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Éducation : malgré les interdictions, le trafic et la vente illicite des manuels scolaires sont toujours florissants sur les marchés

Malgré les menaces du gouvernement, malgré les décisions et la mise en garde répétée du ministre Guillaume Hawing, les manuels scolaires sont vendus à vil prix sur les marchés de Conakry, pendant que les écoliers sont assis dans les salles de classes sans aucun document sous la main. Et ce commerce illicite se fait, au vu et au su de tout le monde.Ainsi, plus de ‪286.000‬ livres de Lecture, de Mathématique, de Cahiers d’Ecriture, de Sciences d’Observation, d’Histoire-Géographie…. ‪857.000‬ instruments de géométrie, ‪343.000‬ autres documents destinés à la distribution gratuite aux élèves aussi de Conakry que de l’intérieur du pays, sont exposés le long des rues, sur les tables des bouquinistes au marché  de Madina et dans la rue. Ces manuels scolaires offerts par les partenaires au développement ont dévié le chemin des classes pour se retrouver dans les plateaux des vendeuses et dans les brouettes des vendeurs ambulants. Un commerce « juteux » qui fait les affaires des cadres du ministère de l’Education nationale. Conséquence : les écoliers guinéens sont assis dans les salles de classes sans aucun livre ni un crayon sous la main.

Cent, deux cent, cinq cent mille francs guinéens. Voilà les sommes que déboursent les parents d’élèves chaque rentrée scolaire pour faire le plein des sacs de leurs enfants. Du moins pour des familles qui ont des moyens. Les autres enfants se rendent  en classe les sacs vides. Et pourtant, le gouvernement appuyé par les partenaires au développement a tout mis en œuvre pour épargner aux parents d’élèves des charges à chaque rentrée scolaire. Cette politique d’éducation gratuite et obligatoire pour tous les enfants guinéens, prônée par le Colonel Mamadi Doumbouya et son gouvernement, est contrariée sur le terrain par des cadres et autres responsables du ministère de l’Education aidés de leurs complices bouquinistes. Comment se fait-il que ces manuels scolaires destinés aux établissements scolaires se retrouvent  dans les « librairies-par-terre » et dans les mains des vendeurs ambulants ? Par rapport à notre enquête des années antérieures, rien n’a changé. La situation persiste toujours.

Et comme nous l’avions signalé en son temps, quand vous vous rendez sur les marchés de Conakry, vous êtes surpris. C’est le cas d’un parent d’élèves rencontré à ENIPRA, au marché de Madina entrain de discuter avec une femme qui vendait des manuels scolaires sur la tête. Ce père de famille qui a, à sa charge une dizaine d’écoliers, et qui voulait ce jour-là se procurer quelques livres pour compléter les fournitures de ses enfants, constate sur la couverture de certains livres, le cachet marquant la note : « Doninterdit de vente et de location ». Ne comprenant pas la situation, il s’en prend à la pauvre vendeuse sur le trottoir. Cette scène publique attire notre attention. Et comme nous étions au marché de Madina (ENIPRA), temple des « librairies-par-terre » nous avons essayé de voir clair. Interrogés, tous les libraires nient ne pas connaitre la provenance des manuels scolaires  en leur possession pensant que nous voulons les dénoncer. Sur notre insistance, ils se sont mis à table pour nous apprendre qu’ils sont ravitaillés chaque début d’année scolaire. Par qui ? Des « grossistes » dont ils refusent de nous donner les identités.

« Nous ne faisons pas de commandes. On nous sert et nous payons cash. Les gens nous convoient des cartons que nous recevons ici et nous versons l’argent sur place. Les cahiers que vous voyez-là viennent du Sénégal et de la Sierra-Leone. On a des fournisseurs dans ces deux pays qui nous ravitaillent chaque année. Certains livres proviennent de la Côte d’Ivoire et du Sénégal qui sensiblement ont le même programme que la Guinée », nous apprend Alseny Diaby, un vieux bouquiniste à ENIPRA (Madina) avec précision sur la provenance des certains livres, quand son voisin, Abdul-Salam D, s’est enflammé en nous renvoyant au ministère de l’Education Nationale ou au siège des institutions donatrices.  Et leur demander à qui ils ont remis les cartons de manuels scolaires pour distribution gratuite. «Mais allez-y vous renseignez au ministère de l’Education Nationale ! Allez voir au siège des institutions, ils vous diront à qui ils ont remis les fournitures scolaires pour distribuer. Vous nous interrogez si comme nous sommes des voleurs des manuels scolaires…Nous ne sommes pas des receleurs, s’il vous plaît ! Allez-y ! Nous ne voulons pas de problèmes ».

Quant à Mamadouba Conté, un autre vendeur de manuels scolaires interrogés, il avoue avoir reçu des cartons de livres tous portant la marque : « Interdit de vendre et de louer ». Pour lui, la vente des manuels scolaires offerts gratuitement à l’Etat guinéen est un commerce vieux de plusieurs décennies. « Ce n’est pas aujourd’hui que nous avons commencé à vendre les livres. Rappelez-vous ! L’avènement CMRN en 1984. Les gens ont pillé les librairies et autres maisons d’archives. Tous les documents étaient jetés dans la rue y compris les manuels scolaires. L’Imprimerie Lumbumba a été mise à sac et les livres destinés aux écoliers, les instruments de géométrie, les cahiers s’étaient retrouvés dans la rue…  Tout est parti de là. Depuis lors, tout ce qui est remis à l’Etat sous forme de dons se transforment en marchandises et deviennent le fond de commerce de certains cadres véreux. Et je vous apprends que ce ne sont pas les commerçants qui se déplacent pour la commande. Les cartons, on ne sait d’où ils proviennent, nous trouvent ici. On paie au cash…Ce sont des affaires. Que vous voulez ? Nous ne cherchons pas à savoir si c’est pour distribuer gratuitement aux élèves dans les écoles. On prend et on vend. C’est tout. »

Après le marché de Madina et les environs de la mairie de Dixinn, aux alentours du Stade 28 septembre, nous sommes rendus au ministère de l’Education Nationale.

Là encore curieusement les réponses demeurent les mêmes. Les responsables de ce département persistent pour nous apprendre qu’une fois les manuels scolaires arrivent à leur niveau, ils procèdent immédiatement à la distribution. Au niveau des Directions Communales et Régionales, c’est le même son de cloche. Comme quoi, les manuels reçus sont dispatchés dans les écoles pour atterrir dans les sacs des écoliers bénéficiaires.  Ici, on se dit surpris d’apprendre que les mêmes documents se vendent dans la rue.

A l’Institut National de Recherche Académique et Pédagogique, on nous apprend que le rôle de cet institut consiste à concevoir les documents pédagogiques et non à la distribution des manuels scolaires.

L’on s’interroge. Quels sont ceux qui ravitaillent les commerçants ? Par quels moyens procèdent-ils ? Que fait le ministère pour freiner ce commerce illicite qui prive les élèves guinéens des manuels scolaires ?

PAR CELESTIN LOUIS
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