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Discours politiques au scanner : Cas de Dalein, Alpha, Damaro, Faya et Bah Oury

Aujourd’hui, c’est un secret de polichinelle de dire que le débat politique s’est appauvri en Guinée. A chaque déclaration, nos politiques servent un disque usé, vieilli et dépassé. Que de débat personnalisé et de discours violent. Pas de débat subtil, ni d’argument consistant. Nos politiques font désormais le boulot des journalistes, ils commentent. Eux, qui font l’actualité.

Après l’autopsie des discours de Sidya Touré, Dr Alpha Bano Barry, Tibou Kamara, Lansana Kouyaté et Aliou Condé, nous proposons, aujourd’hui, cinq autres acteurs, et non des moindres : Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, Damaro Camara, Faya Millimouno et Bah Oury.

 

Alpha Condé, l’homme au franc- parler

 

Voilà un président, qui n’a pas le talent oratoire d’IBK, ni la finesse de Lansana Kouyaté, encore moins l’inspiration d’Alpha Oumar Konaré. Ses détracteurs disent qu’il garde encore son manteau d’opposant. Direct, cassant et tranchant, Alpha Condé ne sait pas tourner autour du pot. Adepte du franc-parler, il ne rate presque personne dans ses sorties : ses opposants, ses homologues, ses ministres, son parti, les imams, les enseignants, les étudiants, les médias. Chacun y trouve sa dose et son compte.

A la place des discours protocolaires, Alpha Condé préfère faire parler son cœur. Exemple. En 2012, en marge de la fête tournante de l’indépendance, le chef de l’État arriva à la place des martyrs de Boké. Le protocole lui soumit un discours pour la circonstance. L’hôte lit cinq lignes. Aucune ovation. A la surprise générale, il stoppa sa lecture et se mit à dézinguer ses opposants. Ovations partout. Il est jovial.

Contrairement à ses opposants, qui peuvent le citer dix fois dans un discours de cinq minutes, Alpha Condé est le champion des insinuations, des paraboles et des piques assassines. Rarement, il nomme ses détracteurs. Il lui arrive de citer son principal rival mais rarement Lansana Kouyaté, Sidya Touré, encore moins les autres.

Vous lui rappelez les attaques de ses opposants, pour ne pas leur donner du poids, Alpha Condé préfère les ignorer, en les appelant « ils » ou « les anciens » ou encore les « anciens premiers ministres ». En tout cas, il trouve toujours un qualificatif péjoratif pour eux. Ce sont des voleurs, ils ont pillé le pays, ils ont trompé Conté. On va publier les audits.

Cependant, Alpha Condé a une astuce que nos politiques n’ont pas, il peut aller dans tous les sens à certaines occasions, en riant aux éclats. Dans tout son sérieux, il peut observer une petite pause, pour raconter une anecdote drôle, égratigner un ami situé en face ou piquer une colère noire. Imprévisible parfois, il titube sur les mots ou avale des syllabes.

Certains pensent, à tort ou à raison, qu’il est désorganisé dans ses déclarations. Erreur. Deux preuves ? En bon stratège, Alpha Condé sait parfois ce qu’il fait. Quand il est coincé, connaissant le penchant du guinéen à parler de tout et de rien, il peut lâcher des piques pour occuper l’opinion, le temps de gérer sa crise. Il arrive que l’opposition tombe dans son piège et se met à brandir les muscles. Une guerre inutile.

Deuxième preuve qui prouve que le président Condé sait ce qu’il sait, ce sont ses discours à l’international, notamment à l’ONU, à l’UA, à la CEDEAO, à l’UE ou au sommet sur le climat. Rarement, il fait des gaffes. Il ne sort ni du cadre, ni n’égare son discours. Parfois, il est ovationné.

Autre prudence d’Alpha Condé, il répond rarement aux questions-pièges des médias. Là où son opposition y laisse des plumes, alors qu’elle devait se taire ou s’abstenir de commenter, le locataire du Sékhoutouréya coupe carrément le débat. « Je n’ai aucun commentaire ». Le journaliste peut retourner dix fois la question, il est droit dans ses bottes.

 

Cellou Dalein Diallo ou l’opposant courtois

 

Cellou Dalein Diallo pourrait être le plus courtois de tous les opposants guinéens. Soucieux de son image, il lui manque ce brin de cynisme, caractéristique de certains opposants africains. Une preuve ? Il appelle son rival, « monsieur » Alpha Condé, quand Sidya Touré appelle celui-ci « Aladji- Professeur » ou « Alpha » tout court tel Lansana Kouyaté.

Économiste rompu, le leader de l’UFDG est très à l’aise dans deux situations. Quand il s’agit d’expliquer des dossiers de gouvernance, minutieusement préparés d’avance, ou lorsqu’il s’agit de haranguer ses partisans, avant ou après une marche. Là, il sait convaincre ou jouer sur la sensibilité de ses fans pour obtenir d’eux la poursuite ou la trêve.

En revanche, quand il s’agit d’une interview, il prend tout son temps pour remonter à la genèse et expliquer le nœud du problème, alors qu’il peut en faire l’économie. Autant Alpha Condé aime répéter son histoire de « Café Mercedes » ou « la jeunesse est une bombe à retardement », autant Cellou Dalein Diallo aussi aime se répéter concernant les 95 victimes de l’opposition », « l’État ne s’est pas indigné, n’a pas ouvert une enquête ».

Sur un autre registre, Cellou Dalein Diallo n’a pas les piques assassines d’Alpha Condé, ni l’humour de Sidya Touré, certes, mais il détient un atout précieux que les deux précédents. S’il se met en colère, il est capable de faire tousser toute la capitale, mettre en branle les religieux et les diplomates et secouer même le palais.

Un exemple. En 2012, son collaborateur direct, Bano Sow, fut arrêté et jeté en prison. Séance tenante, Cellou Dalein Diallo convoqua ses partisans à la Minière. Jamais il ne fut en colère que ce jour. Dans un discours au vitriol, il alla jusqu’à comparer Alpha Condé à Staline. La réponse du Chef ne se fit pas attendre. En séjour à Abidjan, l’opposant reçut un coup de fil de Sékoutouréyah. « Plus jamais ne me compare à Staline ». Et le débat était clos.

Autre grand atout du leader de l’UFDG : il est non seulement écouté par sa base mais aussi il a la mainmise sur son électorat. C’est pourquoi, quand il appelle à la manifestation, le lendemain, son appel est suivi à la lettre par la haute banlieue de Conakry. Et il est le seul à emprunter, en ce moment, la route Le Prince pour regagner la banlieue. Dès que les jeunes aperçoivent son véhicule, ils arrêtent les heurts pour l’escorter.

Cependant, très sincère, le chef de l’opposition ne sait pas feinter les médias. Acculé, avec Sidya Touré et Jean Marie Doré, pour les dédommagements qu’ils ont perçu, suite aux attaques de leur domicile en 2009, le leader de l’UFDG convia la presse pour s’en expliquer. Refus catégorique de Jean Marie Doré, qui interrogé à son portail, coupa court. « J’ai bien fait, les deux milliards sont d’ailleurs petits. Si c’est à reprendre, je le ferais. Allez-y écrire que moi, j’ai dit ça ».

Très à l’aise dans l’explication des dossiers de mal gouvernance, il est détenteur d’autres dossiers secrets d’État explosifs comme les contrats surfacturés et les marchés de gré à gré, mais il les utilise que lorsqu’il est en conflit ouvert avec le Chef.

Or, s’il avait demandé à la première génération de journalistes, ceux-ci lui diraient, par exemple, que sous Lansana Conté, Alpha Condé invitait souvent la presse privée pour déguster une biche grillée. Après le festin, il distribuait des dossiers bétons aux hôtes.  Ni vu, ni connu. La semaine suivante, tous les journaux barraient en Une ces dossiers sulfureux.

La plus belle prestation de Cellou Dalein Diallo ? En 2016 ou en 2017, quand il avait fait des révélations fracassantes sur les contrats de gré à gré dans le secteur de l’énergie chez nos confrères d’Espace FM. En pleine émission, l’homme mit en garde tout ministre de lui prouver le contraire. Réponse d’Alpha Condé en conseil des ministres ou dans ses entrevues privées : « Cellou Dalein Diallo m’attaque dans les radios et personne ne me défend ».

 

Damaro Camara ou la voix imposante

 

On peut aimer sa tête ou pas, mais le chef de la majorité présidentielle est un dur à cuire. C’est l’aile dure du parti présidentiel. Il sait animer la galerie, régaler ses débats , adresser des piques à l’opposition avec sa voix imposante, ses propos cassants et souvent acerbes. Il défend les intérêts de son camp sans lâcher. Pas de compromis chez lui.

Quand il accepte de répondre aux accusations des détracteurs, il a des formules prêt-à-porter pour remettre ceux-ci à leur place. Le syndicaliste Aboubacar Soumah ? Il se comporte comme un opposant. L’activiste de la société civile, Abdourahamane Sanoh ? Il veut un coup d’État. Les Donzos ? Ils sont des militants.

A chaque petite pique de ses adversaires, l’enfant de Kérouané répond du tac au tac, ne ratant presque personne. Même Cellou Dalein Diallo, celui qu’il appelle affectueusement « son ami ».

 

Bah Oury, l’opposant qui s’est adouci

 

Voilà un opposant coriace, un farouche combattant qui s’est adouci depuis son retour au pays. La presse a perdu un débatteur hors-pair, depuis son rapprochement du pouvoir. Aujourd’hui, s’il commente l’actualité, tous ceux qui l’écoutaient auparavant, savent qu’il bégaie. Il n’est plus l’opposant critique, caustique et cassant d’autrefois.

L’homme a adouci ses propos. Il s’est assagi du fait de l’exil. On dirait qu’il a une épée au- dessus de la tête. Autrefois cohérent et pertinent, il garde un accent sénégalais. Très méthodique, l’enfant de Kigna a une parfaite lecture de l’actualité comme Lansana Kouyaté. Très visionnaire, il sait décrypter les moindres intentions et velléités du pouvoir.

Contrairement à la nouvelle classe politique, Bah Oury et Alpha Condé sont les deux rescapés de la génération de feu Bâ Mamadou, Siradiou Diallo et Jean Marie Doré.

Tranchant et franc, il ne sait pas tourner autour du pot. Il appelle un chat un chat. Qualifié de promoteur de la ligne dure de l’UFDG, l’homme est resté intraitable durant son exil. Il n’a pas changé d’un iota, tantôt attaquant vertement le régime, tantôt dénonçant les faux-pas de son parti. Mais depuis son retour au pays, après quatre ans d’exil forcé, il s’est retourné contre le parti qu’il a lui-même fondé.

Très intelligent, il sait feinter les questions de la presse. Quand vous lui envoyez sur un terrain glissant où il ne voudrait pas s’y aventurer, il a ce malin esprit de retourner la question autrement jusqu’à ramener sa réponse à son angle d’attaque préféré.

 

Faya Millimouno ou l’enseignant reconverti en politique

 

Voilà un intellectuel de haut niveau, un enseignant-chercheur bardé de diplômes, qui s’est reconverti en politique et qui lorgne le fauteuil de l’actuel Chef d’État. Cultivé et méthodique, il est tranchant et convaincant dans les débats. Il s’exprime dans un langage académique soutenu.

Comme Bah Oury, le leader du Bloc Libéral ne sait pas tourner autour du pot. Il appelle le chat par son nom. Révélé au grand public, lors du scrutin présidentiel de 2010, l’homme s’est illustré des années durant dans les critiques des tares du régime Condé.

Après le divorce avec Abé Sylla, il créa son propre parti politique (le Bloc Libéral- BL), la quatrième force politique depuis 2015. Très critique, il se montrera virulent contre le régime actuel avec son désormais ex directeur de campagne, Aliou Bah, avant leur brouille, suivie de leur divorce.

Contrairement à toute la classe politique, Dr Faya Millimouno faisait régulièrement des réflexions pertinentes sur des sujets d’actualité d’intérêt national, à l’image de Mamadou Bah Baadiko. Il partageait ses réflexions avec les médias.

Curieusement, depuis 2015, l’homme se fait rarement absent dans les débats, multipliant les voyages à l’étranger et se contentant de communiqués laconiques. A le lire entre les lignes, tout bon lecteur esquisse un sourire. Ses rares sorties, aujourd’hui, c’est pour dénoncer l’insécurité, le bas niveau de l’éducation et la crise syndicale  de l’éducation.

Par conséquent, il lui est difficile, aujourd’hui, de répéter tous les péchés d’Israël qu’il attribuait à Alpha Condé : Il finira par Gbagbo, il fuira comme Compaoré, il doit démissionner… Des discours rangés dans le tiroir.

En tout cas, son langage s’est adouci. Il parle peu désormais. Deux preuves éloquentes : il vient de perdre deux cadres éminents de son parti en raison de la ligne jugée floue de son parti. En plus, il a été sollicité pour participer au nouveau gouvernement, même s’il n’y a pas eu accord.

À suivre…

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