Lors d’une conférence de presse animée ce mercredi 6 juin à Conakry, le collectif des victimes des massacres du 28 septembre 2009 s’est demandé pourquoi le capitaine Moussa Dadis Camara et le général Sékouba Konaté ne sont pas entendus par les juges.
«Pourquoi on empêche le capitaine Dadis Camara de venir en Guinée? Pourquoi on l’empêche alors qu’il l’a dit lui-même, qu’il est à la disposition de la justice de son pays», s’est interrogé Me Bachir Barry, membre du collectif, avant d’affirmer que le « refus » d’auditionner l’ancien chef de la junte est motivé par la peur qu’auraient certains s’il parle : «Avant qu’on ait une réponse à cette question, nous pensons que c’est parce qu’on a peur que Dadis vienne dire ici des choses qu’on ne veut pas entendre.»
Pour lui, il n’y aura jamais de justice équitable dans cette affaire sans l’audition de Dadis Camara: «Nous devons nous battre pour que Dadis vienne, parce qu’il est l’un des principaux pour ne pas dire le principal mis en cause dans cette affaire. Comment peut-on faire un procès équitable sans le principal mis en cause ? Est-ce que ça un sens ? C’est qu’il y a des gens qui ont quelque chose à cacher et il faut que le peuple sache qu’est-ce que les gens ne veulent pas entendre. »
Le Général Sékouba Konaté était le ministre de la Défense nationale quand il y a eu le massacres au stade du 28 septembre 2009. Ce qui fait de lui aussi un élément clé dans l’affaire, affirme Me Bachir qui déclare: « On a envoyé deux commissions rogatoires pour entendre Konaté. Elles ont toutes les deux été bloquées. Jusqu’aujourd’hui, ces commissions rogatoires n’ont pas été exécutées. Au moment des faits, le n°2 effectif de notre pays, c’était le Général Konaté, parce que Dadis ne faisait rien sans consulter Konaté. »
Le 28 septembre, le Général Konaté était absent de Conakry. Mais selon l’ancien ministre de la Justice, cette absence n’était qu’un alibi : «Dadis et Konaté sont rentrés de Labé le 27 septembre (Veille du massacre au stade, ndlr). Et le même jour, Konaté a dit qu’il faut qu’il aille en Forêt. Il n’y a pas ce que Dadis n’a pas fait pour qu’il reste, il n’a va pas voulu. Il est parti. Et le lendemain, il y a eu les événements au stade. Moi, personne ne peut m’empêcher de dire qu’il voulait se fabriquer un alibi, dire qu’il n’était pas là [au moment des faits]. C’est pour ça qu’on voulait qu’il soit entendu, parce que la gendarmerie, gravement mise en cause dans cette affaire, relève de l’armée. Et Konaté était ministre de la Défense. Donc il y a des choses qu’il sait. »
Me Bachir Barry rappelle qu’il y a eu deux commissions rogatoires pour entendre Sékouba Konaté. Mais cette audition n’a pas pu se faire. Là aussi, selon Me Bachir, le prétexte évoqué n’est pas fondé: «Si vous savez le prétexte qui a été donné par certains juges, je m’excuse, l’instruction est terminée, il n’y a plus de secret… ils n’ont pas pu accomplir certains actes. Vous savez quelle est la raison écrite ? Qu’on ne connait pas l’identité des parents de Konaté. Mais ils n’avaient qu’à me consulter, j’aurais pu donner le nom du père de Konaté. Tout le monde connait le nom de sa mère à Boulbinet. En réalité on ne voulait pas entendre Konaté, parce qu’il a lui aussi des choses à dire. »
Il conclut en disant qu’il n’y aura de vérité dans cette affaire que quand Dadis Camara et Sékouba Konaté sont entendus : « Je m’excuse d’avoir insisté sur ces deux choses, mais à mon humble avis, ces deux personnages sont des personnages centraux dans cette affaire. Nous aurons difficilement toute la vérité sans la présence de ces deux personnes. Ça va être très difficile. »