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Dossier – Guinée : Augmentation du prix de carburant – Les dessous d’une décision « controversée », mais…

Comme on le sait, le gouvernement sur instruction du chef de l’Etat, Alpha Condé a augmenté le prix du carburant de 8000 à 10 000 GNF, soit une augmentation de 25% sans concertation préalable avec les syndicats et le patronat . Celle-ci a provoqué l’indignation des populations et l’inter centrale syndicale, qui était jusque-là décriée veut renaître de ses cendres au travers une série de grèves déclenchée mercredi 4 juillet.

En effet, depuis 2016, le gouvernement guinéen tentait l’augmentation du prix de carburant à la pompe. Il s’agit d’une mesure exigée par le fonds monétaire international (FMI), car les partenaires techniques et financiers de la Guinée ne peuvent comprendre que l’Etat, au regard de ses maigres ressources, puisse continuer à subventionner les hydrocarbures en Guinée. En filigrane, selon un document officiel consulté par Guinéenews©, d’octobre 2017 à juin 2018, la subvention du gouvernement au prix du carburant à la pompe était de sept cent soixante quatre milliards et six cent soixante dix millions de francs guinéens (764.670.000.000 GNF). Rien qu’en juin 2018 et toujours selon ce document, pour chaque litre de carburant vendu à la pompe, la subvention de l’Etat était de 1940 GNF pour l’essence, 2040 GNF pour le gazole et 2011 pour le pétrole lampant. Ce qui représente une pression énorme sur le budget national, dénoncée par les partenaires techniques et financiers pour un pays qui veut bâtir une économie productive et prospère pour ses populations. Ce qui est curieux le prix de ces trois produits est uniformisé en Guinée.

Selon une source officielle, c’est une exigence imposée par les bailleurs pour pouvoir bénéficier de la facilité élargie de crédit (FEC), déjà accordée à la Guinée.

« L’Etat subventionnait le prix du carburant pour éviter les troubles sociaux dans le pays »

À en croire un haut cadre de l’Etat, le gouvernement, dans le but d’éviter les troubles sociaux dans le pays, continuait de subventionner le prix des hydrocarbures  à la pompe au lieu de retirer progressivement la subvention de l’Etat avec le temps. C’est normal que les prix des produits pétroliers fluctuent en fonction de ceux du baril sur les marchés internationaux ce qui s’accompagne, très souvent par des variations périodiques qui profitent aux spéculateurs par moment ! Mais, la particularité de la Guinée, c’est que compte tenu du salaire moribond du fonctionnaire guinéen (SMIG-salaire minimum en Guinée = 440.000 GNF, environ 50$), le syndicat, le patronat et le gouvernement ont signé un accord pour le maintenir à 8000 GNF le litre à la pompe jusqu’en décembre 2016. Selon le contenu de cet accord, il est écrit que si le prix du baril est en dessous de 57$, les trois parties devraient se retrouver dans les 90 jours pour fixer un nouveau prix. Ce qui n’a pas été fait ; d’où l’amertume des syndicalistes. Cependant, l’accord ne prévoit rien au cas où les prix arrivaient à monter au dessus de 57 $ le baril.  Un autre flou qui entoure ledit accord.

Le gouvernent Youla mis à l’index 

Selon nos informations, il semblerait que le gouvernement sortant, compte tenu de l’imminence de l’annonce du nouveau prix de carburant, était censé informer les syndicats et le patronat d’une rencontre pour se mettre d’accord en vue de fixer le nouveau prix, conformément à l’esprit de l’accord. Mais, le gouvernement Youla aurait assuré avoir envoyé les courriers depuis avril 2018, ce qui après vérification n’est pas le cas . « L’administration étant une continuité, le nouveau gouvernement aurait dû s’assurer non seulement de l’envoie des courriers aux autres acteurs impliqués 90 jours avant, se concerter, avant de fixer le nouveau prix. Ce qu’il n’a pas fait. Mais il est de bonne foi et est en train de trouver les voies et moyens pour clairement définir sa position. Il vous souviendra qu’avant l’annonce de cette augmentation, plusieurs rencontres entre les parties avaient été avortées pour des raisons de calendrier. La première fut annulée parce que simplement les syndicalistes étaient Genève pour la conférence annuelle du bureau international de travail (BIT). Le deuxième report, c’est que, quand ils sont rentrés de la Suisse, le premier ministre était au forum de Bruxelles et le dernier fut le jour du passage de Kassory devant les députés pour présenter sa politique d’orientation générale. Une dernière rencontre était prévue mercredi 4 juillet pour éviter des troubles dans le pays qui a besoin de paix en ce moment, mais les syndicalistes ont brillé par leur absence. Ce qui est sûr, le gouvernement ne reculera pas », estime un ministre de la République qui n’a pas voulu être cité.

Quand des lesdears syndicats décriés tentent de se refaire peau neuve 

Les ténors de l’inter centrale syndicale en l’occurrence Louis M’Bemba Soumah, secrétaire général de l’USTG (union syndicale des travailleurs de Guinée) et Amadou Diallo, secrétaire général de la confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), ont tous été ministres de la République. Tous devraient être à la retraite mais, ils se sont accrochés pour sauvegarder leurs intérêts qui ont toujours été alimentés et sauvegardés par le pouvoir central mais surtout vivant des subventions du BIT. Ce sont généraux sans troupe, disent les observateurs. « Les deux ont été ministres et n’ont rien fait de concret allant dans le sens de la défense des intérêts des travailleurs. Le premier, on l’a vu à l’œuvre encore lorsqu’il a tenté de neutraliser ou saboter les récents mouvements de grève du SLECG (syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée). Ceux-ci agissent-ils réellement pour les travailleurs de Guinée ? Non, dirais-je. Nous n’approuvons pas l’augmentation du prix de carburant à la pompe mais nous désapprouvons aussi toute manœuvre sociale dans le but de déstabiliser le pays », a déclaré un membre du mouvement syndical de Guinée qui semble très remonté contre les deux sus-cités.

Par contre, un autre fonctionnaire de l’administration publique trouve que les deux Louis M’Bemba Soumah et Amadou Diallo, quoique décriés, défendent une cause noble, car une telle augmentation, aura une grande incidence sur le maigre salaire des travailleurs qui ne suffit pas pour faire nourrir leur famille.

Une preuve que ces syndicalistes ne sont plus crédibles, persiste-t-on, la fédération des assureurs et banques de Guinée (Fesabag) vient de se désolidariser de la grève lancée par l’inter centrale ce mercredi. C’est ce qu’indique une communication de son secrétaire général Abdoulaye Sow faite   à Guinéenews©. La FESABAG était jusque-là affiliée à l’USTG et songe à créer une nouvelle centrale syndicale.

Mesure courageuse, ministres peu convainquants

Devant la presse mardi 3 juillet, les ministres des hydrocarbures, Diakaria Koulibaly, du commerce Boubacar Barry, du budget Ismaël Dioubaté et de l’enseignement technique Lansana Konama ont tenté de convaincre sur le bien fondé de l’augmentation du prix de carburant. Mais leur réthorique a été jugée peu convaincante par les observateurs.

Si l’augmentation du prix des hydrocarbures est autant décriée sur la forme, il faut aussi reconnaître que l’Etat ne peut en aucun continuer à subventionner éternellement alors qu’il peut  orienter ces subventions vers les secteurs sociaux, sanitaires, transports publics, etc., ou investir dans des projets porteurs au bénéfice des populations.

Le groupe de ministres faisant le back-office devrait être renforcé par des experts capables de convaincre.

Quelles solutions ? Les experts proposent 

Pour s’en sortir, les analystes et observateurs de la scène polico-économique s’accordent à dire que le gouvernement n’a pas d’autres choix que de réduire son train de vie. En réduisant par exemples le budget de fonctionnement des ministères, le budget de la présidence (qui a augmenté de 21 milliards en 2018. Pourquoi ? ), les réductions des dépenses de souveraineté des présidents des institutions républicaines, de la Primature, de la présidence, la réduction des dépenses de forces de sécurité, surtout l’armée guinéenne, la suspension de certaines primes obscures, l’Etat aurait forcément une marge de manœuvre pour juguler la crise. 

« L’État peut orienter la subvention des hydrocarbures dans les secteurs sociaux ou dans les projets rentables. Le désengagement de l’État pour la subvention des hydrocarbures doit être motivée par une réorientation de la subvention vers des secteurs plus porteurs ou à défaut répondre aux besoins sociaux.  Aux Etats Unis, l’État subventionne l’argriculture pour contrer la concurrence internationale en protégeant les producteurs locaux.  En clair, il faut un schéma intelligent de mise en place des stabilisateurs automatiques pour éviter le déséquilibre économique. Admettons que l’État ne veut plus subventionner ou supporter une partie des prix à la pompe. Il doit donc être capable de proposer un schéma compensatoire. Par exemple offrir aux populations des transports en commun à des prix raisonnables ou bien investir massivement dans l’agriculture puisque c’est un secteur qui peut mieux redistribuer les richesses nationales ou faire des gestes dans l’éducation nationale en admettant que les parents sont déchargés des fournitures scolaires ou des frais de santé, etc. Le problème, si les subventions sont arrêtées, il faudrait orienter les fonds vers des projets rentables. Sinon, ce serait une autre perte sèche et l’économie finirait par s’évaporer dans la nature », a déclaré Bangoura Lansana Christ Waddle, un économiste de haut niveau.

« Condition ou pas du FMI, il est certain qu’un pays aussi pauvre que la Guinée ne peut maintenir un niveau de dépenses publiques (pour l’essentiel fléché sur du fonctionnement et de la masse salariale ou des dépenses d’investissement toujours surdimensionnées par rapport aux réalités du marché). L’austérité était donc inévitable. Le problème en Guinée est que les mesures d’austérité depuis 2016 ne s’emploient qu’à une augmentation des taxes directes (TVA, douanes…) laissant libre cours aux dépenses de l’Etat.  En 2018 par exemple, la loi de finance initiale prévoit une augmentation des dépenses publiques de 4000 milliards, passant de 16.000 à 20.000 milliards, soit 20% d’augmentation. Au détail, après le volet financement extérieur qui représente 58% (souvent pour venir engraisser ceux qui sont en charge en l’exécution des marchés publics), la masse salariale (12%) et les dépenses de fonctionnement (14%) sont les postes budgétaires qui croissent de manière très marquée. La loi baisse également l’impôt sur les sociétés de 5%. Paradoxalement et injustement, cette même loi prévoit une augmentation de la RTS (retenue sur salaire), qui est le principal impôt salarial de 5% et toucherait désormais les salaires de 3 milliards (cette mesure a été « bloquée » par le président de la République après « concertation » avec les syndicats en début d’année mais elle a été officiellement légiférée) », a pour sa part affirmé Diao Baldé, un jeune économiste guinéen vivant en France.

« Sur le cas précis du carburant, nous pouvons ouvrir la discussion sur le bien-fondé des prix administrés. C’est la meilleure occasion », a-t-il conclu.

D’une source officielle, le premier ministre Kassory Fofana s’appreterait à annoncer des mesures d’austérité relatives à la réduction du train de vie de l’Etat.
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