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Fria : le nouveau contrat de Rusal face à la défiance et à la méfiance des ouvriers

Depuis la dernière visite du Premier ministre qui a été suivie par celle de l’Inspecteur général du travail dans les installations de Rusal à Fria, rien ne semble aller entre les travailleurs et leur direction. Idem pour la direction de Rusal et la SEINTA, une de ses sous-traitantes. L’heure est au désamour total.

En effet, la signature d’un nouveau contrat de 6 mois proposé par la direction de l’usine est diversement appréciée aujourd’hui par les ouvriers, les cadres et les superviseurs, chacun selon son statut et le degré de confiance qu’il a en la direction ou en  l’Etat guinéen.

 “Moi, j’ai signé ce contrat sans consulter personne. Quand la Directrice des Ressources Humaines (DRH) est venue dans notre atelier, elle nous a expliqué les contours. Je n’ai rien trouvé de contraignant qui puisse me retenir. Depuis que j’ai signé en toute liberté, certains de mes collègues commencent à me qualifier de traitre. Mais, je leur dis que chacun suit son destin. Car, on a beaucoup souffert et personne n’est venu nous apporter un grain de riz. Je ne crois pas à toutes ces visites, y compris celle du Premier ministre et même celle de l’inspecteur général du travail. Je ne suis pas le seul à avoir signé ce contrat. Même ceux du port ont, en majorité, signé” nous a confié un ouvrier ayant requis l’anonymat et qui a déjà son contrat avec Rusal.

En revanche, un autre ouvrier, toujours sous le sceau de l’anonymat nous explique ici les raisons ayant motivé son choix de ne pas signé le contrat qui lui a été proposé : « tout est parti du simple fait que la direction de Rusal via la DRH force la main aux travailleurs à signer ledit contrat par l’intimidation et le harcèlement. Une manière de tromper la vigilance du gouvernement. Depuis 5 ans et avant les missions du gouvernement actuel et de l’inspecteur général du travail (Dr Alia Camara, à l’époque, Ndlr) on nous faisait signer un contrat de travail d’un mois en nous remettant des badges sur lesquelles il n’y avait aucune photo. Nous avons remarqué que depuis le passage du Premier ministre Mohamed Béavogui et sa suite ainsi que de l’inspecteur général du travail, la direction a une peur bleue. Mais la DRH passe dans tous les ateliers pour nous demander de signer un contrat de six mois en nous faisant croire que nos conditions de travail et de vie vont changer si nous signons ce contrat de six mois. Mais quand elle se rend compte que tu refuses de signer, elle passe par des menaces de licenciement. »

Un troisième ouvrier de Rusal qu’on a rencontré et qui n’avait pas encore signé le contrat, estime pour sa part que en le signant maintenant dans la précipitation, les travailleurs risquent de se faire piéger par Rusal dans un proche avenir.

Parce que, justifie-t-il, les négociations entre Rusal et l’État guinéen peuvent reprendre à tout moment et cela pourrait faire inverser la donne. Cette hypothèse développée, semble être l’argument fondamental largement partagé dans les rangs de la plupart des ouvriers n’ayant pas encore accepté de signer.

Malgré les arguments juridiques et les avantages défendus par la DRH, ces travailleurs réfractaires restent résolus à  faire revenir Rusal sur les anciens statuts et les contrats CDI.

“ Il s’agit d’un piège que la DRH veut nous tendre vu que Rusal soit actuellement dans une mauvaise posture surtout depuis la visite du Premier ministre. Celui-ci aurait aurait exiger de Rusal une amélioration des conditions de vie, de travail et celles des cadres guinéens. Depuis cet avertissement, la Direction de Rusal est paniquée. C’est pour cela qu’elle vient nous demander de signer un contrat de six mois. Mais une minorité, pas plus de 150 travailleurs, a déjà signé par peur de représailles. Nous autres qui constituons la majorité, n’allons pas signer ce contrat en l’état. Cette fois-ci, s’ils veulent qu’ils nous licencient tous. Nous ne suivrons que le président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya et son gouvernement. Nous sommes toutefois convaincus d’une chose, c’est que la situation que nous vivons va être améliorée, s’il plaît à Dieu. Mais il faut dire qu’il y a des travailleurs qui sont traitres parce qu’ils ont accepté de signer ce faux contrat qui ne garantit rien pour nous. Tout ce qu’on demande, c’est de nous rétablir dans notre ancien statut d’agent de Rusal avec notre contrat CDI signé à l’embauche”, martèle cet autre interlocuteur.

Le week-end dernier, de nombreux travailleurs approchés sur place à Fria par Guinéenews, notamment ceux qui ont déjà signé, affirmaient avoir subi du harcèlement et de l’intimidation de la part des cadres et superviseurs de Rusal auxquels la direction de la compagnie aurait promis de  revaloriser leurs taux horaires ainsi que leurs primes.

A en croire toujours les mêmes sources, à partir du 1er mars prochain, ‘’tout travailleur qui ne signera pas le contrat proposé, ne pourrait pas bénéficier des différentes primes (200.000fg pour la production, 150.000fg pour la sécurité, 150.000fg pour l’assiduité). Et au pire des cas, il se verrait purement et simplement interdit d’accès à l’usine.

Il est à souligner que toutes nos nombreuses tentatives auprès de la direction de Rusal, surtout de son département des ressources humaines pour avoir sa version des faits sur ces allégations, sont restées vaines jusqu’à la mise en ligne de cet article.

Seulement un cadre proche de la Direction et sous l’anonymat, nous a confirmé l’existence de ce contrat de 6 mois avant de préciser qu’il est en train d’être signé par des travailleurs, sans aucune pression ni intimidation. Contrairement à ce que soutiennent certains ouvriers.

Cette signature a lieu de plein gré sinon, affirme-t-il, on aurait entendu des remous dans l’usine et dans la ville.

Par ailleurs, l’Etat qui devait, à travers ses structures techniques notamment l’inspecteur général du travail, semble plus silencieux sur le dossier. Tandis qu’une partie des travailleurs et la direction se regardent en chiens de faïence sur fond de menace pour les uns et de défiance pour les autres. Si ce problème ne trouve pas une solution dans les jours ou mois à venir, le risque est élevé pour que Fria soit le théâtre de nouvelles tensions entre ces deux parties.

Rappelons enfin que les travailleurs de l’usine n’ont toujours pas eu le droit de mettre en place le nouveau bureau syndical. La dernière grève ayant conduit à la fermeture de l’usine par RusAl et la dissolution de l’ancien bureau syndical.

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