Alors que le corps de Abdoulaye Bah, chef de Bureau adjoint de Guinéenews à Conakry attend de regagner sa dernière demeure, les commentaires les plus contradictoires continuent d’alimenter à flots les débats à Conakry sur les circonstances de l’accident tragique qui lui a coûté la vie.
Face à la persistance de ce tollé, la Direction de Guinéenews s’est proposée d’aller à la rencontre d’un des témoins oculaires de cette tragédie. Il s’agit de notre confrère Ansoumane Toumany Camara, journaliste à la RTG Koloma qui faisait partie de l’équipe multimédia qui accompagnait la délégation. Voici in extenso ses témoignages qui, du reste, sont saisissants et affligeants :
«Dans la nuit du Samedi à dimanche 18 juin 2017, ils sont venus me chercher à 2 heures du matin. A bord du véhicule, il y a avait l’assistant en communication du ministre des Travaux Publics, Moustapha Naïté, Abdoulaye Bah du site Guinéenews et Abou Koria Kourouma, caméraman de Espace TV. Nous étions au nombre de cinq personnes, y compris le chauffeur. Nous sommes venus chez le ministre Moustapha Naïté où nous avons été rejoints par le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi Jeunes, Mouctar Diallo.
De là, nous sommes arrivés à Madina où les opérations d’assainissement ont commencé… De là, nous sommes arrivés au marché d’Avaria où nous avons été rejoints par le ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, Dr Ibrahima Kourourma. C’était aux environs de 3 heures du matin. Notre collègue Abdoulaye Bah faisait un direct sur la page Facebook du site Guinéenews. Si vous avez les archives, vous pourrez entendre le commentaire qu’il faisait. Il disait ceci : «voici comment la ville de Conakry est salle. Les opérations d’assainissement ont débuté (…)». En venant, moi j’étais assis dans le véhicule à l’angle droit. Quand il était question de s’embarquer pour aller à Matoto, Abdoulaye Bah a un peu retardé. Du coup, moi je suis arrivé au milieu et lui, il a pris ma place. Abou Koria Kourouma aussi était assis à l’angle gauche juste derrière le chauffeur.
Arrivés au rond-point de Matoto, les ministres ont visité le chantier des opérations d’assainissement. Après, nous avons procédé à des interviews et Abdoulaye Bah était toujours en direct. Quand nous avons fini les interviews, il était question que nous continuions sur Linsa (Kindia). Entretemps, il a été demandé que chacun de rejoindre son véhicule. Pendant que nous traversions la route, Abdoulaye Bah et Koria Kourourma sont venus juste au niveau du terre-plein avant le rond-point de Matoto en allant vers la Tannérie. J’ai entendu Abdoulaye Bah et Koria Kourouma dire qu’ils vont prendre les dernières images. C’est pendant qu’ils prenaient ces images, nous avons vu venir deux voitures à vive allure. Le premier véhicule qui était devant, a subitement freiné à notre niveau puisqu’il avait vu les attroupements, des véhicules avec les feux de positionnement ainsi que les machines qui travaillaient.
Dès que la première voiture de marque Citroën a brusquement freiné, l’autre voiture, de marque Hyundai est venue percuter la première en la propulsant de l’autre côté de la route. C’est-à-dire, il a sauté par-dessus le terre-plein. Et c’était malheureusement à ce niveau que nos confrères étaient arrêtés. Abdoulaye Bah qui était sur la trajectoire de la voiture, a été violemment propulsé vers le caniveau où les camions ramassaient les ordures.
Abou Koria Kourouma, quant à lui, a été trimballé par la voiture sur environ 20 mètres. Abou Koria portait un sac à dos qui s’est accroché au pare-choc du véhicule avec sa gabarie, Abou Koria, disons-le, a été très chanceux parce que le véhicule n’a pas pu marcher sur lui.
Dès après, nous sommes venus sur les lieux pour voir quels sont ceux qui sont touchés dans le groupe. Pendant ce temps, Abou Koria Kourouma criait. Une dame m’a interpellé en soussou en disant qu’un ami est couché de l’autre côté. Quand j’ai été voir, j’ai constaté que c’était Abdoulaye Bah. Je l’ai appelé à plusieurs reprises, mais ne répondait pas. Il avait son sac que j’ai porté à l’épaule. A l’intérieur dudit sac, il y avait sa tablette et d’autres objets… J’ai appelé au secours. Car, Abdoulaye Bah ne se remuait pas. Avec le concours du conducteur du camion, nous l’avons fait embarquer avec Abou Koria derrière un des Pick-up. Le deuxième assistant en communication du ministère des TP, du nom de Kaké a eu, de son côté, un pied fracturé. Ils étaient tous embarqués dans le même Pick-up. Nous avons fait coucher Abdoulaye Bah et Koria Kourouma. Le ministre Naïté et son assistant Tidiane sont restés à côté d’Abdoulaye Bah derrière le Pick-up. C’est le ministre Naïté même qui tenait la tête d’Aboulaye Bah. A chaque fois qu’il y avait la moindre secousse, Abou Koria poussait des cris.
Arrivés à Yimbaya Tannérie, nous nous sommes posé la question où les conduire. Le ministre Naïté a proposé la clinique Ambroise Paré. Pendant ce temps, d’autres ont suggéré d’autres hôpitaux dont Ignace Deen. Finalement, il a été convenu de les envoyer à l’hôpital de l’Amitié Sino-guinéenne.
C’est entre Cosa et Bambéto qu’Abdoulaye Bah a commencé à se remuer, il voulait même s’asseoir, mais entretemps, nous lui avons dit de se coucher. Durant tout le trajet, le ministre Naïté n’a jamais cessé d’appeler Abdoulaye Bah qui ne répondait pas.
Arrivés à l’hôpital Sino-guinéen, ils ont reçu les premiers soins. Leurs habits étaient complètement imbibés de boue et de sang (…). Après les premiers soins, le médecin m’a dit de rester à côté de Abou Koria. Au même moment, les médecins étaient avec Abdoulaye Bah qui avait des corps étrangers dans son corps. Des graviers avaient pénétré sa mâchoire et même au niveau de la gorge. Les médecins m’ont montré deux cailloux qu’il avait extraits du corps d’Abdoulaye Bah. C’est ce qui le faisait beaucoup saigner, m’a-t-il dit. J’ai dit Dieu merci si tout est sorti de son corps. Abdoulaye Bah en ce moment avait commencé à sentir la douleur surtout quand on le touchait.
Pendant ce temps, Koria Kourouma se plaignait de douleur. Il demandait de lui administrer des somnifères pour qu’il puisse trouver le sommeil tellement qu’il avait mal. C’est ainsi qu’ils ont envoyé Abdoulaye Bah dans la salle de réanimation après avoir lui installé des perfusions.
Pour ceux qui doutent encore qu’il n’y avait pas d’alcool dans le véhicule, j’insiste et je persiste qu’il y avait bel et bien de l’alcool à bord de la Hyundai. Il y a avait même une boite de Faxe qui n’était pas ouverte et une bouteille d’alcool sec estampillée GIN.
La seule chose que la police a eu à faire, c’est de tenir le verre assis dans le fauteuil pour que l’on puisse le photographier. Sinon la bière et le liqueur étaient dans le véhicule.»