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Etat des lieux des prisons de la région : le procureur du TPI de Labé fait le diagnostic

S’il n’y a pas de prison adéquate, vous conviendrez avec moi que la première conséquence est la violation systématique des droits humains par rapport aux conditions de détention qui sont parfois peu appréciables

De nos jours, les cinq préfectures de la région administrative de Labé ne disposent que d’une seule et unique prison totalement opérationnelle qui n’est autreque la maison centrale de Labé.  Les préfectures de Koubia, Tougué, Mali, Lélouma et même Pita font toutes recours à cette prison pour la détention des personnes en conflit avec la loi.

Si pour les uns, les prisons sont inadaptées, pour les autres elles ont été saccagées par la foule en colère à l’occasion des précédentes manifestations politiques et sociales.

Plus grave, le transfert des prisonniers se fait très souvent à moto comme nous l’a fait savoir le procureur du tribunal de première instance (TPI) de Labé. Patrice Koma Koivogui a accepté de faire l’état des lieux des structures pénitentiaires de la région au micro de Guineenews. Lisez !

Guineenews© : on retrouve très souvent des détenus de plusieurs préfectures de la région ici à Labé, pourquoi ?

Patrice Koma Koivogui, Procureur : merci pour l’opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer sur cette problématique à laquelle font face la plupart des juridictions du pays. Pour le cas précis de Labé, comme vous l’avez dit, actuellement, il y a des préfectures dans lesquelles les prisons sont complètement inexistantes. Ça fait qu’aujourd’hui, Labé qui est le centre est devenu la zone qui reçoit les détenus de ces différentes préfectures.

Guineenews© : alors c’est quoi l’état des lieux des prisons de la région administrative ?

Procureur : sur les 4 préfectures ou 5 préfectures qui entourent Labé seule Lélouma et Mali disposent de prison de nos jours. Et des prisons qui n’ont pas aussi cette norme de sécurité mais aussi de capacité à détenir beaucoup de personnes. Quand je prends ces deux villes-là, la plupart de leurs détenus qui sont condamnés pour des faits assez graves, ils sont obligés de les transférer ici au niveau de Labé. Par ailleurs, dans ces prisons, ils n’atteignent jamais 15 personnes. Une fois que ça dépasse, on leur demande de nous envoyer le surplus au niveau de Labé ou au moins il y a en quelque sorte une sécurité.

Guineenews© : et pour ce qui est de Tougué et Koubia ?

Procureur : parlant de Tougué, Koubia et de Pita, là pratiquement il n’y a pas de prison. Donc, ces juridictions sont obligées une fois qu’elles veulent placer quelqu’un sous mandat de l’envoyer directement ici à Labé.

Guineenews© : y avait-il des prisons dans ces préfectures où il n’y a jamais eu de prison ?

Procureur : il y avait bel et bien des prisons dans ces préfectures. Quand je prends par exemple la situation de Koubia, c’est en 2007 en faveur d’une manifestation politique que la prison de Koubia ainsi que le palais de justice ont été complètement incendiés. Quand je prends également le cas de Pita, il y avait une prison dans cette préfecture. C’est en faveur des dernières manifestations politiques que la prison a également été saccagée. C’est la même chose au niveau de la préfecture de Tougué. Donc, ça existait malgré que ce ne fût pas dans les normes mais ça pouvait accueillir un certain nombre de personnes. Sauf qu’avec les manifestations politiques ces prisons ont été entièrement détruites.

Guineenews© : ça veut dire qu’il y a certainement surpopulation ici à Labé ?

Procureur : oui, du moment où c’est la seule prison qui reçoit globalement tous les détenus de Pita qui sont actuellement ici à Labé, tous les détenus de Koubia, tous les détenus de Tougué. Mali et Lélouma au moins gardent quelques-uns. Donc, la conséquence directe qui en découle avec aujourd’hui la population galopante, c’est bien sûr la surpopulation carcérale de la maison centrale de Labé tant bien même qu’on essaye de gérer pour éviter que cette surpopulation puisse avoir un niveau assez élevé qui puisse créer une insécurité à l’intérieur de la prison.

Guineenews© : une idée sur la population carcérale à Labé ?

Procureur : bon, je préfère taire cela mais au jour d’aujourd’hui, elle est normale et fonctionne un peu bien.

Guineenews© : alors quel est l’état physique de la prison de Labé qui est dit-on l’une des plus vieilles maisons d’arrêt ?

Procureur : oui la prison civile de Labé est une vieille prison mais, de nos jours, avec les améliorations apportées par certaines ONG partenaires, nous disons que la prison se trouve dans un état plus ou moins acceptable qui nous permet de pouvoir garder en toute sécurité toutes les personnes qui sont condamnées.

Guinéenews : pour ce qui est des prisonniers qui viennent de Pita, de Tougué, et de Koubia. Où sont-ils jugés ?

Procureur : pour ce qui est de Pita, le procureur a mis en place un système qui lui permet de ramener à chaque fois les détenus à Pita pour les juger et les ramener.

Pour ceux qui sont condamnés, les intégrer pour qu’ils puissent purger leur peine. Quand je prends le cas de Tougué, eux aussi, ils jugent à Tougué puisqu’il y a un palais de justice. Maintenant s’il est question de purger leur peine on les envoie à Labé. Ensuite, pour ce qui est de Koubia, généralement ils profitent pour les juger ici afin d’éviter les vas-et-vient. Donc, on les juge directement à Labé ici par le juge de paix de Koubia.

Guineenews© : comment s’effectue le transfert de ces prisonniers d’une préfecture à une autre ?

Procureur : il y a beaucoup de risques qui sont liés au transfert des prisonniers. La sécurité n’est pas là. Il peut avoir à des moments donnés des tentatives d’évasion lorsque ces prisonniers sont envoyés entre les différentes préfectures.

D’ailleurs il y a des situations dans lesquelles les agents sont obligés de convoyer les prisonniers à moto avec tous les risques.

Parfois pour le transfert de ces prisonniers il appartient aux chefs de la juridiction ou au chef de parquet de mettre la main dans la poche pour assurer le transport.

Tout cela se répercute sur le service. Lorsque des gens sont interpellés dans ces zones dont nous venons de faire allusion, où il n’y a pratiquement pas de prison, dans un premier temps ils sont confiés au niveau des centres de garde à vue soit à la police ou à la gendarmerie. Dès après la procédure, une fois qu’ils sont déférés devant le juge, automatiquement ce dernier est dans l’obligation de les transférer au niveau de Labé.

Guineenews©  : avez-vous un appel à lancer vis-à-vis de cette situation ?

Procureur : l’appel que j’ai à lancer, c’est à l’endroit des autorités pour qu’elles puissent comprendre si on parle ici d’une justice équitable, d’une justice impartiale. Tout est lié aux différents services. Et parmi ces services-là, les maisons d’arrêts sont au centre. Et s’il n’y a pas de prison adéquate, vous conviendrez avec moi que la première conséquence est la violation systématique des droits humains par rapport aux conditions de détention qui sont parfois peu appréciables.

Et je me dis qu’à la normale, il faudrait dans chaque préfecture qu’il y ait ces prisons là pour que les détenus soient plus proches de leurs parents mais également des juridictions qui les jugent.

De propos recueillis par Alaidhy Sow Labé, pour Guinéenews.org

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