«Un mauvais arrangement à l’amiable vaut mieux qu’un bon procès… Je suis juriste et président du parti. Si les frondeurs persistent, j’appliquerai la loi. Parce que ce n’est pas à cause de trois à six personnes que l’UPG va continuer à souffrir»
Elu le 12 septembre 2016 à la tête de l’Union pour le Progrès de la Guinée (UPG) suite au décès de feu Jean-Marie Soumaoro Doré, fondateur et leader dudit parti, Me Jean Alfred Mathos, a été remplacé le 2 mars dernier à l’issue d’un nouveau congrès qui s’est tenu à son absence. De retour de la France où il séjournait, le désormais ancien président de l’UPG, est sorti de son silence pour s’exprimer dans cette interview accordée à Guinéenews. Lisez :
Guinéenews©: est-ce qu’il faut vous dire ancien ou président de l’UPG tout court… L’un dans l’autre, expliquez-nous ce qui s’est passé pour qu’on en arrive-là?
Me Jean Alfred Mathos: vous faites une bonne introduction. Vous savez, l’UPG date de 1992. Je rappelle que c’est feu Jean-Marie Doré qui, avec ses pairs Pr Alpha Condé, Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, j’en passe, ont été les pionniers et les précurseurs de cette démocratie que nous saluons tous. Fort de ce parcours, il a eu le parcours de la transition où il a sacrifié son éligibilité pour pouvoir mener cette étape charnière de notre pays à bon terme. Je vous explique tout cela pour permettre de comprendre le testament politique qu’’il nous a légué. Il s’inscrivait dans la logique d’une minorité positive, une minorité qui peut rassembler des majorités qui se neutralisent. Sur le plan communautariste, il a compris que la Forêt qu’il représentait peut peser dans l’équilibre pour annihiler tout ce qui est communautariste entre les grandes entités qui sont entre la Basse Guinée, la Moyenne et la Haute Guinée. C’est le campé du décor à l’époque. Maintenant les choses évoluant, il faut épouser son temps. Quand je le côtoyais, je le dis toujours que c’est la politique qui m’a choisi. Avant moi, il y a eu mon père qui a été le premier député de la Forêt, feu Gnan Félix Mathos qui est mort au Camp Boiro, paix à son âme ! Et pour l’histoire, feu Jean-Marie Doré a été son directeur de campagne en 1957. Il faut que les gens comprennent que je ne suis pas un cheveu dans la soupe. Donc, c’est la politique qui m’a choisi. Je suis né dans une famille de politiciens. Quand j’ai eu à le côtoyer tout dernièrement, au moment du CNDD parce que j’étais aux affaires avec lui, il a pu comprendre vis-à-vis de moi qu’au-delà de ma filiation politique, j’avais déjà une trame de politicien. Il connaissait mon histoire en 1993, j’étais candidat à la députation avec la Cause Commune à Matam. Il m’a dit, au lieu de t’occuper du football, vient t’occuper de politique parce que tu es né politicien, tu ne peux pas changer ton destin. Ça m’a fait le premier titre. Le second titre, en 2015 avant le second mandat d’Alpha, il m’a dit écoute, viens avec moi, j’ai donné ma parole au Pr Alpha Condé qui est un pair à moi pour l’aider à avoir son deuxième et dernier mandat. C’était ça le vocable. Il dit pour l’aider à terminer cela, parce que la mission qu’on lui a confié, dix ans ne suffisent pas, mais quand même aidons-le à avoir son second mandat pour accomplir ce qu’il a déjà commencé. Parce qu’il a accompli des œuvres qu’il devait faire depuis 50 ans. Voilà les deux éléments qui m’ont amené à me dire la génération que je représente doit se préparer à prendre la relève. Chemin faisant, malheureusement, Dieu en a décidé autrement, le feu Jean-Marie Doré nous a quittés. Il nous quitte avec un poids politique tellement énorme et un goût inachevé vis-à-vis du RPG pour les élections avant, pendant et après. L’après n’a pas pu être réglé. Les militants se sont mis en colère, qu’on a été abandonné. Et sur cet état de fait que le congrès de septembre 2016 a été organisé. Je n’ai jamais imaginé que j’allais être président du parti. Mon souci, c’est que l’UPG ne soit pas comme les autres partis dont le leader meurt avec le parti, comme le PDG ou le PUP. Mon souci était que l’UPG survive à la mort de son chef charismatique. C’était ça mon souci. Le congrès a été organisé, de fil à aiguille, je me suis rendu compte que nous manquons de leadership et que le budget du congrès n’arrivait à être bouclé. Parce que vous savez dans un congrès, il y a trois dépenses incompressibles, le transport des délégués, nous avons 124 qui viennent de toutes les régions de la Guinée, nous avons 7 bureaux régionaux, 44 sections, deux par section, faites le calcul. C’est un des faits les plus importants. Il y a l’hébergement et la restauration. Si ces trois étapes ne sont pas réglées, vous ne pouvez pas prétendre organiser financièrement et humainement un congrès. Ensuite, il y a le côté légal. Il faut deux mois à l’avance pour le congrès soit convoqué. Nous avons commencé, j’ai dit, en attendant, nous n’allons pas faire un congrès dans le vide, il faut produire des thématiques pour faire le point. On a commis Dr Kovana, qui est un éminent chercheur à l’université, pour nous sortir des thématiques pour ce qu’on va se dire pour laver le linge sale en famille, pourquoi le parti ne fonctionne pas. C’est vrai, on a eu un maire à Gouécké, on a eu 24 conseillers communaux. Et moi-même, je suis conseiller communal à Ratoma, on me l’a reproché. J’ai dit, on fait le point, sortons les thématiques. La première thématique, c’est l’animation, la réorganisation de nos organes de gestion des bureaux régionaux ou des sections, la seconde, c’est le financement du parti, c’est le nerf de la guerre. Il ne faut remettre tout au président qui doit financer tout. Il faudrait que toute la chaîne de gestion fonctionne, chacun paie sa cotisation, que les cartes de membre soient payées et que les militants se sentent concernés. Ensuite, il y a la vision et la gouvernance du parti. Le centre que nous avons prôné, qui nous a été légué, est tellement mal compris puisque nous sommes dans une bipolarisation de la vie politique entre le RPG et l’UFDG. Il faudrait qu’on trouve la troisième voie pour proposer aux jeunes et femmes parce que nous arrivons pratiquement à une disqualification de ces leaders politiques. Ensuite, le problème de leadership. Ne peut pas être politicien qui le veut. Les gens viennent, ils meublent les postes, mais ils ne sont pas actifs. Ils viennent meubler pour être sur la liste de députation qui les intéresse. Il faut des gens actifs. Il y a aussi la mobilisation des militants. Les militants avaient soif et c’est vrai, je fais mon mea-culpa, les militants avaient besoin de nous entendre parce qu’ils sont très loin de nous. Il faudrait faire en sorte que chaque trois mois, qu’une délégation du bureau politique puisse aller les approcher pour donner le bon message du parti. Il y a l’attraction et la rétention des militants. Il faut pouvoir apporter de nouvelles forces vives de nouveaux militants qui puissent faire fonctionner le parti. Il faut aller vers eux. Et il faut faire la part des choses entre les électeurs et les militants. Toutes ces thématiques devaient être mises en place lors des états généraux. C’est ce qui a été commandé au départ.
Guinéenews©: qu’est-ce qui a fait changer ce programme ?
Me Jean Alfred Mathos: de fil en aiguille, je me suis rendu compte qu’il y avait une fronde qui se dessinait. Ça c’est normal. Dans toute œuvre humaine, dans tout parti politique, il y a des gens qui sont pour ou contre. J’ai donc dit qu’on va mettre en place une condition d’éligibilité au congrès, si le congrès le décide avec un quorum. C’est comme cela que l’idée du congrès extraordinaire électif est venue. Il fallait faire dans les règles de l’art. Je suis élu pour 4 ans, en principe c’est après 4 ans qu’on fait une élection. Mais on peut décider en respectant les règles de l’art. Ça veut dire que sur les 124 délégués, il faut au moins qu’il ’y ait les deux tiers, une majorité qualifiée. Le bureau politique qui doit convoquer a 35 membres, et il faut nécessairement la moitié plus un. Mais rendez-vous compte, il y a que 8 personnes qui ont décidé de convoquer ce congrès. Sur ces personnes, il y a six qui ont persisté et signé. J’ai dit maintenant essayons de consulter par écrit tous ceux qui ont assisté au moins deux fois aux réunions. Cela n’a pas été fait. Le budget n’a pas été bouclé. J’ai dit dans ce cas qu’il fallait reporter le congrès à une date ultérieure pour qu’on se prépare conséquemment. C’est dans cette situation que les frondeurs ont persisté et signé pour faire le congrès les 2 et 3 mars dernier. En dehors de toute légalité et de toute légitimé. J’étais en France, j’étais en deuil, j’étais en train de préparer l’après deuil. Bref, j’ai dit de reporter. Ils ont persisté et signé pour aller au congrès. C’est un congrès qui fait tache d’huile et qui fait problème. A mon retour, mes partisans m’ont accueilli au siège. Parce que c’est facile de dire que je suis légalement élu, mais et ta légitimé, elle sort d’où ? 23 sur 124 délégués qui viennent pour faire une élection. Ensuite, tous les postes sont électifs. On a élu seulement le président. Et qu’en est-il des autres postes ? Donc en fait, tout le problème était au niveau du président. C’était moi qu’on cherchait. J’ai dit non. Malgré les illégalités que j’ai constatées, ils ont fait des entêtes parallèles, des cachets parallèles, ils ont avoué. Je leur ai demandé d’obtempérer, ils m’ont ramené tout ce qu’ils ont fait. Je me suis remis encore dans la dance pour dire en attendant, il faut évaluer le budget. Ils me disent non, à l’UPG, c’est au fur et à mesure que le budget se fait.
Guinéenews©: cela veut dire que finalement vous avez accepté d’aller au congrès…
Me Jean Alfred Mathos: finalement j’ai accepté, j’ai dit on va au congrès, mais on rassemble tout le monde, parce qu’il faut préparer le congrès comme il se doit, malgré ces failles. Ils ont persisté et signé à mon absence. Je dis non, je ne peux pas accepter cela.
Guinéenews©: il semble que finalement la famille de feu Jean-Marie Doré s’est impliquée pour régler la crise au sein de l’UPG ?
Me Jean Alfred Mathos: la famille Doré qui est notre caution morale, nous a réunis pour dire qu’elle ne peut pas admettre de voir l’UPG être comme d’autres partis. On a arrêté quelque chose qui disait qu’on maintient le mandat tel qu’il est, mais on fait une feuille de route afin que le président Mathos et son équipe s’organisent pour que les états généraux et le congrès se tiennent au plus tard en fin juin. Parce que les législatives arrivent. Voilà ce qu’on a arrêté. Malgré cela, les 9 frondeurs continuent à persister pour faire valider un congrès qui est illégal. Vous savez, les conséquences de cela, c’est quoi ? S’ils persistent et que j’attaque en justice, c’est suspensif de toute activité politique. Je ne souhaite pas cela. C’est pourquoi je profite de votre tribune pour dire que et la légalité et la légitimité, c’est ce qu’il faut rechercher. Si je dois prouver la légitimité, c’est au congrès extraordinaire que je dois le faire. Donc j’appelle les uns et les autres de raison garder, comme dit le jargon, de mettre balle à terre et de mettre de l’eau dans son vin. Nous sommes tous des croyants, nous avons hérité d’un parti qui est fort et dans le paysage politique, l’UPG doit compter.
Guinéenews©: vous venez de faire vous-mêmes votre mea-culpa, il y a eu beaucoup de choses qui n’ont pas marché, la remobilisation des troupes après la mort du leader. En plus, il vous est reproché de vous être mis sur la liste de l’UFR aux élections communales à Ratoma, en tant que leader. Que répondez-vous ?
Me Jean Alfred Mathos: pour la petite histoire, vous savez, le parti politique est un parti national. Nous avons un fief en Forêt. Nous avons dit intelligemment, on ne va pas se présenter partout, on va se présenter là où on peut gagner. Mais après, je me suis réveillé un jour et j’ai dit quelle est la clé qui va nous permettre de rentrer à Conakry ? C’est là où tous les partis politiques se battent, au niveau des cinq communes de Conakry. Je dis, puisque les listes n’étaient pas prêtes pour Conakry, il faut aller avec l’UFR avec qui l’UPG a une alliance au parlement. Ce n’est pas moi qui l’ai faite, je l’ai trouvé en place. J’ai dit à l’UFR de nous donner une place. C’est comme cela que j’ai fait les choses. Et je ne pouvais plus donner une autre personne. Mais vous savez, les élections communales, c’est à la tête du client. C’est la personne qui est en face. Les jeunes et les femmes de Ratoma me réclamaient. Je suis là-bas depuis 1998. Et vous savez que je suis à Conakry depuis ma naissance. C’est par là que j’ai voulu aller pour pouvoir pénétrer à Conakry. Ils n’ont pas compris. Ils m’ont dit en tant que président de l’UPG, ce n’était pas faisable. Légalement si ce n’était pas possible, je ne serais pas sur la liste. J’ai dit d’accord, en termes de symbole, ce n’est pas bien que je représente l’UPG. Mais je défie quiconque qui est membre du bureau de se présenter comme candidat dans un quartier de Conakry. J’ai accepté de démissionner de mon poste électif pour que les querelles se taisent afin qu’on avance. Malgré cela, ils persistent et signent.
Guinéenews©: vous avez dit tout à l’heure que c’est le parti qui compte pour vous parce que ne voulez pas à une situation qui ternirait l’image de l’UPG. Mais au cas où la médiation de la famille Doré n’aboutit pas, que comptez-vous faire ?
Me Jean Alfred Mathos: je remercie monsieur Togna Doré, Evêque évangéliste qui nous a reçus, il a fait des prières et nous a demandé de reprendre le congrès et d’aller dans le sens de l’apaisement et que le mandat s’arrêtera là-bas si je le veux ou qu’il continuera jusqu’à terme. Malgré ce conciliabule, parce qu’on dit un mauvais arrangement à l’amiable vaut mieux qu’un bon procès, je suis derrière ça. Je suis juriste, mais malgré cela, ils continuent à persister et à signer… Je dis que la loi est dure, mais elle est valable pour tout monde. S’ils persistent, j’appliquerai la loi. Parce que ce n’est pas à cause de trois à six personnes que l’UPG va continuer à souffrir. En tant que président de l’UPG, j’appliquerai la loi et la loi va sévir.
Interviews réalisée par Guilana Fidel Mômou pour Guinéenews