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Concession du port, habitat, nouvelle compagnie aérienne, insalubrité, le député Demba Fadiga à cœur ouvert à Guinéenews©

Depuis quelques semaines, la question de la concession du port conventionnel de Conakry à la société Turque Albayrak est au centre de tous les débats et déchaine les passions les plus folles dans la cité. Aujourd’hui, ce contrat fait l’objet d’un bras de fer entre les travailleurs du port via leur syndicat et le gouvernement qu’ils accusent d’avoir bradé ledit port.

Devant cette crise ouverte, Guinéenews© a rencontré le président de la commission Habitat, Travaux publics et Transport. Dans cette interview qu’il a bien voulue nous accorder, Elhadj Demba Fadiga, également député uninominal RPG de Kindia, livre sa part de vérité. Par ailleurs, il s’est exprimé largement sur la problématique du transport lié à la dégradation du réseau routier guinéen. Lisez !

Guinéenews© : actuellement, la question de la concession du port de Conakry à la société turque Albayrak, fait l’objet de beaucoup de commentaires. Quelle est votre lecture là-dessus ?

Demba Fadiga : effectivement, entre autres vocations de ma commission, figure le secteur des Transports. Ce n’est pas une particularité  à la Guinée quand le transport n’est pas correctement réalisé. Si la mobilité est bien assurée, le plus petit producteur qui se trouve aux confins de la Guinée, pourra acheminer sa marchandise partout dans le monde. Donc, c’est pour cette raison que le port est important.

Un port comme vous le savez, c’est un lieu d’escale composé de plusieurs quais qui permettent de recevoir des navires de tout type. Aujourd’hui, le problème fondamental du port, c’est qu’il y a une concession qui en est  cours. En termes de concession, la gestion d’un lieu dans une période bien déterminée contre des avantages pour le concédant, est différent d’une vente. Il faut employer le terme qui convient, mais il s’agit selon les informations que nous avons pour le moment, parce que le dossier, lui-même, n’est pas entre nos mains et nous allons faire en sorte que nous puissions l’examiner pour voir s’il obéit aux termes d’une convention. Il s’agit donc de la concession de certains quais dits conventionnels à une société Turque qui s’appelle Albayrak. Nous n’avons pas en ce moment le document entre nos mains. Donc, nous ne pouvons pas nous fier de ce que nous entendons sur les ondes et dans les communications du ministre des Transports. Mais pour asseoir la conviction du peuple et même de l’Assemblée nationale sur le bien-fondé de cette option, il est normal que ce document soit entre nos mains. Après lectures et analyses, nous pourrons nous prononcer là-dessus. Nous sommes à ce niveau-là. Lors de la dernière plénière, il y a eu beaucoup de commentaires par rapport à tout cela. Nous estimons qu’il est de notre devoir en tant que président de la commission des Transports, de nous intéresser à ce dossier pour savoir si la concession est faite dans les règles de l’art, si le personnel du port est protégé et si la Guinée a un intérêt dans cette convention. On ne peut pas dire que quand il y a convention que c’est la Guinée seulement qui aura son intérêt.

Les intérêts doivent être partagés, le concessionnaire doit avoir quelques avantages et vice-versa. Donc il est de notre devoir en tant que député de nous adresser à l’exécutif pour obtenir le dossier et analyser la situation en faveur de notre peuple qui nous a élus  et pour lequel nous devons nous employer à couvrir ses intérêts.

Guinéenews© : le gouvernement a-t-il respecté les procédures dans la concession du port de Conakry à Albayrak ? Ne devait-il pas consulter l’Assemblée nationale avant la signature du contrat ?

Demba Fadiga : non ! Ce n’est pas comme de la sorte que les choses se passent. Vous savez, il y a des procédures d’urgence qui peuvent amener un Etat à faire des actions. Tous les projets qui nous arrivent ici ne sont pas soumis à notre appréciation. C’est après les signatures, qu’on nous envoie le projet pour l’examiner. Donc pour l’instant, on ne peut pas dire que la procédure est faussée. Nonobstant le fait que les signatures sont faites,  le document devrait normalement nous parvenir. C’est en ce moment que nous allons nous prononcer au nom de l’Assemblée Nationale.

Guinéenews© : avez-vous pris langue avec le ministère des Transports après avoir appris la situation qui se passe au port ?

Demba Fadiga : quand j’ai entendu parler de ce dossier, je me suis employé à prendre contact avec les personnes qui sont censées gérer la situation. J’ai fait un déplacement vers le ministère des Transports pour essayer d’obtenir d’amples informations. Mais finalement, je n’ai fait que prendre rendez-vous avec le ministre à travers son secrétaire général afin que nous ayons un entretien. Nous allons leur demander de nous donner les informations nécessaires pour répondre aux interrogations de nos mandants. Quand il y a des clameurs comme c’est le cas de ce projet et comme l’a fait le ministre des Transports, il doit expliquer à la population les tenants et aboutissants de ce contrat. Mais ce que je sais, le port a besoin d’investissements, on a besoin de faire des investissements dans notre port pour que la Guinée aussi soit comme les autres pays. On ne peut pas rester à gérer les mêmes désagréments. Si on peut faire comme ce fut le cas du Terminal à conteneurs, apporter une amélioration dans la façon de travailler  pour améliorer les cadences, c’est bien. Mais cela doit se faire dans le respect des intérêts de la Guinée et des travailleurs guinéens.

Guinéenews© : plusieurs marchés ont été octroyés à des sociétés sans appel d’offres au préalable. Quelle est votre position sur cet état de fait, surtout avec le scandale de corruption qui a éclaté sur la concession du Terminal à conteneurs au groupe Boloré.  

Demba Fadiga : le cas de Boloré a été fait sur un appel d’offre bien avant ce régime. C’est un dossier d’appel d’offre qui avait été fait, mais l’attribution n’était pas conforme aux règles de l’art. C’est ainsi que le deuxième parmi les souscripteurs a bénéficié du projet.  Parce que le premier était défaillant. Donc cela, est un autre volet. Pour ce qui concerne ce dossier proprement dit, je ne peux pas vous donner toutes les informations maintenant. Parce que ni moi, encore moins ma commission n’a vu le contrat. C’est très dangereux de parler sur quelque chose qu’on ne connait pas. C’est pourquoi nous avons demandé un rendez-vous au ministère des Transports pour obtenir des informations précises afin de communiquer clairement à l’ensemble des députés et à toutes les parties prenantes sur les contours du dossier  qui, nous le pensons, seront à l’avantage de notre pays.

Guinéenews© : après examen du document et vous constatez qu’il y a des anomalies, qu’allez-vous faire à l’Assemblée ? 

Demba Fadiga : c’est cela notre rôle normalement. Les dossiers viennent ici pour que nous puissions apporter des réserves, des commentaires, des suggestions. Sinon ce n’est pas la peine. Donc, si le document nous parvient, s’il contient des anomalies, nous allons apporter des réserves et des suggestions afin que les décideurs de l’exécutif puissent en tenir compte. Je crois que c’est la moindre des choses.

Guinéenews© : ce n’est un secret pour personne, le réseau routier guinéen est dans un état de dégradation avancée. En tant que représentant du peuple, quelle appréciation faites-vous de cette situation. Quelle  solution préconisez-vous pour changer la donne

Demba Fadiga : le réseau routier guinéen souffre de la mauvaise utilisation. Nous avons eu à voter ici une loi pour la protection du réseau routier. Ailleurs, le transport ferroviaire suppléait le transport routier. Aujourd’hui, tout est transporté en Guinée par la route. Ce sont les camions qui sont généralement surchargés et notre pays aussi a une pluviométrie abondante… La terre n’est pas totalement stable et si vous mettez dessus des camions avec des poids qui dépassent les normes. On met dans les camions tout ce qu’on veut pour avoir plus d’argent et à la clé vous avez la destruction de la chaussée. En dehors de tout cela, il y a aussi des personnes qui se permettent de mettre le feu sur les routes lors des manifestations, ou qui y déversent de l’huile de moteur usagée. Il faudrait une sensibilisation dans l’ensemble. La construction des chaussées aussi doit se faire selon des normes précises et des contrôles doivent être opérés à chaque fois…Tout ne peut pas être fait le même jour, mais sachez que nous, nous employons à travers nos contacts fréquents avec le département des Travaux Publics à ce que les routes guinéennes soient parlantes. Parce que quand vous avez une route qui est bien matérialisée avec des indications, cela permet au conducteur d’évoluer en toute sécurité tout en évitant les accidents. Trois facteurs sont à la base de la sécurité routière à savoir, l’état du conducteur, l’état de la route et celui du véhicule. S’il y a une défaillance dans l’un de ces états, c’est ce qui provoque les accidents qui sont très nuisibles pour l’économie nationale. Parce qu’on peut y perdre des cadres, des fils du pays. Dans la conception actuelle des routes, il y a même des possibilités de faire en sorte que les motocyclistes aient leurs voies, les véhicules et les bus également. (…). Nous connaissons aujourd’hui que tout le monde circule n’importe comment et c’est un facteur qui provoque souvent des accidents. Aussi les agents qui sont chargés de contrôler la circulation, doivent être très stricts pour appliquer la loi en toute sa rigueur, leur rôle doit être surtout de prévenir mais aussi de sanctionner. Il faut qu’ils fassent en sorte que la circulation soit réglementée.  Il ne faut pas attendre que quelqu’un fasse une mauvaise conduite pour le sanctionner. Il faut l’empêcher de faire la mauvaise conduite.   D’autre part, il y a l’état des véhicules. Le contrôle technique doit être instauré parce que depuis 2003 on n’a pas fait. Les véhicules qui circulent dans ce pays doivent être dans de meilleures conditions. Le pont de Linsan par exemple s’est écroulé parce qu’un camion surchargé et dont les pneus ont éclaté au moment où il était sur le pont et tout le poids a basculé d’un côté.  C’est ancré dans les mentalités des chauffeurs qu’il faut seulement avoir des pneus neufs devant et le reste on peut mettre n’importe où. C’est une mauvaise conception de la chose. Il y a beaucoup de chose à faire mais chacun doit s’y employer. C’est une question qui concerne tout le monde. Que ce soit les usagers ou encore les conducteurs, les professions doivent être délimitées. On doit savoir qui est chauffeur, qui est conducteur ou qui est transporteur. Les forces de l’ordre doivent se mettre en ordre de bataille pour assainir le secteur afin que nos routes soient protégées.

Guinéenews© : depuis la disparition de la compagnie nationale Air-Guinée, notre pays peine à avoir un avion pour assurer le trafic national ou international.  Y a-t-il un projet dans ce sens ?

Demba  Fadiga : Nous avons posé ces questions au ministère des Transports. Des contacts ont été pris avec la compagnie Ethiopian pour trouver des possibilités en matière d’avions qui puissent faire non seulement l’intérieur du pays mais aussi redorer notre blason en matière du transport  aérien. Ces accords évoluent correctement. Il y a même dans le budget des volets pour la rénovation des aérodromes de l’intérieur à savoir Labé, Kankan, N’Zérékoré (…). Cela fait partie des demandes des cadres du ministère des Transports.  Ce qui veut dire que c’est une préoccupation pour  nous. Comme dans tous les pays il nous faut aujourd’hui une compagnie pour pouvoir se déplacer assez rapidement d’un bout à l’autre de la Guinée. C’est aussi un honneur, une fierté pour les Guinéens de  revoir un avion estampillé de leurs couleurs dans les cieux.

Guinéenews© : en plus des transports, les questions relatives à l’aménagement de la ville sont-elles examinées par votre commission. Et depuis quelques semaines, une vaste opération de déguerpissement est engagée par le ministère de tutelle dans plusieurs quartiers de Conakry, avez-vous été consulté ?

Demba Fadiga :  nous avons depuis 2015 eu à examiner ici un projet de loi portant sur le code de la construction et de l’urbanisme qui détermine exactement ce qu’il faut faire pour construire une maison et dans quel endroit le faire. Si vous voulez construire, vous devez obtenir le permis de construire. Mais en général, les Guinéens passent à côté de la loi alors que si vous réclamer le permis de construire, il y a des documents qu’on peut vous demander qui vous permettront de savoir si le lieu où vous voulez construire répond aux normes d’habitation. Mais nous voyons seulement les gens élever des murs sans se référer même aux spécialistes en la matière. L’écroulement récent d’un immeuble en construction à Kaloum en est une illustration. Donc, il faudrait que nous soyons comme les autres, qu’on puisse accepter que la loi soit appliquée et que même si vous voulez démolir, il y a obligation pour vous d’obtenir le permis de démolition. Entre les habitations, la loi demande à ce que chacun accepte de céder 60 cm de part et d’autre. Ce qui fait 1 mètre 20 qui va permettre l’écoulement des eaux de ruissèlement. Mais chez nous, on voit des constructions qui sont soudées et empêchent le passage de l’eau. Il y a même des gens qui construisent dans les lits des marigots au-dessus des cours d’eau. C’est incroyable et quand l’eau est bloquée, il faut qu’elle trouve un passage et c’est ce qui provoque des catastrophes. J’apprécie hautement les actions du ministre de la Ville parce qu’il fait cela pour protéger des vies humaines. Les gens dont les habitations sont touchées  aujourd’hui vont penser que l’Etat est en train de leur faire du tort. Mais le mieux, il  faut être déguerpi que d’être tué par les eaux. Si vous restez dans ces conditions indécentes vous pouvez être malade. Simplement parce que l’humidité dans ces lieux n’est pas conforme aux normes sanitaires. La récupération des domaines de l’Etat, on en a besoin pour la construction d’infrastructures publiques, il y a des quartiers où il n’y a ni cimetière, ni école publique encore moins le poste de police ou de gendarmerie. Sachez que nous sommes au courant de ce qui se fait dans ce domaine et nous félicitons l’Etat pour ces initiatives. Vaut mieux faire cela maintenant que d’attendre que la situation soit complètement ingérable.

Guinéenews© : la question de l’occupation anarchique des emprises et la décharge de Dar-es Salam reste une préoccupation surtout après le drame qui a causé la mort d’une dizaine de personnes l’année dernière. Que préconisez-vous pour résoudre définitivement ce problème ?   

Demba Fadiga : j’adresse d’abord mes condoléances aux familles qui ont été victimes de cet éboulement. Ce sont des Guinéens qui sont morts en ces lieux. Cela ne fait plaisir à personne, mais le gouvernement a demandé à ceux qui sont sur ce site de quitter. Il a même accordé 20 millions à chacune des familles concernées par ce déguerpissement. Mais personne n’a encore touché à cet argent. Elles disent de l’augmenter. N’oubliez pas qu’il y a eu un premier dédommagement en 1997 avant l’arrivée du Pr Alpha Condé. J’ai vu la liste avec les signatures. Donc là où on a déjà dédommagé des gens pourquoi revenir se réinstaller en ces lieux. On ne peut pas changer les données. Car si on dit qu’une zone est réservée, tôt ou tard vous aurez des problèmes avec si vous vous entêtez en vous y installant. Alors nous demandons à nos frères qui sont là-bas d’accepter de se reloger ailleurs avec les moyens que l’Etat a mis à leur disposition comme mesure d’accompagnement. Sinon en cas de nouvelles catastrophes, c’est la Guinée qui va encore perdre.

Guineenews© : vous ne trouverez pas d’inconvénient à ce que l’Etat les déguerpis en cette saison de grandes pluies ?

Demba Fadiga : non ! Ce n’est pas maintenant, cela est clair.  L’Etat n’est pas sauvage, nous avons un Etat quand même qui ne va pas déguerpir les gens pendant la saison pluvieuse. Je ne pense pas, mais dès que la pluie aura cessé, il faudra trouver des solutions assez rapidement à cela.

Guinéenews© : pourtant, c’est pendant cette période hivernale  que le risque d’effondrement est grand ? 

Demba Fadiga : c’est vrai, le risque est grand. Mais quand vous allez tout de suite vous attaquez à ces pauvres populations, leur demander de quitter les lieux avec tout ce que cela peut entrainer comme pagaille surtout sortir quelqu’un sous la pluie, je pense que c’est plus dangereux. Ce n’est pas le moment. Nous prions le bon Dieu  que ces populations, durant cette petite période, soit préservée de toute catastrophe. Nous demandons au Tout Puissant Allah de les protéger jusqu’à ce que des mesures idoines soient envisagées en ce qui concerne leur situation.

Guineenews© : nous sommes à la fin de cette interview, un dernier mot ?

Demba Fadiga : je dois faire comprendre à nos frères que tout ce qui nous unit, c’est la Guinée. C’est ce pays nous devons protéger ce pays et faire en sorte qu’il y ait la paix en Guinée. Cette paix n’a pas de prix. Nous devons ensemble, toutes ethnies confondues, nous donner la main. Dieu nous a donné les ressources nécessaires, notre pays a beaucoup de potentialités mais ce qui manque à la Guinée, c’est la mentalité de développement. Je souhaite que chacun ait cette mentalité de développement que les barrières ethniques soient effacées et qu’on se donne la main ensemble pour avoir beaucoup plus de forces afin de  rattraper le retard que nous avons enregistré par rapport aux autres pays de la sous-région.

Une interview réalisée par Fatoumata Dalanda Bah et Sékou Sanoh pour Guinéenews©

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