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Environnement : Quand le gouvernement cautionne la destruction de la mangrove

La capitale Conakry est une presqu’île dont les habitants bénéficiaient de la brise marine qui souffle la nuit. Ce qui rendait la vie agréable. Mais de nos jours, les Conakrykas sont confrontés à la chaleur en plein décembre, un moment de très grande fraicheur autrefois. Cette situation est due à la construction sur le long de la côte maritime de grands immeubles.

Pire, la mangrove qui absorbe en grande quantité le gaz carbonique et où se reproduisent les poissons, est en train d’être détruite. Si les citoyens sont accusés de couper les palétuviers pour en faire des bois de chauffe, ou construire des maisons, l’Etat aussi est en train de céder une grande part de la mangrove à des opérateurs économiques privés, pour, dit-on, aménager l’endroit.

C’est le cas notamment de la mangrove de Faban à Yimbaya, dans la commune de Matoto où un domaine de 442 hectares serait en passe d’être cédé à un opérateur économique. La convention a déjà été signée par plusieurs ministères dont, entre autres, le ministre du Budget, le ministre de l’Investissement et du partenariat public-privé, le ministre de l’Economie et des Finances…

Pour Idrissa Kallo, Secrétaire chargé aux relations extérieures et à l’information de la Fédération guinéenne de la pêche artisanale (FEGUIPA), c’est la pêche artisanale qui est menacée par cette destruction de la mangrove : « C’est depuis 2019 que nous avons alerté le gouvernement par rapport à cette situation. Des ministres se sont rendus sur le terrain pour faire le constat. Ils avaient promis qu’ils allaient mettre de l’ordre au niveau de Yimbaya ici qui est la plus grande étendue de mangrove qui nous reste en Guinée. Ces mangroves constituent les lieux de reproduction des poissons. Notre activité est menacée par la destruction de la mangrove. Vous avez vu comment les crabes sont piégés. Ils ne peuvent plus sortir. On est en train de tuer les petits poissons qui sont en train de naitre. Et s’il n’y a pas de poisson on ne peut pas parler de pêche qui constitue 62 mille 500 emplois directs et 200 mille emplois indirects. Tous ces emplois sont menacés aujourd’hui. 9 mille familles vivent de la pêche. S’il n’y a pas de reproduction des poissons, c’est grave.»

Dans la même logique, l’ancien député, le Dr Mamadou Alpha Baldé, membre de la commission Environnement de l’Assemblée nationale (8ème Législature), a dit qu’il est impensable de voir des gens détruire la mangrove, car c’est le lieu de reproduction des ressources halieutiques : « Connaissant l’importance de la mangrove, des gens, en 1995-1996 jusqu’en 2000, ont eu l’idée de faire la restauration de la mangrove. Maintenant, à notre temps, un autre donne l’autorisation à des sociétés de remblayer toute la zone. Donc on a perdu la mangrove à ces endroits. Or, qui connait les liens entre la mangrove et les ressources halieutiques, il ne peut pas se permettre de détruire la mangrove, parce que c’est le lieu de reproduction par excellence des poissons. »

Quant au Directeur général du Milieu marin et zones côtières, Mohamed Lamine Sidibé, il a d’abord expliqué l’importance de la mangrove pour la vie humaine : « La mangrove a des importances particulières, puisque c’est une plante qui ne pousse que le long du littoral en bordure de mer et ce n’est pas tout le littoral, mais c’est dans des zones spécifiques. Ensuite, c’est une plante qui contribue à la séquestration du carbone. Mais elle séquestre le carbone huit fois plus que les arbres ordinaires que nous avons à l’intérieur du continent. Ça veut dire que pour faire le rôle d’un seul palétuvier, il faut huit plantes de l’intérieur. »

La destruction de la mangrove n’est pas la seule menace contre la pêche artisanale. Il y a aussi les sociétés minières qui construisent des ports en eau profonde. « Au niveau des sociétés minières, notre activité de pêche artisanale est menacée par la construction de ports en eau profonde. Quand vous allez à Fatala (Boffa) il y a plus de 3 ports en eau profonde. A Kamsar (Boké), à Forécariah, c’est pareil. Cela joue négativement sur l’activité de la pêche artisanale », a regretté Idrissa Kallo, avant de demander à l’Etat de compenser la perte engendrée causée par ces constructions : « Comme les sociétés minières aussi créent de l’emploi et de la richesse pour l’Etat, l’Etat devrait penser à compenser l’impact que ces sociétés minières sont en train de causer à la pêche artisanale. »

Mohamed Lamine Sidibé confirme la menace qui pèse sur le milieu marin guinéen, mais estime qu’il faut trouver un équilibre entre les besoins de préservation des ressources naturelles et l’activité économique : « Le milieu marin guinéen est aujourd’hui particulièrement menacé, puisque nous avons sur nos zones côtières à la fois une opportunité économique, mais aussi des activités d’exploitation minière, et il y a aussi des ressources naturelles à préserver. Il faut trouver un équilibre entre ces différents éléments. C’est-à-dire, l’économie, le social et la préservation de l’environnement. »

Pour Idrissa Kallo, l’implication du président Alpha Condé est nécessaire pour résoudre le problème de la destruction de la mangrove : « Le gouvernement a failli à son rôle. Donc c’est le chef de l’Etat qui doit mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il agisse. Parce que s’il ne fait rien, ce n’est pas bon. Ce n’est pas normal qu’on tue ces poissons comme ça. C’est pourquoi nous interpellons le chef de l’Etat. »

Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana avait promis de faire détruire toutes les constructions sur la mangrove le long du littoral : « La consigne est claire. Tous ceux qui viennent construire sur la mangrove verront les constructions détruites, parce que c’est le domaine protégé, parce que c’est ça touche à notre environnement et nous avons le devoir de préserver cet environnement pour nous-mêmes et pour les générations futures. »

Le Premier ministre affirmait même qu’il y a une commission pour recenser toutes les constructions déjà faites sur la mangrove : « Il y a une commission interministérielle de recensement des constructions faites le long des côtes sur la mangrove. Les conséquences seraient que des mesures soient prises pour les évacuer. On ne peut pas permettre cela. »

Mais près d’une année après, des nouvelles constructions sont faites et on pense désormais à une délimitation de la zone marécageuse. Et l’autorisation est donnée à un opérateur économique de couper une bonne partie de la mangrove afin d’y ériger des constructions. Ce qui n’était pas du goût du Directeur général adjoint du Milieu marin, Richard Guilavogui (présentement suspendu pour faute lourde), surtout que le ministère de l’Environnement n’est pas au courant : « On entend qu’il y a un autre opérateur économique qui a 442 hectares dans ce site là alors que le ministère de l’Environnement n’est pas au courant. Il dit non, que le gouvernement a donné 442 hectares ici. J’ai dit qui représente le gouvernement en matière de l’environnement ? Mais c’est nous. Il dit qu’il a un acte qui est signé par l’Habitat qui l’autorise, le ministre des Finances qui l’autorise, le ministre du Budget qui l’autorise. Et le ministère de l’Environnement ? On ne comprend pas. »

Suite à cette sortie dans les médias, Richard Guilavogui a été suspendu par le ministre de l’Environnement pour « faute lourde ». Ce qui prouve à suffisance que le gouvernement, loin de protéger la mangrove, comme l’avait promis le Premier ministre, est en train de cautionner sa destruction. Déjà, le long du littoral, il y a des remblais qui sont faits, des hôtels et de résidences y sont construits.

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