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Dossier-Campagnes et violences en Guinée : causes, manifestations et préventions

L’entre-deux tours des présidentielles de 2010 a connu des troubles ayant entrainé plusieurs morts et d’importants dégâts matériels. Le pays a frôlé le pire En 2015. Plusieurs villes de l’intérieur du pays ont enregistré, à l’époque, des violences entre les militants des partis politiques en lice. En Guinée tout comme ailleurs sur le continent, le processus de choix, de manière démocratique, pour légitimer un dirigeant ou une équipe dirigeante, engendre à chaque période électorale des violences.

La Guinée, à l’instar des autres pays africains, se heurte à chaque élection à de terribles difficultés de faire usage aux règles démocratiques pour mener à bien son élection. L’Afrique est encore un élève qui accuse beaucoup de retard pour comprendre la notion et l’utilité de la démocratie.

De 2010 à 2020, que de violences pendant les campagnes !

En juin 2010, lors du premier tour de la présidentielle, les militants de l’Union des Forces Républicaines de Sidya Touré et ceux de l’Union des Forces Démocratiques de Cellou Dalein Diallo se sont illustrés dans la violence. Les deux leaders politiques en première ligne, en cette période, se livraient une « guerre » de leaderships. Cellou redoutait Sidya Touré sur le terrain. Les militants surexcités se livraient à une violence verbale à travers les pancartes, les affiches, les chansons et autres mots indécents parfois injurieux. Avant d’en arriver aux affrontements directs dans la préfecture de Coyah, située à 50kms de Conakry. Ces deux camps se décrédibilisaient aux yeux des populations. Ces affrontements ont causé plusieurs morts et de nombreux blessés ainsi que des dégâts matériels importants en une seule journée.

Ces violences électorales se sont poursuivies dans l’entre-deux-tours quand les militants de l’UFDG et ceux du RPG Arc-en-ciel, se sont agressés, suite aux rumeurs « d’eau empoisonnée » au Palais du Peuple. Ces troubles qui avaient commencé à Conakry, s’étaient transportés en Haute-Guinée où il y a eu des pillages et beaucoup de victimes entrainant l’exode des populations vers la capitale ou vers leurs localités d’origine.

Qu’est-ce qui génère ces violences électorales et quels bénéfices réels en tirons-nous ?

Selon un politologue guinéen, trois facteurs peuvent favoriser la violence électorale : la nature de la politique, la nature des élections et les institutions électorales.

En Guinée, les élections ont toujours encouragé une grande partie de la société à se mobiliser, parce qu’elles font ressortir le sentiment d’appartenance. Les partis politiques guinéens à l’instar de plusieurs partis africains, sont à base communautaire voire régionale. La plupart des militants ne s’engagent pas pour le programme de société d’un parti politique. A peine s’ils écoutent les leaders politiques.

Toujours, selon le vieux politologue rencontré au Palais du Peuple, les candidats sont exposés à des risques de violences lorsqu’ils apparaissent en public devant une foule incontrôlable parfois infiltrée. Et toute élection entraînant nécessairement des perdants, l’incertitude et la peur de l’échec seraient également des facteurs propices à la violence.

Comme le souligne justement Elhadj Mohamed Lamine Camara, un ancien dignitaire du PUP, la violence électorale a le plus souvent lieu lorsque le gouvernement au pouvoir doute de l’issue du scrutin. Enfin, dira-t-il : « les mécanismes électoraux, l’administration des élections et la structure du système électoral influent sur la probabilité de l’usage de la violence, que ce soit avant, pendant ou après les élections ».

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Poursuivant, il déclarera ceci : « la plupart des gouvernements au pouvoir privilégient les objectifs à court terme – la victoire électorale – sur les stratégies à long terme. L’incertitude serait-elle aussi un facteur renforçant ce choix de stratégie. Les gouvernements au pouvoir qui doutent de leur popularité et de leur chance d’être élus par le peuple sous-estiment également les possibilités et les répercussions de la mobilisation d’une population. »

Ainsi, beaucoup d’analystes s’accordent à souligner que les élections ne sont pas la cause première de la violence. Les scrutins électoraux sont, en effet, beaucoup plus perçus comme un élément catalyseur ou accélérateur du déclenchement de la violence. Toutefois, elles risquent d’intensifier les tensions existantes, en particulier lorsqu’elles ne sont pas tenues de façon crédible. Les causes lointaines de la violence électorale sont souvent à rechercher dans les situations de crise peu, mal ou non gérées.

Elle est plus fréquente dans les pays qui sortent d’une instabilité politique, d’une guerre civile ou d’un coup d’Etat. Les élections dans de tels contextes viennent raidir les positions des acteurs précédemment en conflit qui trouve dans la violence, le seul outil pour s’exprimer. Il faut aussi noter que les violences électorales s’expriment davantage dans un contexte de transition démocratique ou de désarmement et de démobilisation suite à une guerre civile; de manipulation réelle ou perçue des élections; d’enjeux importants qui met en présence des ethnies, des clans, des puissances économiques en plus des acteurs politiques ; d’un écart non important entre les candidats ;  d’un cadre juridique peu clair ou contesté ; des organes de gestion partisans ; du manque de transparence, y compris à propos des données électorales, de preuve ou perception de fraude lors du processus électoral ; d’un système uninominal majoritaire à un tour, d’exclusion de communautés spécifiques pendant le processus électoral.

Les éléments de détonation et manifestations

La violence électorale est déclenchée pendant la période électorale quand des parties en position de force ou de faiblesse constatent que la règle du jeu électoral est établie unilatéralement de manière à le défavoriser. Les sujets sur lesquels ce déclenchement est plus rapide sont : la mise en place du fichier électoral, la mise en place de l’administration électorale et les résultats électoraux.

La violence électorale se manifeste par des actes tels que : la violation du cadre juridique ; les paroles blessantes ou indécentes ; les assassinats ; les coups et blessures entre supporters rivaux ; l’intimidation des adversaires, des électeurs ou des agents électoraux ; le bourrage des urnes ; l’exclusion de communautés. Les actes de violence peuvent donc être ciblés contre : des personnes -qu’il s’agisse d’individus, de communautés ou même de candidats- ; des matériels en l’occurrence, le matériel de campagne, les véhicules, les bureaux, les bureaux de vote, … Il existe donc entre autres : la violence électorale verbale et symbolique, la violence électorale psychologique, la violence électorale physique et la violence électorale structurelle ou institutionnelle. Dans l’un ou l’autre des cas, les électeurs peuvent être empêchés de participer au vote, contraints de choisir un candidat contre leur gré. Le résultat est que les élections seront soient perturbées soient annulées d’emblée.

Que faire pour prévenir les violences électorales ?

Selon un expert de la CEDEAO, « la prévention de la violence électorale invite sans doute à travailler sur les périodes de son expression, c’est-à-dire : avant, pendant et après les élections ».

Cela signifie qu’avant les élections, il s’agit d’instaurer la confiance entre toutes les parties prenantes pour l’établissement des règles de la compétition, autrement du cadre juridique et légal, qui garantit l’intégrité du processus électoral.

Pour l’expert, « les actions à mener pendant cette phase incluent aussi la mise en place consensuelle de l’organe qui sera chargée d’organiser le scrutin. L’administration électorale, comprenant peu ou pas d’acteurs politiques, doit offrir à toutes les parties engagées le gage d’une compétition saine, équitable et juste.  La mise en place consensuelle de la liste électorale, la production en toute transparence et la distribution effective des cartes d’électeurs permettent aussi d’éteindre de potentielles sources de conflits. »

Ainsi, pendant la période électorale qui court depuis les campagnes électorales jusqu’à la proclamation des résultats, la transparence est requise pour toutes les opérations électorales qui sont menées. L’administration électorale a une grande responsabilité dans cette mission qui lui incombe d’ailleurs en premier. Elle devrait non seulement prendre ses décisions après concertations avec les parties, mais devrait aussi les publier en temps opportun. Aussi, elle doit s’assurer que les résultats détaillés des élections soient rapidement affichés, publiés du niveau le plus bas de la chaine électorale (bureau de vote) jusqu’au niveau le plus élevé (la circonscription électorale qui peut être, selon la circonstance le quartier de ville, la commune, le département ou le pays entier). De façon pratique, des mesures de protection contre la fraude le jour de l’élection qui aident à réduire le potentiel de violence, comprennent le maintien du secret du vote, la numérotation des bulletins de vote et la manipulation sécurisée du matériel électoral.

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