Les députés élus à l’Assemblée nationale sont déjà à la cinquième année, puis qu’ayant été installés le 13 janvier 2014. Ce qui signifie que leur mandat arrive à expiration le 12 janvierprochain. Mais selon l’article 125 du Code électoral, le mandat des députés expire à l’ouverture de la première session ordinaire qui suit la cinquième année de leurs élections. Cela voudrait que le mandat des députés expire le 4 avril 2019, veille de la rentrée parlementaire de la nouvelle législature.
Mais le juriste et chargé des cours de Droit, Mohamed Camara, estime lui qu’il y a des contradictions entre les textes au niveau de la date d’expiration du mandat des députés : « il faut signaler une triple contradiction de textes à ce niveau. Le mandat du député est de cinq ans, il peut être réduit en cas de dissolution sur le fondement de l’article 60 de la Constitution. Le problème est que les partis politiques ont réussi leur ultra influence sur l’Etat. Ils font primer la discipline des partis politiques sur le mandat du peuple. La Cour Constitutionnelle censée faire le contrôle de constitutionnalité n’a pas fait le moindre reproche lors du contrôle sur cet article 125 de la loi électorale qui, plus est une loi organique contraire à son propre article 119. Il est aussi contraire à l’article 60 de la Constitution. Il est enfin contraire à l’article de 2 de la loi organique L/2017/030/AN du 4 juillet 2017 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Elle est passée devant la Cour Constitutionnelle sans la moindre remarque exigeant sa conformité.»
La contradiction la plus récente que la Cour constitutionnelle a validée, c’est celle entre le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale du 4 juillet 2017 et la loi électorale du 24 février de la même année au sujet de la tenue des élections législatives.
«Pendant que l’article 125 de la loi électorale L/2017/039/AN du 24 février 2017 prévoit les élections législatives au premier trimestre de 2019 (soit entre janvier et mars 2019) avec un bonus anticonstitutionnel de 3 mois de plus sur les 5 ans, l’article 2 de la loi organique L/2017/030/AN du 4 juillet 2017 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoit la tenue des législatives au premier mois du dernier trimestre de la 5ème année (soit octobre 2018). Comment une telle triple contradiction peut passer devant la Cour constitutionnelle », s’est interrogé Mohamed Camara avant de préciser que le mandat des députés expire le 12 janvier prochain : « il faut rappeler que les députés de la 8ème législature ont été élus le 28 septembre 2013 et ils ont pris fonction le lundi 13 janvier 2014. Donc, leur mandat de 5 ans prend fin le 12 janvier 2019, car le mandat court à partir de la prise de fonction (la séance d’installation avec l’élection du bureau). C’est différent de l’ouverture d’une session ordinaire ou extraordinaire. Que dire de l’utilité et de l’effectivité du contrôle de la Cour constitutionnelle si les lois contraires à la Constitution et délibérément enrobées dans des artifices juridiques, passent au travers des mailles du mécanisme du contrôle de constitutionnalité avec des contradictions textuelles internes et externes tant manifestes que préjudiciables à la consolidation de la démocratie et à l’Etat de droit. »
Si les législatives ne sont pas organisées avant la fin du mandat, quelles peuvent être les conséquences ?
A propos, Mohamed Camara répond : «c’est l’hypothèse de mandat de fait pour assurer la continuité des institutions sur fond de déficit de légitimité avec la préférence du moindre mal face à plusieurs maux en attendant l’organisation des élections législatives à brève échéance.»
Beaucoup d’observateurs estiment que les députés ne devront pas siéger à l’Assemblée nationale au-delà de leur mandat. Sinon, disent-ils, ils n’auront aucune légitimité d’empêcher une éventuelle modification de la Constitution visant à permettre un troisième mandat. Alors, les députés de l’opposition seront-ils obligés de démissionner à l’expiration de leur mandat ?
Selon Mohamed Camara, une telle action n’a pas d’effet juridiquement : «cette posture sera sans objet au plan juridique. Peut-être, elle serait stratégique au plan moral pour se donner bonne conscience devant les populations et au plan politique pour exercer une pression déguisée en vue de la tenue des élections législatives. »
« Mais, nul ne doit souhaiter un vide institutionnel ou œuvrer à la création de l’impasse institutionnelle dans un pays dont la démocratie est en construction », a-t-il conclu.