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Dossier : la problématique du don de sang dans les hôpitaux guinéens

En Guinée, les populations attendent généralement d’être dans le besoin avant de comprendre l’importance du don de sang. Près de 120 000 poches de sang sont prélevées en moyenne chaque année. Une quantité insuffisante, car selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, le besoin réel est d’environ 300 000 poches par an. Un déficit qui cause d’énormes pertes en vie humaine. Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus dans quelques hôpitaux de la place à la rencontre des spécialistes de la santé et des malades qui font face au quotidien à la pénurie de sang. Car, malheureusement les croyances, le manque d’informations et les préjugés font que les donneurs se font rares. Alors, comment les hôpitaux et le Centre National de Transfusion Sanguine gèrent-ils cette pénurie de sang ? Comment arrivent-ils à inciter la population à faire don de sang ? Tout le monde peut-il être donneur ? Comment lutte-t-on contre le trafic ? Le sang transfusé aux malades est-il sûr et en sécurité ?

Donner son sang, c’est sauver une vie. Selon l’OMS, la Guinée prélève plus de 100 mille poches de sang par an. 70% de ces poches de sang sont réservées aux urgences en cas de grande hémorragie lors de l’accouchement et aux malades  atteints de paludisme ou d’anémie sévère ou des accidentés.

Cela fait plusieurs jours que dame M’Mawa B. est victime d’hémorragie digestive depuis Boffa. Transférée au CHU de Donka, il est donc urgent pour elle de recevoir une transfusion sanguine. Sans cela, impossible pour les médecins de procéder aux examens afin d’identifier ce dont elle souffre et pouvoir la soigner. « Elle se sent très faible. C’est une personne qui d’ordinaire fait des travaux qui demandent de la force. C’est samedi surpassé qu’on a constaté que ça n’allait pas. On était à l’hôpital de Boffa et on nous a dit de venir ici. Là-bas ça n’a pas marché, voilà pourquoi on nous a demandé de venir ici au CHU pour approfondir les examens », nous raconte Boubacar C, l’oncle de la malade, qui a tenu à l’accompagner jusqu’à Conakry. .

Selon l’aide soignante trouvée au chevet de la patiente, il faut forcément une transfusion sanguine. « C’est une malade qui nous est arrivée de l’intérieur du pays pour l’exploration hémorragique digestive, c’est-à-dire un saignement qui provient du tube digestif. La patiente faisait des selles noires très fétides, noires comme du goudron. Elle a eu des vomissements sanguins. On va la transfuser, lui faire une réanimation  transfusionnelle. Après, on lui fera un examen et voir l’origine du saignement. Pour faire l’examen, il faut que le patient participe. Mais celle-là, avec un taux d’hémoglobine de 3 gr qu’elle a actuellement, est trop peu. Elle ne pourra pas faire assez d’effort. Il faut le remonter et ensuite faire l’examen. Le sang est important. Il faut à la malade cinq poches de sang et plus. Il faut tout de même vous dire qu’actuellement  il y a une pénurie de sang ici à Donka », lâche l’infirmière.

Aux urgences, un autre cas urgent d’anémie. M D. enseignant au Lycée Fodé Fissa de Kindia, est au chevet de son épouse qui vient d’accoucher. « Nous sommes arrivés ici hier dans l’après-midi. On a fait l’échographie. Elle faisait une anémie sévère qui nous a amené à faire plusieurs analyses dans les cliniques. Ça allait et puis à un moment donné, il y a eu la rechute. Elle se plaint de douleurs. On est retourné à la clinique où on était et on nous a donné un bulletin pour des examens approfondis », nous dit l’enseignant. L’épouse de MD a donné naissance à un prématuré de 7 mois par césarienne, suite à une anémie sévère. Transférée d’urgence à Conakry, les médecins soupçonnent une embolie pulmonaire. « On a constaté une embolie pulmonaire chez elle. Il peut avoir plusieurs pathologies. C’est une patiente qui vient d’accoucher. Après l’accouchement, il peut y avoir des modifications. Le sang peut ne pas bien circuler. Les vaisseaux peuvent être bouchés. On fait donc l’examen pour confirmer l’embolie pulmonaire. Elle avait déjà reçu une poche de sang, mais cela ne suffit pas. Elle n’a même pas 5g de sang. Il va falloir une deuxième poche », soutient l’aide-infirmière.

Se procurer d’une poche de sang, un parcours de combattant

La transfusion sanguine, c’est le fait de donner son sang à quelqu’un qui en a besoin. La personne qui reçoit s’appelle receveur, la personne qui donne s’appelle donneur.. Il existe différents produits sanguins : le concentré de globules rouges, le plasma congelé frais et le concentré plaquettaire issu de donneur de sang. L’accès aux produits sanguins se fait uniquement sur prescription du médecin traitant. C’est avec ce document et en présence du garçon de salle. Pour se procurer une poche de sang, il faut débourser une somme de 250.000 francs guinéens. Et même avec ça, il faut mettre la main sur un donneur. Jusqu’ici les différents gouvernements n’arrivent pas à mettre de l’ordre dans ce secteur vital de nos hôpitaux. Aucune décision prise sérieusement pour lutter contre le trafic et la surenchère devenue la bête noire des parents et leurs malades. Nous retrouvons MD qui  va pouvoir se procurer une poche de sang pour son épouse qui attend. « Nous sommes là depuis le matin. Nous avons pu trouver un donneur de sang. Mais jusqu’ici rien. On attend toujours qu’on nous délivre »

…les donneurs se font rares

Dr A.B gère le stock des produits sanguins au Centre National de Transfusion sanguine. Pour s’approvisionner, il dépend du CNTS. « On a reçu un enfant qui vient d’arriver dans un cas d’hémorragie, on a besoin en urgence de sang, le plasma frais congelé et le concentré sanguin. J’ai appelé le CNTS pour voir la disponibilité et aller chercher. La pédiatrie et la gynécologie sont deux services plus grands demandeurs de sang. La pédiatrie reçoit au moins 1/4 et la gynécologie 1/3 de poches de sang. Les deux associées prennent 60% des demandes. Toutes les complications sont liées à la grossesse et à la pédiatrie. Nous faisons notre possible pour satisfaire ces demandes. Seulement il faut retenir que les donneurs se font rares. Les gens ne s’approchent plus du Centre à cause des préjugés qui existaient déjà et des épidémies ces derniers temps», regrette le médecin..

Selon un responsable du Centre Nationale de Transfusion Sanguine, faute  de donneurs, il manquerait 90 mille poches de sang par an en Guinée. Le CHU de Donka a besoin en moyenne 30 à 40 poches de sang par jour. Face à cette forte demande, le stock doit être constamment alimenté. « Dans les temps, les volontaires se bousculaient, nous avons des donneurs. Mais à part quelques ONG humanitaires qui, de temps en temps de leur campagne nous assistent, les donneurs se font rares. C’est une triste réalité. Nous sommes confrontés à cette pénurie de sang régulièrement. C’est à ce niveau que vous les hommes de médias devriez nous appuyer pour sensibiliser la population. Nous appelons tous les volontaires à venir au centre pour faire le don de sang. Donner son sang, c’est sauver des vies humaines », tel est l’appel lancé par ce responsable du CNTS.

…le Centre National de Transfusion Sanguine reçoit des centaines de demandes par jour

Au Centre National de Transfusion Sanguine, plusieurs ambulances se relaient dans l’urgence pour le transport du sang. C’est dans ce Centre que les hôpitaux publics et privés de Conakry s’approvisionnent en produits sanguins. Pour les transporter, il faut impérativement dans les glacières. Le CNTS reçoit en moyenne des centaines de poches de sang par jour. Chaque structure fait sa commande du jour qu’on remet au médecin qui vérifie la disponibilité des poches de sang dans la chambre froide. Par mesure d’hygiène, nous ne sommes pas autorisés à entrer dans la chambre dont la température est comprise entre -6 et -2 degré. C’est également dans cet établissement que les donneurs sont prélevés.

…mais qui est habilité à donner son sang ?

En Guinée, le don de sang est volontaire et bénévole. Pour pouvoir être donneur, il faut respecter certains critères comme avoir un âge compris entre 18 et 60 ans, avoir un poids minimum de 50 kg, être en parfaite santé au moment du don et ne pas avoir eu le comportement sexuel à risque au cours des douze derniers mois.

« C’est la première fois que je donne mon sang. Je vois qu’il y a beaucoup de personnes qui souffrent dans les hôpitaux par manque et le prix de la poche de sang. Je donne mon sang pour sauver des vies…Je ne sais pas comment ça va se passer, mais j’ai la foi que tout va bien se passer », dit Souleymane Cissé, un donneur rencontré au CNTS.

Avant de pouvoir donner son sang, Souleymane, 25 ans, va devoir passer des examens. Prise de constance, contrôle du poids et de la taille, vérification du taux d’hémoglobine. Rien n’est laissé au hasard.  « Nous faisons la consultation médicale pour savoir en profondeur ce que le donneur a à nous apporter comme information le concernant, avant le don de sang. S’il s’avère qu’il y a une zone d’ombre qui peut entacher le don, on va essayer de relever ça ensemble. S’il faut, stopper le processus. Donner des conseils et si possible le suivre.», nous explique Khadiatou, l’infirmière en charge des prélèvements de sang avant de continuer. « Une fois prélevé, le sang va être analysé afin de vérifier que le donneur n’a aucune maladie transmissible. Khadiatou est infirmière dans ce centre depuis quelque temps. C’est facile pour moi de trouver la veine. C’est une habitude. La quantité qu’on prélève est de 450 ml. Pour recueillir  les 450ml, il ne faut pas que cela dépasse 10 minutes. Passé ce temps, le sang risque d’être inutilisable car les caillots de sang pourraient se former ».

Le sang prélevé chez les donneurs est recueilli dans deux récipients : les tubes et les poches. Les tubes sont transmis au laboratoire pour y subir une batterie de tests. Sur la syphilis et bien sûr pour la détermination du groupe sanguin. Quant aux poches de sang, elles sont transférées au service production, c’est-à-dire au service responsable de la préparation de différents groupes sanguins.

C’est une véritable course contre la montre. La durée de vie du liquide est limitée à 42 jours à compter du prélèvement. Une dizaine de spécialistes travaillent au quotidien dans le laboratoire. Ils n’ont pas le droit à l’erreur, bien qu’ils soient sous pression. Ils travaillent pour les urgences. Et quand on sait que dans les salles d’attente des urgences médicales des hôpitaux les parents des malades et les professionnels de la santé s’impatientent.

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