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Grandes vacances : Bienvenue dans l’horreur des mutilations génitales féminines !!!

La famille N’Fally Cissé ne s’est pas encore retrouvée après le décès brutal de leur fillette des suites d’excision. Cette petite innocente ne s’attendait pas à quelque chose de mauvais, quand son père lui a offert une poupée et autres jouets pour aller passer les vacances auprès des grands parents dans leur village à Kankanya, dans la préfecture de Kouroussa. La pauvre ! Elle ne savait pas non plus qu’elle avait rendez-vous avec la mort quand un lundi matin, on la livrait à la vieille exciseuse du village, qui n’a jamais pu arrêter l’hémorragie après le geste fatal (mutilation génitale).

C’est aussi le cas de dame Traoré qui jusqu’ici est hantée par le souvenir de sa fille de dix ans qui a trouvé la mort dans les mains d’une exciseuse, en juillet dernier. « Quand je pense à cette mort, ça me fait mal surtout quand je vois les jeunes filles de sa génération ».

Macoura Kourouma, mère d’un petit garçon de cinq ans, a perdu son foyer. Son conjoint l’accusait régulièrement de ne pas le satisfaire sexuellement. C’est avec beaucoup  d’émotion qu’elle nous raconte son cauchemar : « C’est ce qui a gâté mon foyer. Ça fait mal. Si je savais que cela allait être ainsi, détruire ma vie ».

L’excision une réalité dans les quartiers de la capitale et dans nos villages

Malgré les dégâts causés par l’excision, malgré les campagnes de sensibilisations sur le terrain et les mesures prises, l’excision a encore des beaux jours devant elle. Elle se pratique en plein jour au vu et au su de tout le monde. Les périodes des grandes vacances sont consacrées à sa pratique. Pendant cette période, les fillettes, les jeunes filles sont transportées au village dans les quartiers périphériques de la capitale pour se faire exciser à l’abri des regards. En ce mois d’août, on constate la présence de ces filles excisées dans les familles à travers le pays. Les cérémonies de sortie donnent lieu à des manifestations grandioses dans les quartiers, dans les villages sur les places publiques.  80% des femmes sont mutilées en Guinée, selon un spécialiste de lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants. « Vous voyez l’ampleur de la situation ? Il faut dire également qu’il y a des zones particulièrement touchées. Il s’agit des villes de l’intérieur du pays où cette pratique traditionnelle néfaste et nuisible est en lien avec nos cultures, notre éducation que nous avions héritée de nos familles de génération en génération ».

Lors de notre enquête, nous avons remarqué que les mutilations génitales féminines en Guinée sont généralement pratiquées dans la très petite enfance par les praticiennes traditionnelles. Et la prévalence varie en fonction du niveau de scolarisation des parents et du milieu socio-économique. Même si les mentalités évoluent grâce aux nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation, le poids social de cette pratique reste important, notamment en zone rurale.

L’attitude des Guinéens face à la pratique ?

Dans la société guinéenne en général, la femme occupe une importante. Car elle est un pilier de la famille. L’excision est essentiellement une question de femme : ce sont les femmes qui excisent et font exciser par les exciseuses traditionnelles, sans autorisation formelle du père de l’enfant qui  n’est informé qu’en cas de difficulté ou complication médicale.

Le refus de l’excision dans une communauté villageoise ou familiale où la prévalence est forte, risque d’entrainer une stigmatisation et un isolement de la fille et de sa mère. C’est-à-dire la perte de leur statut social. « Quand j’ai refusé de faire exciser mes deux filles, ça été un scandale dans la famille de mon mari. Ses parents ne voulaient pas comprendre. Il était obligé de nous faire fuir du pays. Mes filles et moi nous étions obligées de demander l’asile en Hollande puis en France. Ce n’est qu’après dix ans nous sommes revenues au pays quand beaucoup ont oublié », témoigne dame Tounkara  rencontrée à quartier de Madina-SIG.

Selon un expert de la lutte contre les mutilations génitales féminines en contact avec l’UNICEF, 60% des hommes et femmes interrogés en Guinée, pensent que la pratique devrait cesser. Mais les croyances sont tenaces. « Le terme pour désigner une femme non excisée signifie « impoli ». Une fille non excisée sera considérée comme irrespectueuse, voire dévergondée. Elle sera donc impossible à marier. Une hypocrisie en l’air. Parmi les gens qui condamnent la pratique en public, la plupart d’entre eux l’approuvent en privé », nous dit l’expert.   

D’après l’OMS, les mutilations sexuelles féminines sont des interventions qui altèrent où lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales. Selon l’institution onusienne, ces pratiques ne présentent aucun avantage pour la santé des jeunes filles et des jeunes femmes. Elles peuvent, selon toujours l’OMS, provoquer de graves hémorragies et des problèmes urinaires et par la suite des kystes, des infections, la stérilité des complications lors de l’accouchement et accroître le risque de décès du nouveau-né. Ce qui écœure, c’est qu’elles sont pratiquées le plus souvent sur les jeunes filles entre l’enfance et l’âge de 15 ans, ce qui est évidemment une violation de leurs droits

Selon le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, les mutilations génitales sont pratiquées sous plusieurs formes. On parle de l’ablation partielle ou totale du clitoris et, plus rarement, du capuchon du clitoris, l’ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres avec ou sans l’excision des grandes lèvres et le rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par ablation et accolement des petites lèvres et grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans excision du clitoris.

A quoi servent les nombreuses sensibilisations effectuées sur le terrain ?        

A l’occasion de chaque journée internationale de « Tolérance zéro » à l’égard des mutilations génitales féminines, les responsables du CEPTAF ou d’autres ONG de la place mettent l’accent sur la sensibilisation : « Nous avons dit à toutes nos mamans, à toutes nos sœurs, filles de s’engager pour dire non aux mutilations génitales féminines, parce que ces mutilations détruisent la santé physique de la femme, mais également la santé psychologique de la femme », Nous dit Rouguyatou B, une femme engagée dans la lutte contre les mutilations génitales rencontrée au quartier Camayenne au siège de l’AGEBF.

N’Gamarie, réside au quartier Boussoura, dans la commune de Matam. La sexagénaire N’Gamari Soumah est une ancienne exciseuse bien connue dans son quartier. Depuis plus de cinq ans, la vieille a décidé de jeter le couteau. Elle s’est lancée dans la sensibilisation contre une pratique qu’elle juge négative désormais. « J’ai abandonné le couteau. Acceptez que je ne revienne pas sur les raisons ou ce que j’ai vécu au moment où j’excisais des fillettes…Je parcours aujourd’hui les concessions, les quartiers et les communes de Conakry pour dire à celle qui continuent de pratiquer la mutilation génitale d’arrêter. Maintenant que j’ai compris les dangers de cette pratique, je fais du porte à porte pour dire à mes amies exciseuses d’arrêter. Moi, je ne vais plus jamais reprendre le couteau. C’est banni chez moi », cette réaction de la vieille exciseuse réjouit dame Rouguyatou qui mène le combat contre les mutilations génitales depuis des décennies.  Pour elle, la sensibilisation reste pour l’heure la seule arme en leur possession. « On lutte contre l’excision mais beaucoup n’ont pas encore compris les effets néfastes qui en découlent. Pendant qu’on se bat, d’autres continuent. En réalité on continue de se battre, mais les gens nous échappent. Ils vont parfois loin dans les villages pour exciser leurs filles. Nous n’avons que la seule arme qui est la sensibilisation », conclut-elle désespérément.

Et la loi dans tout ça ?

Après nos investigations, nous nous sommes rendus au ministère de la Justice et Garde Des Sceaux où nous apprend que « la Guinée a ratifié la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes ainsi que plusieurs conventions internationales et régionales proclamant l’égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains, qui impliquent de la part des Etats signataires l’élimination de textes de lois discriminations et harmonisation de leurs textes nationaux avec les conventions internationaux. L’excision a ainsi été interdite par la loi qui prévoit une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à vingt ans en cas de décès de la victime ». L’excision est donc bel et bien punie par la loi. Mais cette loi est-elle mise en pratique ?

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