Cedeao n’intervienne pour trouver une solution consensuelle à cette délicate situation.

L’immersion gouvernementale, l’autre innovation du CNRD

Parmi les axes initiés par le Conseil national national du rassemblement pour le développement (Cnrd) et qui ont eu un écho favorable auprès de la population à la base, il y a bel et bien l’immersion gouvernementale à l’intérieur du pays. L’ensemble des ministres du gouvernement ont sillonné les quatre régions naturelles du pays. Un périple au cours duquel, les membres du gouvernement, accompagnés des membres de leurs cabinets respectifs sous la direction de l’ancien Premier ministre, Mohamed Béavogui, ont eu des contacts non seulement avec les services décentralisés et déconcentrés de leurs départements respectifs mais aussi les populations à la base auxquelles ils ont accordé une une oreille attentive pour connaître leurs plaintes et autres besoins visant à l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Pendant un mois, le gouvernement a mobilisé les fonds nécessaires pour cette tournée gouvernementale qui a permis à chacun des ministres de connaître les urgences et les grandes priorités dans toutes les régions et préfectures. Au terme de cette immersion, le gouvernement à l’époque, a pu recueillir les maux dont souffre le pays profond pour élaborer un document stratégique équilibré pour le développement de la Guinée.

Cependant, pour les détracteurs de la junte, l’immersion gouvernementale n’a servi qu’à engloutir des fonds publics pour un simple tourisme de certains ministres qui ne connaissaient pas le pays. Ces derniers estiment que le gouvernement avait d’autres priorités que d’aller faire une “balade” à l’intérieur. Il s’agit notamment de l’amélioration des conditions de vie et de travail des Guinéens, la finalisation des infrastructures routières et scolaires en cours d’exécution, la lutte contre le chômage, etc. L’opposition est restée divisée sur l’appréciation de cette immersion gouvernementale.

La culture de la répression résiste en dépit des réformes

La confiance entre le Cnrd et la population a subi des coups. En témoignent les manifestations enregistrées à Conakry, courant juin. Ces dernières ont fait de nombreux morts, des blessés et des destructions des biens matériels. Sans oublier l’interpellation et l’emprisonnement des principaux leaders du Front national pour la défense de la constitution qui a abouti à la dissolution du Fndc par le ministre de l’Administration du Territoire, Mory Condé.

Du côté du CNRD, on a soupçonné certains leaders politiques de manipulation pour éviter de répondre devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). C’est le cas du leader de l’Ufdg,  Cellou Dalein dans le dossier du défunt Air Guinée.

La nomination de Bernard Goumou diversement interprétée

Après avoir assuré l’intérium pendant plusieurs semaines, le président Mamadi Doumbouya a fini par confirmer Bernard Goumou, l’ancien ministre du Commerce, de l’Industrie et des PME comme Premier ministre en remplacement de Mohamed Béavogui. Les détracteurs du Cnrd estiment que l’ancien PM aurait démissionné suite aux obstacles auxquels ils étaient confrontés même à l’intérieur de son propre gouvernement. Et dès la nomination de Goumou, il a entamé une série de concertations avec les acteurs politiques pour l’organisation du dialogue inter guinéen. S’il a réussi à convaincre beaucoup de coalitions, le rpg et ses alliés, l’anad, le fndc politique et le FFSG n’ont pas assisté au dialogue. Ce qui donne un dialogue au goût d’inachevé au regard de la représentativité de ces acteurs.

Aujourd’hui, la question qui se pose est de savoir si le Colonel Mamadi Doumbouya saura réunir toute la classe sociopolitique pour la noble cause de la Guinée, celle invoquée pour justifier devant ses compatriotes sa prise de pouvoir le 5 septembre 2021. Wait and See !

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