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Conakry : tenue des assises nationales du ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle

Le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle a tenue ses assises nationales ce vendredi 29 avril 2022, à Conakry. Outre les cadres du département, la rencontre a mobilisé les responsables des institutions d’enseignement technique et professionnel de capitale ainsi que des étudiants venus de ces différentes institutions.

Selon Mme Yansané Fatou Baldé, cheffe de Cabinet du ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, xes assises visent non seulement à rassembler les Guinéens autour de la vérité et du pardon, mais également à établir les mécanismes de non répétition des faits que le pays a connus par le passé.

Dans sa prise de parole, comme pour aiguiser l’envie aux participants de se vider de leurs problables ressentis face à l’histoire du pays, le Secrétaire général du département a commencé par rappeler le traumatisme que lui et les autres membres de sa famille ont éprouvé suite à l’interpellation de leur défunt père, suivie de l’incarcération de celui-ci, sous le premier régime.

« Je commencerai par mon père, feu Elhadj Boundou Sylla (paix à son âme) qui était l’ancien maire du Pouvoir révolutionnaire local de Madina-école. Il a été arrêté et conduit au Camp Boiro. On l’a juste arrêté parce que, selon les gourous de l’époque, il était trop enthousiaste et trop aimé par les populations relevant de sa juridiction. Donc, il a été arrêté nuitamment, manu militari et conduit au Camp Boiro. Il s’en est sorti indemne. Et c’est le président Sékou Touré lui-même qui a ordonné de le libérer, parce qu’il n’avait rien fait. Alors jeunes, ça nous a traumatisés. Et on a vécu ce traumatisme-là pendant longtemps », a expliqué Dr Youssouf Boundou Sylla.

« Ensuite, poursuivra-t-il, en 2005, fraîchement gradué à l’université, à l’étranger, je suis rentré en Guinée pour valider mon doctorat. J’ai été arrêté au temps du Général Lansana Conté sous prétexte que j’étais un danger pour le régime. Quand je venais d’arriver, ils avaient tout fait pour me récupérer, se basant sur la fibre ethnique. Mais en réalité, c’était de m’approcher et m’abattre.  J’ai vu ça venir. J’ai résisté à la tentation. Ils m’ont arrêté. Heureusement, en moins de 24H, je fus libéré par le président Conté lui-même ».

Tout en rappelant qu’on ne peut pas construire un pays sur la base du mensonge, de la délation et de la violation des droits de l’homme, le Secrétaire général du département a invité les uns et les autres à faire des témoignages sur le tort qu’on leur aurait fait subir à un moment de leur vie.

A sa suite, M. Sékou 2 Camara a conté un récit douloureux qui tire sa genèse d’un fait survenu au temps de la Révolution quand un ami à son père lui a dit que le régime venait l’arrêter pour l’emprisonner. A en croire l’orateur, à la suite de cette alerte, son papa a quitté le domicile familial pour une destination inconnue, laissant derrière une épouse enceinte de 7 mois.

« Ma maman après nous avoir donné la vie, mon frère jumeau et moi, est décédée peu après », a-t-il relaté sous une attention soutenue de l’assistance.

Désormais confié à sa grand-mère maternelle, il dit avoir perdu celle-là également alors qu’il faisait la troisième année de l’école primaire. Et par la suite, il apprendra le décès de son père aussi depuis l’extérieur.

Aujourd’hui, fonctionnaire d’Etat,  Sékou 2 Camara reste reconnaissant des parents de ses amis qui l’ont soutenu tout au long de son cursus scolaire, même si par moments, il dit avoir colporté les bagages à Madina pour pouvoir s’assurer le minimum afin de poursuivre les études. Mais grâce à ces assises, il a promis de s’efforcer à oublier tous ces faits et à les pardonner.

Dans sa communication, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation a tout d’abord situé ces assises dans leur contexte historique. Selon Mory Condé, à l’effet d’unir le peuple de Guinée après que chacun ait pardonné à l’autre, une commission provisoire nationale de réconciliation a été mise en place avec l’appui des partenaires des Nations-Unies, dirigée par Mgr Vincent Koulibaly et Elhadj Mamadou Saliou Camara, l’imam de la mosquée Fayçal, allant de la période 1958 – 2016.

« Ces deux religieux ont travaillé avec une équipe.  Ils ont fait l’état des lieux de l’ensemble des violences, crimes et  violations des droits de l’homme que nous avons connus de 1958 à 2016. Ils ont produit un rapport qui a été remis officiellement au gouvernement à travers le président d’alors. Le rapport à été classé, parce qu’il touchait à plusieurs intérêts de certaines personnalités qui, à l’époque, étaient censées être proches de ce dirigeant », a rappelé le ministre de l’Administration duterritoire.

Et de poursuivre : « Le 5 septembre, après la prise du pouvoir, les heures qui ont suivi, le Colonel avait fait une déclaration pour faire appel à tous les Guinéens afin de bâtir une nouvelle Guinée. Et pour bâtir cette nouvelle Guinée, il faut qu’on se rappelle de ce qui a été posé comme acte, positif ou négatif, qu’on puisse se dire la vérité, que ceux qui sont prêts à pardonner ce qu’ils ont subi puissent pardonner et que la justice aussi puisse être amenée à faire son travail ».

En outre, il a rassuré que ces assises ne vont pas faire ombrage aux actions de la justice. Plutôt, elles visent à ce que les Guinéens se disent certaines vérités.

Qualifiant la tenue de ces assises d’exercice de vérité et de dialogue, le ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle a défini le dialogue comme un processus dynamique interactif qui se passe entre deux, trois ou plusieurs personnes.

A ce titre, Alpha Bacar Barry a dit qu’après avoir dialogué et compris, l’idéal est de se débarrasser du vénin de la rancœur, de se débarrasser du pressentiment et surtout du ressenti.

« Dialoguer, c’est ce qui nous manquait depuis 1958, parler et changer, aménager dans nos différentes structures des espaces d’échanges dans lesquels nous pourrions nous dire les vérités, nous pourrions nous dire nos ressentis, nous pourrions nous exprimer. Je pense qu’on a commencé un exercice qui ne s’arrêtera pas au 29 avril. Il est d’ailleurs difficile d’arrêter un phénomène social. Cela va permettre de construire graduellement un environnement apaisé, un environnement de dialogue », a évalué le ministre.

A la fin de cet exercice, Alpha Bacar Barry a émis l’espoir qu’on se parle, se regarde dans les yeux et se dire les vérités. Mais au-delà des vérités, qu’on se pardonne, parce que condamnés à vivre ensemble en tant que Guinéens.

« On peut changer de nationalité. On ne changera pas de famille. On ne changera pas de pays. On n’emportera le bout de terre qui nous appartient. On ne l’amènera nulle part. On passera des années et des années à l’étranger, le désir, l’envie de revenir nous rattrapent toujours. Et on voudrait revenir garder ce pays pour nos enfants dans un environnement et dans une atmosphère apaisés. Sans cela, on ne peut pas aspirer à se développer. On ne pourra pas engager un processus de développement en toute sérénité. La sérénité, le dialogue, la participation, c’est tout cela qui constitue un pays », a-t-il enseigné.

Et pour finir, il a invité les travailleurs de son département à se parler, à dialoguer et à taire les rancœurs. « Construisons notre pays dans le dialogue, dans la franchise et surtout dans le pardon. Je pense que c’est le meilleur lait qu’on peut faire à nos enfants », a conclu le ministre Barry.

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