Au Palais du peuple, lors de la cérémonie de dédicace du livre Mémoire collective, la vedette c’était aussi Gassama Diaby, le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté. Une fois n’est pas coutume, ses allocutions lui ont valu des tonnerres d’applaudissements. Pour Gassama Diaby, ce livre sur l’histoire des violences politiques, la Guinée en a besoin. Et peu importe ceux qui en sont les auteurs. Puisque, estime le ministre, si les Guinéens ne racontent pas leur histoire, les étrangers peuvent la raconter. Surtout que la Guinée «est membre à part entière de la communauté internationale ».
L’occasion était pour Gassama Diaby de rappeler que les Guinéens devraient assumer leur histoire. « Nous devons assumer notre histoire dans sa totalité…Parce que cette histoire est un élément constitutif de la construction d’une nation », a-t-il dit.
Pour Gassama Diaby, on ne peut pas construire une nation en occultant le passé. « Nous avons des difficultés, parce que nous n’arrivons pas à assumer cette mémoire », estime-t-il. « L’histoire est complexe, elle est difficile, mais si nous voulons aller de l’avant il nous faut définir des valeurs, et définir des valeurs demande le courage d’assumer ce qui a été fait d’injuste dans le passé », a-t-il poursuivi.
Dépasser l’ethnie
Pour Gassama Diaby, les Guinéens devraient maintenant faire face avec courage à leur passé, dépasser le débat ethnique et de croire qu’ils n’ont pas d’avenir en dehors de la nation. « Nous savons qu’il y a des villes où ils ont dit telle personne ne peut pas être responsable ici […] Tant que les Malinkés penseront qu’il faut des Malinkés pour les protéger, ils ne seront jamais protégés, tant que les Peulhs penseront qu’il faut des Peulhs pour les protéger, ils ne seront jamais protégés ; tant que les Soussous penseront qu’il faut des Soussous pour les protéger, ils ne seront jamais protégés…», a martelé le ministre sous un tonnerre d’applaudissements, appelant les Guinéens à se remettre en cause.
« L’histoire n’est pas une religion »
Gassama Diaby apprécie le livre « Mémoire Collective », même s’il reconnaît qu’il n’est pas une vérité absolue et qu’il est sujet à débattre. D’ailleurs, dans la salle des spectacles du Palais du Peuple, certaines personnes n’ont pas manqué de manifester leur désaccord sur certains témoignages. C’est le cas du compagnon de l’indépendance, Elhadj Biro Kanté. Celui-ci a été finalement invité par le ministre à monter sur l’estrade afin de partager son regard sur l’histoire de Sékou Touré. Si Gassama l’a fait, c’est parce que « l’histoire n’est pas une religion ».
« Deux personnes différentes peuvent avoir des regards différents sur l’histoire. Et je voudrais dire, y compris dans les familles, des frères et des sœurs peuvent avoir des regards différents sur leurs parents », a dit le ministre avant de plaider pour qu’on donne la parole au doyen Biro.
L’autre précaution préalable à prendre avant de parler de l’histoire, selon Gassama Diaby, c’est de dé-ethniciser l’histoire. « Ce n’est pas le procès d’une communauté, c’est le procès d’un système. Je voudrais d’ailleurs rappeler qu’au-delà de l’histoire y compris aujourd’hui, les systèmes ne sont jamais des identités », a-t-il indiqué.