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Critique des théories sur les causes du sous-développement de la Guinée (3ème partie)

Précisons d’entrée de jeu que cet article fait suite et complète deux précédents articles dans lesquels notre réflexion s’est employée à écrabouiller six théories majeures souvent mobilisées pour expliquer les causes des problèmes de notre pays sur le plan politique, social et économique. Dans le présent article nous nous consacrons à faire l’examen critique d’une septième théorie majeure, particulièrement importante en raison des conséquences qu’elle a sur le développement de notre pays et sur l’avenir des générations futures. Il s’agit de la théorie de la dette publique extérieure.

Lire : Critique des théories sur les causes du sous-développement de la Guinée (1ère partie)

Septièmement : théorie de la dette

Examinons maintenant la question de la dette. La dette publique contractée par nos gouvernements successifs a-t-il permis au pays de faire face à ses besoins de développement ? Selon la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), l’encours de la dette a atteint 2,4 milliards de dollars US en juin 2019. À cette même période, le service de la dette publique extérieure (c’est-à-dire les intérêts et amortissements sur les prêts) du pays se situait à 108,2 millions de dollars US. La Guinée s’endette à un rythme enivrant. L’encours de la dette est passé de 25,9% du PIB en 2014 à 40% du PIB en 2019. La question qui nous préoccupe ici est de savoir pourquoi cet accroissement de prêts non-concessionnels par l’État, n’a toujours pas eu d’impact positif sur la vie des populations guinéennes en termes d’emplois, d’accès aux services sociaux de base, de fourniture d’eau et d’électricité, d’infrastructures routières, etc. ?

En 1927, Alexander Nahum Sackexpert russe en jurisprudence, professeur de droit et théoricien de la doctrine de la dette odieuse, écrivait : « une dette peut être considérée odieuse si elle a été contractée par un gouvernement sans que le peuple y ait consenti, si ce dernier n’en a pas bénéficié et si le prêteur savait ou aurait dû savoir ce qui précède ». À cet égard, on peut soutenir que la dette publique de la Guinée est odieuse. Dans son livre co-écrit avec James K. Boyce et publié en 2013, « La Dette odieuse de l’Afrique : comment l’endettement et la fuite des capitaux ont saigné un continent » Léonce Ndikumana, économiste burundais et professeur à l’université du Massachusetts à Amherst soutient que « La dette odieuse est un problème de développement, pas seulement un problème financier », précisant que le fardeau de la dette empêche les États de combattre efficacement la mortalité infantile et d’offrir aux citoyens les services de base.  

Pour lui, il faut répudier les « dettes odieuses » et exiger plus de transparence en matière de prêts aux pays en développement. De plus, la dette publique engendre un transfert massif de nos richesses vers les prêteurs, les classes dominantes locales prélevant leur commission au passage. Par exemple,selon l’Institut de recherche en économie politique de l’université du Massachusetts, entre 1970 et 2010, ce sont plus de 2,7 milliards de dollars US (en incluant les intérêts) qui ont fui la Guinée, cela représente 33% du PIB de 2010, soit plus que l’aide au développement consentie à notre pays durant cette même période. La fuite des capitaux prend la forme, soit de détournements purs et simples, soit de manipulations des transactions internationales, notamment des chiffres d’exportation.

Le professeur Léonce Ndikumana note que les pays les plus touchés par le phénomène sont justement ceux qui exportent leurs abondantes ressources minières ou pétrolières. Mais pourquoi les prêts continuent-ils d’affluer vers les pays où se font des transactions illicites ? Parceque les officiers de crédits des banques reçoivent des primes en fonction du volume des prêts, tandis que les gouvernements des pays riches prêtent ou donnent de l’argent pour ouvrir des marchés pour leurs entreprises, tout en indemnisant leurs banques quand elles déclarent des mauvaises créances. Les dirigeants et les fonctionnaires corrompus des pays emprunteurs reçoivent pour leur part des ristournes, quand ils n’empochent pas tout simplement l’argent qui aurait dû servir à financer des projets qui ne voient jamais le jour. Tels sont quelques pièges de la dette qui expliquent pourquoi nous ne bénéficions pas toujours des prêts que nos gouvernements font à l’étranger.

Lire aussi : Critique des théories sur les causes du sous-développement de la Guinée (2ème partie)

Depuis 2010, le gouvernement guinéenaurait investi plus de deux milliards de dollars US dans les infrastructures routières et plus de trois milliards dans le secteur de l’énergie. Mais concrètement, pour quiconque voit clairement, quel est l’état de nos routes aujourd’hui ainsi que le niveau d’électrification de nos villes, ou plus minimalement quel est ce constat pour la seule capitale Conakry ? La réponse à cette question invite chacun à la réflexion au-delà de tout préjugé et de tout parti pris.

En guise de conclusion

On peut dire que les sept théories que nous avons examinées à travers les trois articles successifs, bien que très intéressantes méritaient cependant un regard croisé par rapport à la situationsingulière de notre pays, comme nous avons essayé de le faire dans ces travaux.Que ces théories imputent la responsabilité du retard de la Guinée à l’histoire, à la mauvaise gouvernance, au manque d’institutions, à l’aide étrangère ou bien à la dette publique, elles présentent toutes un défaut logique, ou conceptuel qui les invalide. Cela nous conduira, dans des publicationsprochaines, à proposer un paradigme tout neuf, qui se veut logique et cohérent et qui va au-delà de la simple question de s’attaquer aux conséquences d’un problème dont les causes sont en vérité le réel objet d’étude. Il nous faudraitinterroger bien des choses pour y parvenir : notre culture, nos traditions, nos mentalités, nos modes de vie, nos égos, notre amour du pays, notre rapport à l’argent et surtout nos préoccupations pour les générations futures. Ces différents éléments psychosociologiques et anthropologiques devraient constituer pour nous, quelques éléments de réflexion pour esquisser un autre tracé de la longue route qui culmine à l’horizon du bonheur et de la prospérité pour tous les guinéens sans exception.

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