Si la gestion des déchets était une équation qui revenait au sujet d’examen de fin d’études, les autorités guinéennes se retrouveraient en session à défaut d’être déclarées admises avec dette académique. Tellement la problématique à la peau dure, a étalé sur la place publique l’incapacité notoire des dirigeants à juguler cette crise.
Soixante-deux ans après son accession à l’indépendance nationale, la Guinée peine à se doter d’une décharge moderne à l’image d’autres pays de la sous-région, ou sauf dans la ville minière de Kamsar où il y en a une plus ou moins contrôlée. Au même moment, à Conakry, dans la capitale, outre les petites décharges sauvages en voie de disparition, il n’existe qu’une seule décharge plus de 3 millions d’âmes.
A la découverte de la décharge de Dar-Es-Salam
Sise à Dar-Es-Salam 2, dans la commune de Ratoma, le nom de cette décharge est tantôt attribué à la Minière, tantôt au Concasseur. Une situation qui découle du fait que par le passé, le quartier Dar-Es-Salam 2 abritait une mine, une carrière où on extrayait de l’argile pour divers usages, notamment pour faire des routes, ou encore la peinture, de façon artisanale. Les trous béants d’une profondeur de plus de 40 mètres qui s’y trouvaient attestent ces informations que nous tenons des premiers habitants des lieux.
Opérationnel depuis les années 1980, le site a été ouvert pour une période définie dans l’espace et dans le temps. C’était pour 20 ans avant que la décharge ne soit délocalisée pour Kagbélén, une localité péri-urbaine située dans la préfecture de Dubréka. Hélas, cet engagement ne sera jamais honoré. Et pour cause ?
Certaines indiscrétions nous font comprendre que le site de Kagbélén a été cédé aux particuliers et à certaines unités industrielles. Les populations riveraines de Dar-Es-Salam 2 sont donc obligées de vivre avec les ordures dont ils ne sont pas producteurs, mais avec lesquelles elles (ces populations) se côtoient et se tutoient éternellement, sous l’escorte des mouches.
Les complaintes du chef de quartier de Dar-Es-Salam 2
Charles Damba est le président du Conseil de Dar-Es-Salam perché à la hauteur des quartiers Gbessia et Makia Touré. Et ses habitants disent éprouver d’énormes difficultés liées à la promiscuité avec les déchets qui y sont déversés tous les jours.
« Depuis 2015, je suis en train d’informer les autorités compétentes. Malheureusement, on n’a pas eu la chance d’être entendus. Vous avez vous même constaté: ces odeurs nauséabondes vont s’étendre sur six mois. La saison des fumées vient de finir. A part cela, il y a des explosifs dans cette décharge que les enfants ramassent et qui les tuent ou qui les amputent parfois. Au regard de tout cela, je plaide à ce que l’Etat nous aide pour le transfèrement de cette décharge ailleurs », lance le chef de quartier en guise d’alerte de détresse.
Quid du partage de l’argent pour dédommager les familles
Au mois de mai 2019, de nombreuses maisons d’habitation ont été démolies aux alentours de la décharge de Dar-Es-Salam 2. Aux dires de la première autorité du quartier, le ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire, qui a conduit cette opération, n’a pas été coopérant avec les autorités du quartier.
« Parce qu’ils ont coché les maisons sans nous en avoir informés. Malgré cela, quand les gens ont voulu créer la tension, je les ai calmés. Ils sont venus recenser d’autres. Là également, nous étions absents. Mais quand le président de la République nous a alloué un montant de 20 millions par famille, ils ont dit qu’ils ne paient pas tant que le chef de quartier n’est pas là. J’ai réalisé dans ma tête qu’on veut me mettre en prison. J’ai pris mon chef de secteur. J’ai mobilisé mes chefs de carrés, pour qu’on m’aide à contrôler ceux qui doivent avoir l’argent. On avait 201 personnes recensées pour 4 milliards 20 millions GNF. Comme les gens s’étaient opposés au paiement, on a pris l’argent au gouvernorat, on l’a confié à la Banque centrale. Quand les maisons ont été cassées, parce qu’il n’y avait plus d’autre chose à défendre, les gens ont accepté de prendre l’argent. On a constitué une commission qui était dirigée par le conseiller juridique du gouverneur. Et là, il a travaillé honnêtement avec nous. Tous les gens qui ont été payés, il fallait que le chef de quartier signe leurs papiers. Et quand on émet un chèque pour un citoyen, on le remet au chef de quartier qui le remettra à l’ayant droit. Mais il fut un moment, M. Chérif qui était le représentant du ministère nous a dit qu’on arrêtait le paiement de tous ceux qui avaient des procurations, que lorsqu’on allait terminer la paie, il allait soumettre ces procurations au ministre avant de les payer. Et jusqu’à présent, certaines personnes ne sont pas payées. 13 personnes ont été omises parce qu’il y a quelque chose que les agents n’ont pas compris: tous les gens nantis qui étaient là avaient quitté. Ils ont laissé les locataires ici. On vient pour faire le recensement. On n’associe pas le chef de quartier. On recense les locataires à la place des propriétaires. Pendant la paie, j’ai pu extirper des cas comme cela », explique M. Damba
Poursuivant, notre interlocuteur fait noter que les 25 personnes qui ont été déguerpies en dernière position n’ont pas été prévenues. Leurs maisons ont été démolies et qu’elles aussi n’ont pas perçu leur argent. « Nous allons faire appel au chef de l’État et au gouvernement de nous aider », plaide-t-il.
Habitant le quartier Dar-Es-Salam 2 depuis plusieurs décennies, M’mah Doumbouya est une veuve dont la concession a été démolie sous son regard impuissant. Mère de dix enfants, dont huit en vie, elle habitait une maison de trois chambres, un salon, une douche, une terrasse et un magasin, rappelle-t-elle dans une interview accordée à Guinéenews©.
A côté, ajoute Mme Doumbouya, se trouvait une autre maison de cinq chambres avec un salon pour chacune. Elles étaient toutes en location ou occupées par endroits par la famille, sans parler des toilettes publiques et du reste de terrain qui était vierge.
D’entrée, la veuve M’mah Doumbouya rappelle qu’elle et son défunt époux sont arrivés à Dar-Es-Salam 2 pendant que la zone était presqu’une brousse, sous la première République. « Au temps de feu général Lansana Conté, il a été décidé de venir jeter les ordures ici, sous prétexte que cinq ans après, le site sera délocalisé à Kagbélén. Entre-temps, la Banque mondiale est venue pour dire qu’elle va réaliser une unité industrielle de transformation des déchets. A cet effet, ils ont même bâti un grand bassin ici. Ils ont aussi dressé une liste de ceux qui travailleraient dans cette usine, et ont ciblé environ 130 ménages qu’ils allaient dédommager pour pouvoir réaliser leur projet. Mais ceux qui étaient commis à cette tâche n’ont pris que quelques familles avant d’empocher le reste de l’argent. Et tous ceux qui ont été dédommagés ont quitté. En ce temps, on extrayait ici de l’argile qu’on tamisait pour en faire la peinture. Les populations riveraines vivaient de ces activités », se souvient encore Mme Doumbouya qui, dans la poursuite de sa narration, ajoutera : « Dans un passé relativement récent, sous le président Alpha Condé, ils ont déployé des machines qui repoussaient les ordures qui ont fini par s’écrouler sur des maisons d’habitation. Cela a causé la mort d’une dizaine de concitoyens. Tout le peuple de Guinée s’en souvient. Ils ont promis de passer faire des dons aux familles éplorées. Un beau matin, nous avons vu des émissaires de l’Habitat cocher les maisons alors que ni le chef de quartier, ni la mairie ne nous avaient préalablement informés de leur arrivée. Nous avons donc demandé à nos chefs qui n’en savaient rien eux aussi. Nous nous sommes transportés dans les rues pour attirer l’attention de l’opinion publique nationale et internationale. Nous savons que chaque lopin de terre appartient à l’Etat. Mais pour faire quitter un occupant d’une zone qu’il habite depuis plus de 30 ans, cela doit obéir à une certaine bienséance qui sied en la matière. Hélas! Cela a manqué dans la démarche de nos autorités. Nous sommes allés chez le Médiateur de la République a nous a promis de venir nous voir. Mais non! Il en a été de même pour le ministre Kourouma de la Ville. Aucun d’entre eux n’est venu nous voir. Parce qu’ils ont le pouvoir aujourd’hui. Mais qu’ils sachent que Sékou Touré est venu et est passé. Lansana Conté et Dadis également. Ce regime va aussi passer. La vie est ainsi faite ».
La démolition des bâtisses a provoqué une hécatombe chez les victimes
Selon des propos concordants recueillis tant auprès des autorités du quartier Dar-Es-Salam 2 qu’auprès des citoyens, il y a dix-neuf concessions ici dont les propriétaires sont décédés, dont certains ont trouvé la mort en assistant, impuissants, à la démolition de leurs maisons. C’est le cas notamment de l’imam du quartier.
« Le jour où on a orienté la machine contre sa maison, notre imam est tombé en syncope et ne se relèvera qu’à l’au-delà. On n’a même pas pu l’inhumer ici, sous le feu des grenades lacrymogènes qui pleuvaient sur le quartier. Il a fallu que son corps soit envoyé à Hamdallaye », relate M’mah Doumbouya en larmes.
Le cri de cœur de la pauvre dame
Outre ses propres enfants, Mme Doumbouya compte à sa charge de nombreux petits fils et neveux. Nostalgique des maisons qu’elle a construites avec son maigre revenu issu de son petit commerce et ses différentes tontines, aux côtés de son mari décédé, elle se confie à Dieu en ces termes : « S’il en est ainsi, qu’Allah le Grand Justicier rende justice. Parce que nous avons été sortis de ces maisons le 23 mai, qui coïncidait avec 18è jour du ramadan. Ensuite, ils ont distribué la somme de 20 millions à certaines familles. Mais nous les 19 veuves, nous ne les avons pas reçus. A cela, s’ajoutent 25 familles et 13 autres familles qu’on appelle les omis. Qu’on vous sorte de votre maison pour déverser là des ordures, quoi de plus cruel? Rien n’est fait sur le site. Alors, nous sommes là et n’avons pas où aller. Alpha Condé, tu avais dit que tu dédiais ton mandat aux femmes. Nous t’avons porté au dos. Mais aujourd’hui, nous avons mal au dos ».
Dans le même ordre d’idée, M. Charles Damba, chef de quartier de Dar-Es-Salam 2 confie que le muezzin de sa municipalité dort dans la mosquée depuis que sa maison a été cassée, non sans évoquer le cas des gens qui dormiraient à même le sol chez leurs voisins.
« Aujourd’hui plus qu’hier, nous continuons à supporter la charge de la décharge. Et maintenant, il y a un site de cent hectares à Kouria, selon l’ANASP. Mais, qu’il faut encore rester à Dar-Es-Salam pendant trois ans. Et chaque année, on nous dit trois ans. On se demande quand est-ce les trois ans vont enfin arriver », se désole M. Damba.
A noter qu’à la démolition des bâtiments aux alentours de la décharge, il n’y avait rien sur le site qui soit public. A ce jour, l’unique mosquée de la zone est hors d’usage. Seul le cimetière est opérationnel. Cependant, quelques baraques de fortune – servant de lieux d’habitation – sont perceptibles le long de la zone déguerpie, comme pour dire que les gens ne sont pas disposés à quitter les lieux. Du moins, sans avoir perçu leur argent.
Face aux accusations, le ministère de la Ville sur la défensive
Dans le souci de recouper nos informations, nous nous sommes rendus au ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire pour sa part de vérité dans ce dossier où il est incriminé. A propos, la Directrice régionale de l’Urbanisme et de l’Habitat a indiqué que son département, depuis des lustres, s’est tracé une ligne de conduite dans le cadre de la réalisation d’opérations de déguerpissement ou de libération d’emprise, à laquelle le ministère n’a jamais failli, à savoir : adresser un courrier au ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation dans lequel il lui demande d’instruire le gouverneur de la localité concernée de bien vouloir informer les citoyens à travers les élus qu’une opération de déguerpissement est programmée. Dans ce courrier, les dates sont indiquées et l’appui des autorités sollicité. Et un ordre de mission est établi puis, visé par le gouvernorat, la mairie et le quartier, pour le marquage et le recensement.
« (…). Telle a été la démarche suivie pour Dar-Es-Salam. Le marquage et le recensement se sont déroulés sous le regard vigilant du chef de secteur et du représentant des sages », rapporte dame Oumou Sarr.
S’agissant du problème d’omission de certaines familles dans le partage des primes d’accompagnement à elles accordées, la Directrice régionale de l’Habitat précise que de septembre 2017 à juillet 2018, date à laquelle le montant de 2 milliards 20 millions GNF a été mis à la disposition du ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire par le président de la République, était plutôt destiné à « 201 familles illégalement car, ne détenant aucun document légal ».
« Pour le paiement de ces primes, une commission a été mise en place. Le chef de quartier de Dar-Es-Salam 2 et le chef de secteur en sont membres. Cette commission a siégé pour la première fois du 2 au 9 juillet 2018, de 8H à 18H, dans la salle de réunion du gouvernorat, sans qu’aucun citoyen ne daigne venir prendre son argent d’un montant de 20 millions de francs guinéens, alors que le lancement médiatisé avait été fait par le ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire et celui de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, accompagnés du gouverneur de Conakry », enseigne Mme Oumou Sarr, tout en ajoutant que suite aux multiples sensibilisations, des citoyens se sont décidés à venir prendre leur argent. Et que le paiement se poursuit aujourd’hui, mais au niveau de la mairie de Ratoma.
La gestion des déchets confiée à deux sociétés étrangères
L’Agence nationale d’assainissement et de salubrité publique instituée en novembre 2016 est l’organe en charge de concevoir une stratégie pour pouvoir faire avancer la gestion des déchets dans les villes provinciales et singulièrement à Conakry. Ladite agence est consciente des enjeux liés à sa feuille de route. Ce qui fait dire à son Directeur général, en fin connaisseur, que le fait que Conakry soit sale découle de la conjonction de plusieurs facteurs: des facteurs institutionnels, des facteurs liés aux financements, des facteurs liés aux problèmes d’infrastructures et aux problèmes domaniaux.
« Ayant fait l’état des lieux, en accord avec le président de la République et sous l’impulsion du Comité de pilotage mis en place à cet effet et dirigé par le Premier ministre, il a été procédé à l’élaboration d’une stratégie visant à professionnaliser la gestion des déchets. Celle-ci porte sur le fait que l’État, à travers l’ANASP, i s’occupait de l’enlèvement, de l’acheminement et du dépôt des déchets à la décharge. Il a été décidé que l’Etat se retire et que tous les maillons, notamment la pré-collecte, la collecte, le transfert, la mise en décharge et le traitement, soient uniquement confiés aux opérateurs professionnels », clarifie Sory Camara.
A en croire le patron de l’Anasp, au terme d’un appel d’offres lancé, deux opérateurs professionnels ont été recrutés avec lesquels l’Etat guinéen a signé le contrat en octobre 2019. Il s’agit de Albayrak et Piccini. Motif de satisfaction pour M. Camara en termes de résultats perceptibles sur le terrain, notamment avec Albayrak qui s’occupe des activités d’enlèvement des ordures à partir des points de regroupement, fait le balayage de la ville de Conakry et assure le dépôt des déchets à la décharge.
« A ce jour, Albayrak absorbe environ 60% de l’effectif des travailleurs de l’ANASP. Puisque nous, on ne fait plus cette activité, nous avons mis tout le personnel à la disposition d’Albayrak en plus des équipements dont nous disposons. Et la société a mis en place trois équipes qui travaillent 24H/24, soit 8h par groupe. Ce qui fait que de mars à avril, elle a pu drainer 24.000 tonnes de déchets », se félicite M. Sory Camara.
L’autre volet de la gestion professionnelle des déchets, c’est bien la mise en décharge. Cette autre activité est confiée à la société Piccini qui s’occupe de l’aménagement de la décharge de Dar-Es-Salam où elle est en train de travailler pour l’implantation du pont-bascule et mettre en place tous les bâtiments qui doivent abriter les cadres devant gérer non seulement le pont-bascule, mais aussi l’ensemble du circuit administratif lié au dépôt et au traitement des déchets au niveau de la décharge.
« Il y est donc prévu l’aménagement d’une plateforme pour que très prochainement, tous les déchets qui vont partir de Conakry y soient pesés et comptabilisés en vue de leur traitement », rassure le Directeur général de l’Anasp, même sans donner le délai contractuel.
La décharge de Dar-Es-Salam 2 a été ouverte dans les années 80, pour une population de 500 mille habitants. Il était prévu que 20 ans après, cette décharge soit délocalisée. Ce qui n’a pas été le cas. Et aujourd’hui, Conakry fait 3 millions d’habitants, avec une production moyenne de 1300 tonnes de déchets par jour.
Avec l’agression domaniale, ce site qui était de 25 hectares n’est plus que de 15 hectares aujourd’hui. Une pression qui s’exerce sur l’État en termes d’enjeu qui, pour cela, a décidé de réhabiliter le reste du domaine.
Environ 4 milliards de francs guinéens mensuellement dépensés dans la gestion des déchets
La bagatelle d’environ 4 milliards GNF. C’est le montant débloqué tous les mois pour l’assainissement de Conakry et pour des résultats dont le ministre d’État, ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement est fier.
« Ce qui est à remarquer, c’est qu’en peu de temps, nous avons réussi à évacuer les immondices qui longeaient tout Conakry. Certes, pas dans sa totalité, mais au moins à 85%. Il y avait des points noirs très visibles, tels qu’à Yattaya, à l’Aviation militaire, à l’université (Gamal Abdel Nasser, Ndlr) le long des rails. Ce qui est aussi remarquable, c’est qu’à pareil moment, en 2019, on avait un manque criard de points de regroupement. Les points de regroupement qui ont été créés et aménagés dans le cadre du PDU3 avaient fait l’objet d’offense de la part des privés qui y menaient des activités. Et les populations n’avaient plus où mettre les ordures. C’est ce qui a abouti à la prolifération des décharges sauvages. Mais passez aujourd’hui à Yattaya. Nous y avons aménagé un point de regroupement moderne qui sera équipé de containers. Les ordures ne se retrouveront plus à même le sol. Et les équipements que nous avons reçus passeront régulièrement pour enlever ces containers et bacs à ordures, en poser de nouveaux », annonce Elhadj Papa Koly Kourouma, qui ajoute par ailleurs qu’à date, l’État guinéen débloque environ 4 milliards de francs guinéens par mois pour l’assainissement.
Il n’est un secret pour personne que la décharge de Dar-Es-Salam 2 est aujourd’hui rempli. Comme partout à travers le pays, ce site compte deux saisons également : c’est la saison des fumées (correspondant à la saison sèche) et la saison des odeurs nauséabondes (qui correspond à la période hivernale).
Et l’État guinéen semble en être conscient mieux que quiconque. Une situation qu’il s’emploie d’ailleurs à changer. Dans cette dynamique, Papa Koly Kourouma rassure l’opinion que dans un futur proche, on pourra aller à cette décharge et y manger son plat.
« La propreté sera telle qu’on ne se rendra pas compte qu’on est dans une décharge. Même si on n’est pas encore arrivé à la création d’une décharge moderne, mais on va faire le maximum pour que la gestion des déchets à ce niveau puissent répondre aux normes internationales », parie le ministre d’État.
La délocalisation de la décharge de Dar-Es-Salam n’est pas pour demain
Partant de la complexité de l’assainissement, Papa Koly Kourouma fait remarquer qu’on ne peut pas, tel avec une baguette magique, se lever aujourd’hui pour dire qu’on va rendre Conakry propre. Et pour asseoir son argumentaire sur une base plus ou moins solide, notre répondant dit avoir hérité d’une situation d’insalubrité qui était de l’ordre de de plus de 200 m³, qu’il fallait d’abord dégager.
A la question de savoir quand est-ce assistera-t-on à la délocalisation de cette décharge logée au cœur de Conakry, Papa Koly Kourouma indique qu’il y a déjà un domaine de cent hectares à Baritodé, dans la préfecture. Et que les études de faisabilité pour la création d’un centre d’enfouissement technique sont actuellement en cours.
« Après les études de faisabilité, on trouvera des moyens pour mobiliser ce qu’il faut ou peut-être signer un partenariat public-privé pour la réalisation de ce centre d’enfouissement technique. Il faut savoir que le transfert d’une décharge d’un point A à un point B obéit à des règles. Prenons un seul exemple. On va transférer la décharge de la Minière derrière Coyah, soit plus de 60 kilomètres. La rotation déjà des camions, parce que la quantité d’ordures produite sera croissante. Mais il faut enlever la même quantité. Ce qui nous interpelle à avoir plusieurs véhicules pour assurer plusieurs rotations. Cela nécessite assez de moyens. Et puisque nous sommes dans le principe pollueur-payeur, ce sont les ménages qui vont payer. Est-ce qu’à l’allure d’aujourd’hui les ménages sont en mesure de pouvoir payer ces prestations ? Je dirai non. Le revenu des ménages ne leur permet pas aujourd’hui de payer le transfert des ordures de Conakry à Baritodé. Il va falloir que l’État trouve une solution, même si ce n’est pas de subventionner à 100%, mais au moins, permettre aux ménages de pouvoir payer les services des PME qui vont assurer la pré-collecte, pour qu’on puisse payer l’opérateur qui va s’occuper de ces ordures », tranche Papa Koly.
Et de conclure en s’interrogeant et se répondant entre ces lignes : « A quand cette délocalisation? On attend la mobilisation des ressources nécessaires, le recrutement de l’opérateur et la réalisation des infrastructures devant accueillir les déchets ».
Toutefois, selon le Directeur général de l’Anasp, avec l’appui de l’Agence française de développement (AFD), il est prévu à Baritodé la mise en place d’une structure de mise en œuvre de cette activité au niveau de la décharge de Coyah. Et qu’une fois les études terminées, un appel d’offres sera lancé au terme duquel un agent sera recruté. C’est celui-là qui va réaliser les travaux d’infrastructures, aménager la voie d’accès, recevoir les dépôts de déchets, les emmagasiner et produire le gaz et l’électricité.
« L’opérateur va exploiter ce site, produire de l’électricité et la revendre. Cela permettra de réduire le coût de l’exploitation du site. Ce programme est en très bonne voie, puisque dans les mois à venir, nous allons recevoir l’équipe de l’AFD. Et nous allons travailler dans ce cadre-là. Déjà, pour cela, l’Union européenne a mobilisé 20 millions d’euros que l’AFD va compléter avec l’appui du gouvernement pour que ce schéma soit mis en place dans les trois ou quatre prochaines années », indique M. Sory Camara.
Conakry, la perle de l’Afrique de l’Ouest devenue la cité des ordures
L’environnement terrestre guinéen reste fortement éprouvé par la production incontrôlée des déchets plastiques qui ne sont pas sans effets. Cela s’explique par cette civilisation du modernisme qui nous conduit souvent au pire. Parce que désormais, on fabrique tout, même sans être parvenu à évaluer l’impact de cette production ou de ces fabrications sur nous-mêmes.
Dans le cadre de son appui au développement de la Guinée, l’Union européenne a financé un programme de gestion professionnelle des déchets à hauteur de 34 millions d’euros au compte du projet Sanita Villes propres. Cela, en vue de débarrasser Conakry et Kindia de leurs tas de déchets physiques. Un projet qui contribue énormément à l’assainissement de Conakry.
Nonobstant, nos villes sont confrontées à la gestion urbaine des déchets à partir des déchets solides. Cette problématique mérite de concrètes actions. Car, il est évident qu’on va dépenser de l’argent, tels que les 4 milliards de francs affectés tous les mois à l’assainissement. Mais, il y a des dispositions à prendre. Tant qu’on ne maitrisera pas la chaine d’élimination des déchets, notamment la production, la pré-collecte, la collecte, le transfert et la mise en décharge, il y aura des failles.
Autrement dit, dès qu’un maillon de la chaine est coupé, tout le système se gâte. Alors que les déchets, c’est du berceau à la tombe. Dès qu’il est né, il doit être mis quelque part. Puisque même l’enfant qui est né aujourd’hui génère des déchets via les couches pampers. Chacun, à sa façon, génère donc des déchets.
Suggestion est donc faite à l’Administration publique de créer des fonds innovants pour accompagner la gestion professionnelle des déchets. Ces fonds peuvent être issus du cordon douanier, sur lesquels l’État peut collecter sur tous les produits générateurs de déchets, des taxes minimes : 0,5%, 0,10%, 5 francs, 10 francs, 15 francs sur tous les emballages ou les produits générateurs de déchets. C’est du moins l’avis du consultant environnementaliste, Sékou Gaoussou Sylla.
« Même la téléphonie, les cartes qu’on gratte ou les jeux de loterie, les papiers qu’on génère, chaque fois que c’est généré, c’est une caisse de péréquation. On compte les sociétés qui produisent l’eau minérale par exemple, avant de la mettre sur le marché. On fait une taxation. Et cette taxation, c’est le fonds de garantie pour l’assainissement. C’est des milliards et des milliards. L’Etat ne pourrait pas débourser même un centime », préconisait notre interlocuteur au cours d’une interview à Guinéenews© en 2019.
Il convient donc de créer des sociétés qui recyclent ces déchets, notamment plastiques qui ont si une longue durée de vie. Ce recyclage est d’une extrême utilité. D’ailleurs, c’est pourquoi sous certains cieux, on ne parle pas de déchets maintenant : on parle plutôt des matériaux en fin de vie, mais auxquels on donne toujours une nouvelle vie.
Réalisé par Mady Bangoura et Bah Alhassane pour Guinéenews©