Il est 9 heures et quelques minutes. Le jury de la Cour criminelle de Rouen ouvre la séance. Damien A. vêtu d’une chemise rose se tient dans le box des accusés toujours accompagné de soignants et de policiers. En face de lui, la famille Barry et ses avocats.
Aujourd’hui, c’est autour des experts d’être entendu ensuite Damien, puis la veuve de Dr Barry et commenceront ensuite les plaidoiries.
Le premier expert est le médecin légiste qui a examiné M. Barry lorsqu’il a été admis en réanimation au CHU de Rouen. Il raconte : “je l’ai examiné et le diagnostic était un traumatisme crânien grave. Aucune intervention n’était envisageable (…) son pronostic vital était engagé ».
Le second expert à être entendu est aussi un médecin légiste et c’est lui qui a réalisé l’autopsie du corps de M. Barry, le 23 juillet 2019 : « pendant l’examen j’ai contacté une fracture du crâne de 13 cm, ce qui témoigne d’un impact important. Le cerveau a été ébranlé dans la boîte crânienne »
Selon l’expert, les coups portés ont été bien enchaînés comme pour quelqu’un qui savait bien se servir de ses poings. Et que la rapidité de l’exécution des coups est la même qu’on constate dans les sports de combat où l’adversaire frappe là où il faut pour mettre KO.
Au total, M. Barry a reçu 4 coups et le dernier lui a été fatal.
Place à une psychologue qui a rencontré l’accusé à l’UMD (unité des malades dangereux) du Rouvray. Damien lui a raconté : « j’ai entendu des dingueries, j’ai eu peur, j’ai frappé ».
En écoutant la psychologue, il était difficile pour Damien d’accepter sa maladie. D’ailleurs au début de son hospitalisation, il n’exprimait aucun regret sur les faits et en était fier.
Elle explique que les regrets exprimés aujourd’hui par Damien sont le fruit de son traitement, il commence à comprendre.
Au tout d’un psychiatre d’être entendu
Aux dires de cet expert, Damien A. révèle une schizophrénie avec variations d’humeur épisodique dont les conséquences sont l’hallucination, des idées délirantes de persécution, l’exaltation épisodique de comportement.
La question est de savoir quel était l’état de l’accusé au moment où il rouait de coups sa victime ?
Avait-il des hallucinations, moment aigu de sa maladie qui signifie mauvaise compréhension de la situation lorsque M. Barry lui a demandé des explications sur le pourquoi de ses injures si oui, on retiendra la thèse de l’abolition du discernement. Donc pas conscient de son acte.
L’autre hypothèse soulevée par l’expert est qu’au moment où Damien passait sa pathologie pouvait être discrète dans ce cas. Il recommande la reconnaissance de l’altération du discernement.
N’ayant pas décelé d’épisodes d’hallucinations vécues par l’accusé lors de son examen, le psychiatre un peu hésitant se penche sur la deuxième hypothèse celle de l’altération du discernement.
Notre expert pense aussi que n’importe qui serait trouvé devant Damien à ce moment-là aurait vécu le même sort. Il écarte donc les motivations racistes de l’accusé.
Pour terminer, le psychiatre rétorque « si condamnation il y a, sa place est nécessairement dans un établissement qui lui fournirait des soins lourds ».
Après un instant de pause, l’accusé est invité à la barre.
Il présente des excuses à la famille de M. Barry. Sur les faits, il se rappelle, dit-il, de tout. Il dit n’avoir consommé ni alcool ni cannabis ce jour-là.
« J’étais agité, j’ai vu une voiture s’arrêter. Un homme est sorti dedans. Je ne sais plus ce qu’il m’a dit, j’ai eu peur. J’ai frappé », il décrit un coup de coude dans la tête et des coups de pieds au visage.
A la question de savoir pourquoi frappait-il si fort ? Il répond « j’ai eu peur (..) je n’ai pas fait exprès ».
Damien insiste qu’il n’est pas raciste car il a grandi avec les noirs et les arabes. Il se rappelle avoir insulté M. Barry en ces termes « je vais chier sur ton cadavre sale noir »
Sur son traitement, il dit qu’il aimerait arrêter car ça lui fait mal. Et il pense aujourd’hui ne pas être malade (…)
Après Damien Aktas, Madame Barry Diaraye est entendue.
Avec une voix remplie de tristesse, d’amertume, elle parle de son feu époux. Un silence se fait sentir dans la salle.
Elle exalte, l’homme qu’était M. Barry, un mari parfait, a-t-elle décrit. Mme Barry parle d’un mari qui a tout d’abord été pour elle un frère qu’elle a connu depuis ses 5 ans.
Mariée en 2012, Mamoudou Barry est arrivé en France la même année et elle l’a rejoint 5 ans plus tard. Elle partage avec l’audience les rêves de son mari, de faire de grandes études et d’aider son pays, son village. « Mamoudou était l’espoir de toute sa famille, de son village », a-t-elle dit.
Il a soutenu sa thèse en juin 2019 un mois avant son meurtre. Lorsque sa fille lui demande où était son père, elle ne trouve pas de réponse, elle lui dit juste « il est dans les étoiles et veille sur toi. »
« Mon mari ne s’est jamais battu, ne se dispute jamais. Il était en paix, c’est l’image qu’il laisse partout où il passe », se souvient-elle.
Sur la pathologie de Damien, Mme Barry n’arrive pas à y croire car ce dernier avait bien vu qu’ils étaient des noirs avant de proférer des injures racistes. Elle s’en remet à la justice pour punir la mort injuste de son mari et que plus personne ne doit être victime de Damien.
Place aux plaidoiries…
L’avocate de la LICRA qui débute ses séances de plaidoiries pense que l’hypothèse de l’altération du discernement préconisé par le psychiatre n’excuse pas les injures racistes avant le passage à l’acte et invite la cour à retenir la circonstance aggravante du racisme…
Au tour de l’avocat de SOS Racisme qui insiste sur le fait qu’aucun psychiatre n’ayant retenu l’abolition du discernement de l’accusé lors des fait, Damien savait ce qu’il faisait. Et que sa pathologie ne devrait pas expliquer son acte sinon une brèche serait ouverte pour tous les porteurs de cette maladie de tuer impunément.
Pour terminer l’avocat de Mme Barry s’appuyant sur les arguments de ses prédécesseurs, et pense que quelle que soit la décision du jury ,la famille Barry ne gagnerait rien (M. Barry ne revenant pas à la vie), il espère une décision qui apaisera quand même la famille.
Suite du procès ce vendredi et le verdict est attendu aujourd’hui
Affaire à suivre