Depuis octobre 2019, la crise guinéenne a atteint un niveau inquiétant, avec la tenue des élections législatives et référendaire du 22 mars 2020, lors desquelles une dizaine de personnes ont péri dans des violences survenues à Conakry et dans certaines localités de la Guinée. A cause des différentes violations des droits l’homme, enregistrées dans le pays, l’opposition sociopolitique qu’est le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) a décidé de signaler le régime d’Alpha Condé à la Cour pénale internationale (CPI) à travers le cabinet français Bourdon et Associés.
Dans une interview accordée ce 28 mai 2020 à nos confrères du quotidien le Point Afrique, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth ont justifié les raisons qui ont prévalu à ce signalement à la CPI, mais aussi parlé de leurs préoccupations sur la situation actuelle de la Guinée.
Ces deux avocats ont d’abord rappelé les condamnations, par les différentes organisations internationales, des violations des droits de l’homme en Guinée, avant d’indiquer que l’isolement de la Guinée risque d’intensifier la dictature dans le pays : « Le Parlement européen a déploré les violences actuelles dans le pays et condamné fermement les atteintes à la liberté de réunion et d’expression ainsi que les actes de violence. L’ONU, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de nombreuses organisations internationales, dont Human Rights Watch, Amnesty…, ont exprimé unanimement de très graves inquiétudes en plus de celles relayées par le FNDC. Malgré tout, le pouvoir se montre totalement inflexible, ce qui est profondément préoccupant. Plus la Guinée s’isole, plus le risque d’une intensification de la dérive autoritaire s’accroît. Le régime refuse désormais sciemment de rendre des comptes et, actuellement, instrumentalise la crise sanitaire pour museler l’opposition. Ce cercle vicieux doit cesser. »
L’autre question de la violation des droits de l’homme en Guinée évoquée par Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, c’est le caractère ethnique des répressions depuis l’arrivée au pouvoir du président Condé.
Une situation qui justifie le signalement du régime à la CPI : « Le signalement effectué auprès de la CPI se fonde sur des considérations d’ordre juridique et factuel. Il sied de relever que la quasi-totalité des victimes de la répression des manifestations pacifiques du FNDC, et plus généralement des manifestations politiques et syndicales organisées depuis 2011, est issue d’une seule communauté, la communauté peule. Les patronymes des victimes parlent d’eux-mêmes. »
Les avocats rappellent que d’autres personnes qui ne soient pas de l’ethnie des victimes ont dénoncé cette situation : « Bien des voix issues de communautés distinctes se sont d’ailleurs élevées pour dénoncer ces assassinats ciblés. »
En plus du signalement à la CPI, les avocats font savoir que d’autres recours sont en train d’être examinés : « La République de Guinée est également signataire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ce qui accroît la pertinence d’une saisine de l’ONU. D’autres recours sont également à l’examen. »
Revenant sur le signalement du régime actuel à la CPI, ils expliquent que cette démarche « vise à voir sanctionner les violations des droits fondamentaux et la répression sanglante qui s’abat contre ceux qui incarnent l’opposition. »