Djiba Kouyaté, chanteuse de l’orchestre le Télé jazz de Télémélé est née à Télémélé, elle est veuve et mère d’une fille unique. Djiba effectuera ses études primaires (M’Balia) secondaires (Dara) et le lycée (Koli) dans sa ville natale à Télémélé. Pour un échec essuyé, elle sera définitivement stoppée au niveau du bac en Sciences Maths.
C’est en 1980, que Djiba Kouyaté fut recrutée, depuis le collège au sein du Télé jazz. Les nombreux déplacements pour des représentations culturelles dans le pays et dans la sous-région, en compagnie de l’orchestre, dit-elle, ont eu de sérieux impacts sur ses études. Reconnue très douée, elle choisira d’ailleurs l’option Maths-Physique, qui demeure habituellement l’option méprisée par la couche féminine.
Actuellement, Djiba Kouyaté bien que n’ayant pas raccroché, continue de faire de la musique sur contrats de prestations pendant les baptêmes, mariages et autres cérémonies de réjouissances.
Parallèlement, Djiba s’est lancée dans le commerce qui constitue aujourd’hui son activité principale et génératrice de ressources.
Votre site électronique Guineenews, a rencontré la chanteuse Djiba Kouyaté au quartier Nongo Contéya et précisément dans sa boutique de vente.
Djiba Kouyaté dans cette interview, nous éclaire les raisons qui l’ont conduit à pratiquer la musique, son recrutement et ses premiers pas au sein du Télé jazz de Télémélé.
Djiba Kouyaté bien qu’étant issue d’une famille griotte, nous parle des idoles à partir desquelles elle s’est inspiré pour asseoir sa base, elle édifie et raconte l’origine de la célèbre chanson ‘’Djiba’’ qui porte son nom, et qui a été le détonateur de son succès.
Surprise ! Djiba Kouyaté a troqué pour le moment le micro contre le commerce. Elle donne les raisons de ce bond et affirme ne pas avoir ôté les gants de la musique. De sa discographie à ses perspectives qu’elle nous expose, Djiba Kouyaté déclenche sa colère et plaide en faveur des anciens musiciens qui tirent le diable par la queue.
Lisez !
Guineenews : Pouvez-vous nous situer sur les raisons qui vous ont poussé à pratiquer la musique ?
Djiba Kouyaté : La musique d’abord c’est dans mon sang. Je suis Kouyaté, donc griotte de souche bien que mon Papa n’ait jamais fait la musique. Par contre, moi j’ai très tôt aimé la musique.
J’ai commencé à chanter depuis l’école primaire. A l’époque des compétitions artistiques interscolaires et inter quartiers organisés dans tout le pays, j’ai toujours été retenue comme la cantatrice principale de mon école et de mon quartier. J’ai toujours posé ma voix dans les disciplines théâtrales, tels le cœur et l’ensemble instrumental.
Guineenews : Comment avez- vous été recrutée au sein du Télé jazz de Télémélé ?
Djiba Kouyaté : Je fus recruté au sein du Télé jazz quand j’étais au collège. C’est pendant ces compétitions artistiques et culturelles, que je fus recruté par l’intermédiaire de feu doyen Aly Kania Bangoura qui était le chef d’orchestre (Paix à son âme).
Tout en appréciant ma voix, il m’a dit de venir les rejoindre. Je n’ai pas trouvé mieux, puisque la musique c’est ma passion. Mon recrutement a coïncidé avec la préparation de la quinzaine artistique et culturelle à Kindia. J’étais la seule femme parmi le groupe.
Guineenews : Si votre père n’a jamais fait la musique, en retour, s’était-il opposé à votre choix ?
Djiba Kouyaté : Cela va vous paraître difficile à comprendre. Je me cachais pour aller aux répétitions depuis l’école primaire, jusqu’à ce que j’ai intégré le Télé jazz. Ce qui a joué en ma faveur, c’est qu’il était chauffeur transporteur et commerçant à la fois. Donc, il n’était pas fréquent à Télémélé. Tenez-vous bien, mon père a découvert ce secret quand il m’a vu jouer à la Télévision avec le Télé jazz. Il fut très surpris et la balle était déjà partie.
Guineenews : Toute jeune, racontez-nous vos premiers pas au sein du Télé jazz de Télémélé ?
Djiba Kouyaté : Laissez-moi vous dire que mon accueil fut très chaleureux. Certes j’étais toute jeune et cependant, j’étais déjà un habitué des scènes, ce qui a facilité mon travail avec l’orchestre. J’étais entre des grands-pères, des pères à moi, qui m’ont facilité la tâche et m’ont entouré de toutes affections possibles. C’est vrai que c’était la première fois que je jouais avec un orchestre. Il fallait donc se discipliner et suivre les conseils des aînés, pour mieux comprendre et maîtriser le rôle de choriste que j’assurai tout au début. Je n’ai pas eu de difficultés pour intégrer l’orchestre.
Ma première sortie sur scène avec le Télé jazz, c’était lors de la quinzaine artistique et culturelle à Kindia. Ce jour j’étais très à l’aise et consciente, que je maîtrisais ma partition dans le concert qu’on devrait présenter. En plus ma voix très aiguë, j’étais très petite et c’est tout cet amalgame qui impressionna le public. Pendant que je chantais, j’ai vu une partie du public curieux de me voir, se lever, monter sur les sièges pour m’observer. Cette première sortie m’a encouragé à aller de l’avant. Ce furent mes premiers pas au sein du Télé jazz de Télémélé.
Guineenews : Aviez-vous eu des idoles dont vous vous êtes inspirée, pour être ce que vous représentez aujourd’hui dans l’arène musicale guinéenne ?
Djiba Kouyaté : oui j’ai eu effectivement des idoles. J’interprétais fidèlement les chansons d’Aicha Koné, Tshala Muana et M’Bilia Bell. Ce sont des aînées que j’ai adorées et je maitrisais parfaitement bien leurs chansons à succès, dont on interprétait pendant les soirées dansantes. Jusqu’à ce jour, il m’arrive aujourd’hui de mimer ces morceaux, qui sont toujours bons à l’écoute.
Guineenews : Parlons de cette célèbre chanson du Télé jazz qui porte votre nom Djiba, et qui a cartonné dans tout le pays. Quelle est la genèse de ce titre fétiche, qui vous a personnellement propulsé au-devant de la scène ?
Djiba Kouyaté : C’est une inspiration du doyen Breveté. Il a été à l’origine de nous amener l’air de ce morceau. Vous savez avant, c’était un travail collectif. Chacun s’est mis à la tâche pour habiller en texte cette chanson. Les meilleures propositions étaient toujours acceptées à l’unanimité. Je vous apprends qu’insérer un dialogue au début de la chanson, a été une proposition de feu Maître N’gara, qui était le chauffeur du Préfet d’alors. Spontanément, le doyen Breveté et moi, nous nous sommes jetés sur l’idée, et nous avons improvisé ce que cela a donné par la suite. Ce fut un véritable succès.
Guineenews : vous avez été recruté en 1980 au sein du Télé jazz et 1984 arrive et l’on jette et le bébé et l’eau de bain. Les orchestres nationaux et fédéraux commencent à s’agenouiller. Vous avez servi pendant un laps de temps et dites-nous, quels sont les inoubliables beaux et mauvais souvenirs qui retiennent votre attention ?
Djiba Kouyaté : J’ai plein de beaux et mauvais souvenirs. Pour un beau souvenir, je retiens celui dont j’ai vécu à Kindia. C’était la première fois que je jouais en dehors de Télémélé. Cette quinzaine artistique et culturelle demeure mon plus beau souvenir car, j’avais conquis le public de Kindia et depuis ce jour, j’ai pris la décision d’avancer dans la musique.
Le plus mauvais souvenir, c’est quand j’ai perdu mon premier mari feu Oury Barry, ex chanteur du Télé jazz et ex chef comptable des Travaux Publics (TP). Paix à son âme.
Guineenews : cette interview se passe au sein de votre boutique de vente, loin d’une publicité mais qui est bien garnie. Chanteuse du Télé jazz, aujourd’hui vous portez cette autre casquette de commerçante. Expliquez-nous les raisons de ce bond qui vous a fait atterrir dans ce domaine du commerce ?
Dyiba Kouyaté : On peut faire de la musique et parallèlement pratiquer le commerce. Il fut un moment, je me suis dit comme les temps ont changé, il faut essayer d’entreprendre quelque chose. S’asseoir à la maison sans rien faire n’arrange pas. Sur le plan de la musique, il n’y a plus de soutien de la part des nouveaux gouvernants et ce qui a freiné l’évolution de presque toutes les formations orchestrales du pays. Nous sommes abandonnés à nous-même. Si quelqu’un t’abandonne, il ne faut pas t’abandonner toi-même. Tout au début, j’ai commencé par l’itinéraire Conakry-Bamako. Alors plusieurs fois sur ce parcours, j’ai constaté que c’est mieux de bouger que de stagner à la maison. Après Bamako, j’ai essayé d’autres itinéraires notamment Conakry-Dakar, Conakry-Togo. Présentement, je fréquente le parcours Conakry-Dubaï. Je dirais alhamdoulilahi aujourd’hui car, j’ai pu avec ce boulot assurer les études de ma fille en France. Elle a terminé et s’est mariée là. J’avoue que ça va et on rend grâce à Dieu.
Guineenews : Djiba du Télé jazz de Télémélé a-t-elle ôté les gants de la musique au profit de ceux du commerce ?
Djiba Kouyaté : Non et Non ! Je ne peux pas enlever ces gants de la musique jusqu’à ma mort. Mais dans la vie, chaque chose a son temps. Pour preuve, j’avais sorti un album et j’ai été par 2 fois en France sur contrat. J’ai même acheté des instruments de musique, que j’utilise en cas de contrat dans les mariages et baptêmes. D’ailleurs ces activités ne marchent presque plus et je suis obligée de foncer en attendant dans le commerce.
Guineenews : parlez-nous de votre discographie et quelles sont vos perspectives en musique si toutefois les gants ne sont pas ôtés ?
Djiba Kouyaté : Je n’ai qu’un seul album sur le marché du disque qui a pour titre ‘’Bedhun Kannyè’’, qui comporte 8 titres. Cet album a été réalisé en 2006 au studio Kanya Record, produit par Amara Danfaga.
Pour les perspectives, en duo avec le doyen Breveté, nous comptons réaliser un album et dans lequel, le morceau phare ‘’Djiba’’ va être repris.
Guineenews : En un temps record, le commerce vous fait vivre décemment, qu’est-ce que la musique, quant à elle, vous a apporté ?
Djiba Kouyaté : La musique m’a apporté beaucoup de choses et beaucoup de bonnes choses. J’ai eu le succès, la célébrité et surtout, j’ai rempli ma corbeille de relations humaines, ce qui est un atout majeur. Je n’ai pas eu d’argent et je ne le regrette pas aussi, puisque je suis en bonne santé aujourd’hui. Seulement tout mon regret est que l’Etat nous a abandonnés, pendant que nous avons posé des actes.
Guineenews : Bien qu’étant plus ou moins à l’abri, à vous entendre, le fait d’abandonner les artistes vous irrite. Est-ce un cri de cœur que vous dégager ?
Djiba Kouyaté : Je ne suis pas à l’abri du besoin comme vous le dites. Normalement, l’Etat doit venir au secours de tous ceux qui ont œuvré à l’édification de cette nation Guinée. Personnellement, j’ai abandonné l’école à cause de la musique et je m’en veux très profondément aujourd’hui. Nos recettes à l’époque servaient en grande partie à renflouer la caisse au compte du budget préfectoral, donc dans les caisses de l’Etat. Si l’Etat nous abandonne, cela fait mal au cœur. Il y en a parmi nous, qui ne trouvent même pas à manger et qui ne peuvent pas se soigner en cas de maladie. Je demande à l’actuel gouvernement de revoir cette situation. Beaucoup d’entre nous sont décédés dans la misère et d’autres sont malades alités. Notre trompettiste Ansoumane Sylla du Télé jazz est gravement malade, et il vient de subir un accident de moto. Il est actuellement le premier muezzin de la grande mosquée de Télémélé. Il y a un autre musicien saxophoniste du nom de Abdoulaye Tougué Baldé, qui est à la retraite et qui ne parvient même pas à joindre les deux bouts. Pourtant il fut un moment dans ce pays, c’est l’art qui soutenait l’Etat.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews.