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Elhadj A. Thiam : « la classe politique actuelle doit changer son comportement. Mais, il est important que le col. Doumbouya respecte ses promesses…»

El hadj Amadou Thiam, le ‘’vieux de la vieille’’ pour les intimes, nous plonge dans sa vie politique dans cette 2ème partie de l’interview. Il nous livre sa définition de la ‘’politique civilisée’’, ses points de vue sur la classe politique guinéenne, les différents régimes de transition en Guinée et le régime constitutionnel d’Alpha Condé. Il donne également son point de vue sur la politique en général, adresse des conseils à la ‘’junte’’ qu’il préfère appeler ‘’militants en uniforme’’, aux forces vives et au peuple de Guinée. Du haut de ses 68 ans, il détaille son état de santé, ses préoccupations actuelles, et parle de la sortie prochaine de son livre dont le début remonte aux années 1954 à Ourékaba, sous-préfecture de Mamou, lors des campagnes du PDG (Parti Démocratique de Guinée). Lisez !

Guinéenews : parlons de politique. Peut-on dire que vous avez été un politicien à l’époque du PDG ? Pouvez-vous nous raconter votre parcours politique ?

El Hadj Amadou Thiam : je n’ai jamais été un politicien. À l’époque du régime de feu Sékou Touré, toutes les réunions se tenaient à Mamou, au sein de ma famille, dans le cadre de la lutte pour l’indépendance. J’ai grandi en compagnie de ma grand-mère pendant cette période. En ce qui concerne une carrière politique, je dirais non, je n’en ai jamais eu une. J’ai toujours accompagné et soutenu mes camarades d’école dans ce qu’on appelait le CA (Conseil d’administration). J’ai envisagé de me lancer en politique en 1984, mais malheureusement, le coup d’État est survenu. Mon grand-père, El Hadj Aboubacar Doukouré, a été le premier fédéral de Mamou et il a été muté 18 fois en 25 ans de carrière administrative coloniale pour des raisons d’indiscipline ou de protestation. J’ai eu des parents qui ont occupé des postes politiques tels que ministres, ambassadeurs, gouverneurs, députés. Mais personnellement, je n’ai jamais été directement impliqué en politique.

Guinéenews : vous nous avez parlé en off de la « politique civilisée ». Pouvez-vous nous expliquer ce concept ?

El Hadj Amadou Thiam : la politique civilisée signifie que nous devons nous baser sur nos traditions, nos mœurs et éviter de rejeter notre prochain. Nous pouvons avoir des opinions divergentes, mais nous devons tous œuvrer pour le même objectif : le bien commun et le bien-être de tous. Si quelqu’un abandonne ses valeurs culturelles et veut imposer ce qui se fait ailleurs, cela peut entraîner le désordre. Par exemple, si nous prenons l’exemple de l’Angleterre, un pays démocratique, et que nous essayons d’instaurer la royauté en Guinée, ce serait utopique. Parce que depuis 1958, les postes sont électifs. Nous devons adapter nos coutumes et traditions à la modernité, créer une structure politique viable et accessible à tous, c’est ce que j’appelle la politique civilisée. Il est regrettable de voir des acteurs politiques, que je qualifierais de « Griots politiques », à l’origine de nombreuses complications. Par exemple, le premier fédéral de Conakry 1 n’était pas originaire de la région, mais cela serait difficile à imaginer de nos jours. Nous devons changer notre approche, car la violence est omniprésente et cela n’est pas civilisé.

Guinéenews : vous avez vécu sous trois régimes de transition après 1984 et un régime constitutionnel sous Alpha Condé. Pouvez-vous nous donner votre analyse de ces différents régimes ?

El Hadj Amadou Thiam : chaque période de transition a eu ses propres défis. La transition la plus violente a été celle de 1984, caractérisée par une privatisation sauvage et violente de l’économie. La privatisation est une bonne chose, mais elle doit être réalisée de manière réfléchie. Prenez l’exemple de la Chine qui a connu une transition économique sans violence excessive. La transition de 2009 à 2010 a été marquée par une répression sanglante, où des citoyens non armés ont été tués pour avoir exprimé leurs opinions. C’est d’autant plus choquant que cela s’est produit le 28 septembre, date symbolique de l’indépendance de la Guinée. En ce qui concerne le régime constitutionnel d’Alpha Condé, j’avais de l’espoir au départ, mais j’ai été déçu par la violence qui a éclaté et par l’impunité face aux détournements de fonds. Il est important que le colonel Mamadi Doumbouya actuellement au pouvoir, en tant qu’officier supérieur de l’armée, respecte ses promesses en organisant des élections et en remettant le pouvoir aux élus du peuple. La violence ne doit pas être utilisée pour régler nos différends. Nous devons respecter la vie humaine, les lois et rechercher la paix.

Guinéenews : quel est votre point de vue sur la classe politique guinéenne ?

El Hadj Amadou Thiam : la classe politique guinéenne doit changer son comportement. Beaucoup d’entre eux manquent de courtoisie et sont arbitraires. Seuls les hommes justes et honnêtes sont bénis par Dieu. Nous devons comprendre que nos actions ont des conséquences, et la violence ne mènera nulle part. Nous devons arrêter de résoudre nos différends par la force, car une fois que la destruction est là, la reconstruction est difficile. Il est temps de changer notre langage et d’opter pour la paix.

Guinéenews : en ces moments de troubles et de malentendus dans le pays, quels conseils avez-vous pour la junte militaire, les forces vives et le peuple guinéen ?

El Hadj Amadou Thiam : je préfère ne pas utiliser le terme « junte ». Car, il peut être perçu négativement. Pour les militaires actuellement au pouvoir ou « militants en uniforme » qui ont pris les armes pour renverser le président élu, je les encourage à dialoguer sincèrement avec le peuple, qui les a soutenus. Ils ne doivent pas se retrancher et isoler le peuple. Le dialogue est essentiel. Je donne le même conseil aux forces vives et au peuple de Guinée. Si nous n’engageons pas le dialogue, qui d’autre le fera à notre place ? La violence ne résoudra rien. Nous devons nous inspirer de nos prédécesseurs, tels que Sékou Touré, Barry Diawadou, Barry Ibrahima, Karim Fofana, qui ont dialogué pour parvenir au « NON » lors du référendum du 28 septembre, même s’ils étaient issus de différents courants politiques. Le dialogue est la clé pour avancer.

Guinéenews : pour conclure, pouvez-vous nous donner un aperçu de votre état de santé actuel ?

El Hadj Amadou Thiam : à part mes problèmes de santé habituels, je fais face aux défis liés au vieillissement. Je suis drépanocytaire de naissance et j’ai subi une opération au fémur gauche avec un implant. Je suis asthmatique, hypertendu et j’ai des problèmes cardiaques. Cependant, je suis reconnaissant d’avoir ma famille près de moi. J’ai eu la chance de vivre avec ma mère jusqu’à l’âge de 68 ans. La retraite est une bénédiction, car beaucoup de mes amis d’école et de l’université ne sont plus en vie. Quiconque dépasse l’âge de 63 ans a une chance précieuse. Je suis principalement engagé dans la religion et les activités sociales, qui sont d’excellents antidotes au stress. Mes préoccupations quotidiennes sont donc axées sur ces aspects.

Guinéenews : à l’aurée de vos 70 ans, pouvez-vous nous dire quelles sont vos activités quotidiennes actuelles ?

El Hadj Amadou Thiam : je passe beaucoup de temps à lire et à réciter le Coran. Je suis également impliqué dans des activités sociales qui me permettent de rencontrer ma famille élargie, mes petits-enfants et de participer à des événements joyeux. Ces moments sont très apaisants. Mes préoccupations principales sont la religion et les activités sociales.

Guinéenews : avez-vous des informations à partager avec nos lecteurs avant de conclure ?

El Hadj Amadou Thiam : j’écris actuellement un livre que je suis en train de corriger pour éviter les erreurs. Le livre commence en 1954, lorsque j’étais très jeune, à Ourékaba, une sous-préfecture de Mamou, pendant les campagnes du PDG (Parti Démocratique de Guinée). Je vais chercher un éditeur pour le publier. Je préfère décider du titre du livre en collaboration avec l’éditeur. Je suis impatient de partager cette histoire avec le public.

Merci pour cette entrevue, et un grand merci à Guinéenews.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.

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