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Est-il opportun d’aller vers l’élaboration d’une nouvelle constitution dans le contexte en République de Guinée ? ( Une tribune de Fayimba MARA, doctorant à l’Université CHeickh Anta–Diop)

N’y a-t-il pas d’autres préalables à régler avant ?

Le CNRD et le gouvernement, continuellement opposés aux forces vives autour de la gestion de la transition amorcée le 5 septembre 2021 qui a conduit à l’identification de dix points devant ponctuer le déroulement du processus de transition vers le retour à l’ordre constitutionnel.

La réconciliation des deux camps n’est-il pas le préalable des préalables avant de commencer le déroulement des dix points identifier ?

Le symposium organisé les 21 et 22 février 2023 par le CNT à la recherche d’une méthodologie d’élaboration de la constitution et à la familiarisation des conseillers aux concepts clefs du constitutionnalisme, ne nous conduit-il pas vers l’élaboration d’une constitution exclusionniste ?

Pour que nous puissions sortir de ce blocage, il est urgent de rapprocher toutes les parties prenantes de la transition.

Une « constitution d’en haut » résistera-t-elle au temps comme le souhaitent les rédacteurs de la future constitution ?

  • Les guinéens veulent une « constitution d’en bas » qui est négociée, débattue et signée par toutes les parties prenantes.
  • La « constitution d’en haut » est une constitution octroyée ou livrée dont la paternité est attribuée à un seul acteur politique.

Notre pays vient de loin et nous redoutons essentiellement deux choses :

  • Premièrement, nous ne souhaitons plus que la marche de notre Etat soit gravement perturbée ;
  • Deuxièment, nous redoutons que l’existence de notre Etat soit menacée.

Dans la vision des guinéens majoritairement, cette entreprise nécessite, pour sa pleine réussite, que l’accent soit mis sur les fondamentaux et non sur des difficultés d’ordre conjoncturel, encore moins sur les aspérités du jeu politique ainsi que les ambitions légitimes des uns et des autres.

Les guinéens doivent avoir une convergence de vues sur la réforme des institutions. Il faut noter que la Guinée est à la croisée des chemins, donc un autre rendez-vous de notre histoire est en jeu. Les guinéens ont la mémoire d’éléphant, il ne faut pas l’oublier.

Le 5 Septembre 2021 le peuple de Guinée a salué la prise du pouvoir par le CNRD à cause du contenu du tout premier discours du Président de la transition. Pour le paraphraser, il affirmait dans son souhait ardent « qu’il fallait mettre les guinéens ensemble ; confier la politique au peuple et non à un homme ; écrire une constitution inclusive et participative adaptée à nos réalités (…). » Tout dernièrement il affirme : « les constitutions mal rédigées conduisent aux crises, socio-politiques ». Je crois que ce discours a rassuré la majorité des guinéens, et a provoqué une large adhésion des populations à la cause.

Un an 6 mois de transition après, le constat est relativement visible. Les autorités de la transition ont réalisé des avancées salutaires qui ne sont pas du tout à occulter, entre autres, on peut citer : la lutte contre la délinquance économique et financière avec la mise en place de la CRIEF ; la récupération des biens de l’Etat et la réalisation d’un certains nombres d’infrastructures visibles sur toute l’étendue du territoire que je ne saurais égrener.

Ces acquis ne peuvent être capitalisés que quand les guinéens seront réunis autour d’un idéal consensuel. Les guinéens dans leur diversité redoutent les erreurs du passé.

Revenons au sujet qui est à l’ordre du jour, la rédaction de la nouvelle constitution et la méthodologie qu’il faut pour l’élaborer.

La problématique renvoie à la place de la constitution dans la vie d’une nation.

La constitution est l’acte fondateur de l’Etat et le constitutionnalisme en langage facile veut dire « la suprématie de la constitution dans la pyramide des normes juridiques ». Toutes les normes doivent l’obéir. Mais cette affirmation ne suffit pas dans le contexte de l’Etat de droit et de la démocratie, au-delà d’affirmer sa suprématie, il faut ajouter l’existence d’une Cour Constitutionnelle qui doit veiller à l’application de cette suprématie. Par conséquent, tout acte juridique qui s’écarte de cette obligation doit être purement et simplement annulé. Voilà en peu de mots l’explication du concept de constitutionnalisme qui symbolise l’Etat de droit ou diriger l’Etat avec le droit.

Bref dans nos jeunes Etats en développement, les constitutions sont investies d’une fonction de paix. Dans les pays en crise et en guerre, sa rédaction a pour but la construction de l’unité nationale et de la paix sociale à travers la promotion de la démocratie et de l’Etat de droit. La constitution garantie également les droits fondamentaux de la personne humaine. Elle se donne des remparts de prévention des crises. Forte de cette importance, la constitution guinéenne qui doit être rédigée ou qui est sous examen, ne doit pas être un livrable d’une commande préalable. Sa véritable paternité ne saurait être attribuée à un acteur politique singulier ou à un ingénieur constitutionnel particulier.

La future constitution guinéenne doit être le produit d’une convergence de pensées de plusieurs acteurs politiques et sociaux, nationaux et internationaux, experts et opérateurs de la matière constitutionnelle. L’agrégation des contributions, de nombreux et variés acteurs constitutionnels fera de cette constitution un patrimoine commun intégrant les diverses préoccupations de toutes les parties prenantes de la communauté nationale guinéenne.

La contribution s’attèlera à mettre en exergue le processus d’élaboration de la constitution qui reposera sur l’inclusion participative érigée en socle de la transition par les rédacteurs de la charte de notre transition signée par le Colonel Mamady Doumbouya le 27 Septembre 2021.

Si l’objectif de la constitution, c’est combler toutes ces vertus que je viens de rappeler, alors, on peut se poser la question de savoir s’il est effectivement opportun d’aller à l’élaboration d’une constitution qui doit symboliser l’idéal commun des guinéens pendant que les fils de cette nation ne sont pas unis. Aujourd’hui, sans occulter la réalité, les guinéens sont divisés en deux camps ; il y a ceux qui sont dans la transition avec les autorités de la transition et les autres qui se disent être à la marge de la transition, extérieur au processus de la transition.

Personne n’ignore cette réalité. Donc rédiger une constitution dans ce contexte, c’est faire porter obligatoirement à ladite constitution les stigmates de la discrimination ou de l’exclusion qui sont tous les deux des facteurs potentiels de crise. Et pourtant depuis 2006, notre pays continue d’être secoué par des crises d’une permanence et d’une gravité inquiétante.

La permanence, d’abord : les choses se passent comme si la Guinée plus que tout autre pays, était, en la matière, prédestinée.

La mesure de cette gravité est révélée par des manifestations de la crise et les effets qui en découlent. Les manifestations, quoique diverses se caractérisent par le degré de violence et la diversité des acteurs impliqués dans la crise : les faits donnent de savoir qu’exceptionnellement les crises donnent lieu à des rassemblements, à des marches voulus pacifiques, mais permanents, pour paralyser les institutions. La pratique observée, est que les crises présentent un caractère violent : les acteurs mobilisent toutes sortes de moyens.

Les effets immédiats sont connus, des dizaines de morts comptés, des dégâts matériels et les arrestations des acteurs politiques et ceux de la société civile.

Face à ces conséquences incalculables nous exhortons nos respectables conseillers du CNT de bien vouloir user de l’alinéa 5 de l’article 57 de la charte de la transition.

Pour d’abord rapprocher les deux camps, ou de réconcilier le CNRD et son gouvernement avec les acteurs politiques et certaines plates formes de la société civile en marge de la gestion de la transition. C’est bel et bien ce préalable qu’il faut régler nécessairement avant d’aller à l’élaboration d’une constitution.

Ensuite poser les bases d’une culture constitutionnelle inclusive et participative dans le processus d’élaboration et d’adoption de la future constitution.

Enfin, il faut nécessairement trouver un arbitre pour la transition guinéenne pour qu’elle démarre effectivement.

Cette tribune est une contribution à la réussite de la transition. Ce n’est pas une critique.

Personne ne souhaite que cette transition échoue, si elle échoue c’est toute la nation guinéenne qui échoue. Seulement nous souhaitons que les choses soient présentées telles quelles sont et que les autorités de la transition soient à l’écoute du peuple pour « éviter les erreurs du passé » un discours avec lequel le Colonel Mamady Doumbouya a toujours bercé les guinéens.

Fayimba MARA, doctorant à l’Université CHeickh Anta – Diop de Dakar

Juriste constitutionnaliste

Conakry, le 27 Février 2023

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