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Collectivités locales : que retenir de la gestion des maires de Conakry, 3 ans après leur élection

Polémique, mésentente, confusion, conflits, violences politiques ayant entrainé des dégâts matériels et des morts. Tel était le triste spectacle qui a émaillé les élections communales et le choix des maires en 2019 à Conakry. Trois ans après ces élections controversées, qu’est-ce que ces élus locaux ont-ils fait concrètement dans leurs communes ? A quoi ressemblent les communes de la capitale guinéenne aujourd’hui ?  Dans ce dossier qui suit, Guinéenews vous apporte quelques éléments de réponse.

Conakry présente aujourd’hui un visage peu reluisant. Elle ressemble à tout sauf à une capitale. Cet avis est largement partagé dans l’opinion à Conakry et même ceux qui y mettent pieds pour la première fois. La plus grande ville de la Guinée qui s’étend sur une superficie de près 450Km² avec ses trois millions d’habitants, connait un désordre et croupit sous le poids de l’insalubrité. Les cinq communes exceptée une seule, connaissent les mêmes réalités. Véritable poumon économique, Conakry qui abrite l’essentiel des entreprises de tous les secteurs d’activités, a du mal à se défaire du désordre et de l’anarchie.

Tous les lampadaires publics sont éteints, les caniveaux bouchés, remplis de déchets, les emprises publiques sauvagement occupés, les carcasses de véhicules abandonnés aux abords des grandes artères, occupation anarchique des voies publiques par les commerçants ambulants, manque de toilettes dans des marchés, aucun parking pour stationner les véhicules et faire des courses etc. Conakry, autrefois ville verte, est aujourd’hui devenue ville sèche avec des arbres centenaires sans feuillage. Et pourtant, que de promesses faites lors des campagnes des élections communales !

 Kaloum, Matam, Dixinn et Ratoma : les populations déçues de leurs Maires 

                               Mairie de Kaloum

Le cas de Kaloum, centre administratif et des affaires du pays, est le plus frappant. Cette commune qui abrite les trois Palais (Sékhoutoureya, le Palais des Nations et le Palais du Peuple), le port autonome, les départements ministériels, les sièges des banques, les plus grands hôtels implantés dans le pays, n’a pas fière allure. Elle ressemble à un gros village abandonné. Un vrai taudis qui héberge les populations les plus démunies.

Ainsi, après l’élection de Dame Aminata Touré, tout le monde s’est mis à rêver de voir rayonner cette commune phare du pays. Entrepreneur et femme d’affaires reconnue, la fille du défunt président de la République, Ahmed Sékou Touré, a été accueillie à Kaloum comme un sauveur qui venait au secours d’une commune abritant essentiellement des populations démunies vivant dans la précarité et l’insalubrité. Pour les habitants de cette vieille commune, la nouvelle Mairesse ferait mieux que ses prédécesseurs.

Et il y a de quoi ! Pendant la campagne n’a-t-elle pas promis de construire un nouveau marché de haut standing ? N’a-t-elle pas promis de nouveaux débarcadères aux pêcheurs et mareyeuses des quartiers de Boulbinet et de Temenetaye ainsi que de l’emploi aux jeunes désœuvrés de Kaloum ?

 Aminata avait promis aux populations de Kaloum monts et merveilles. Mais hélas ! Après deux ans, la montagne a accouché d’une souris. Dans les locaux de la mairie où nous nous sommes rendus, aucun conseiller n’a voulu s’exprimer sans l’autorisation au préalable de madame la mairesse, pourtant absente du pays. Seulement des langues se sont déliées dans les couloirs où on nous apprend que beaucoup de réalisations ont été faites depuis l’installation de la mairesse Aminata Touré. On nous parle de la peinture du bâtiment coloniale qui abrite le marché Niger, des pavées installées sur les trottoirs, des pirogues et des matériels de pêche offerts aux pêchers de Boulbinet et la réactivation des services des vieilles balayeuses dans les quartiers. Et le curage des caniveaux ? A cette question, on nous répond que ce programme a été perturbé par les travaux de canalisation engagés par le gouvernement.                                       

                                  Commune de Dixinn

Dans cette commune où l’inamovible maire Samba Diallo règne depuis onze ans, les rues sont complètement dégradées, les caniveaux bouchés depuis des lustres… En un mot, ce maire issu des rangs de l’opposition a fait deux mandats successifs sans résultats probants ! Samba Diallo qui s’impose à la tête de la mairie de Dixinn, cette petite commune, n’arrive pas à la faire décoller. Complètement phagocytée, elle a du mal à briller. L’insalubrité, le désordre, l’anarchie ont eu droit de cité. La preuve. A chaque saison pluvieuse, c’est l’inondation par endroits, c’est l’éboulement de la décharge qui engloutit les riverains. L’équipe communale tourne en rond sans jamais réussir un programme. Dans cette commune dirigée de main de fer par un maire de l’opposition, on explique les difficultés par le manque de moyens et le poids de l’administration publique.

« Nous n’avons pas assez de moyens comme les autres communes qui disposent des unités industrielles et des centres commerciaux de taille. Nous nous battons avec le peu qui rentre dans notre caisse. Nous n’avons pas grande chose », se lamente un conseiller communal qui a accepté volontiers de répondre à nos préoccupations avant de nous donner le rendez-vous le mois prochain pour, dit-il, mettre tous les documents à notre disposition.

                               Commune de Ratoma

Quant à cette mairie, la citadelle imprenable de l’opposition, c’est toujours l’anarchie avec des quartiers inaccessibles par manque de voies d’accès. C’est la commune qui abrite la quasi-totalité des hauts cadres du pays. On y trouve tous les quartiers résidentiels avec des habitations à haut standing. Malheureusement, c’est la commune la plus mal lotie avec des constructions anarchiques et avec une occupation sauvage des espaces publics.  Cette commune en expansion dont les responsables communales ont de la peine à maitriser l’assainissement et le développement est dépourvue d’infrastructures publiques.

Aux affaires depuis deux ans et demi, les responsables communales reconnaissent qu’il y a beaucoup à faire : le lotissement pour désenclaver des quartiers, l’assainissement, la construction d’un grand marché digne de nom, le nettoyage des cimetières dans les quartiers pour ne citer que ceux-là. C’est la commune la plus peuplée avec son corollaire d’insécurité. Au siège de la Mairie, les responsables n’ont daigné se prononcer à notre micro sous prétexte que la période ne sied pas pour s’exposer ou exposer les problèmes de la commune. Toutefois, on nous apprend que le Maire avait engagé un vaste programme d’assainissement qui a coïncidé avec les opérations de déguerpissement entreprises par le gouvernement.

L’insalubrité est devenue objet de critiques à Conakry où elle constitue une réelle menace pour l’environnement et la santé. Le gouvernement et les populations se sont à un moment donné engagés à transformer le visage de la capitale. A travers une campagne mensuelle contre l’insalubrité, des citoyens se sont engagés à redonner à Conakry ses couleurs de perle de l’Afrique de l’ouest à travers une vaste opération nommée « Le Grand Ménage ».

 

La commune de Matoto, un cas d’exception malgré tout

Selon nos informations, dès sa prise de fonction le 22 février 2019, la nouvelle équipe communale dirigée par Mamadouba Tos Camara a évalué les défis qui assaillent les populations de la commune. C’est-à-dire le manque d’infrastructures socioéconomiques de base, l’employabilité des jeunes, l’autonomisation des femmes, des voiries, l’embellissement de la commune et particulièrement la mobilisation et la traçabilité des ressources propres à la commune pour une commune dont la population est estimée à plus de 900.000 habitats, réparties entre les 224secteurs des 38 quartiers.

Héritière d’un passé tumultueux et très critique, la nouvelle équipe s’est attelée donc à reformer tout le système de gestion administrative. De la restauration de l’autorité de l’Etat au contrôle des évasions fiscales et à la sécurisation des recettes des patrimoines communautaires. Et ce n’est pas tout ! Aux dires des conseillers, il y a eu la réorganisation et la redynamisation des conseils de quartiers et des conseils des jeunes des quartiers ainsi que la réorganisation et la redynamisation de l’administration des marchés sans oublier l’informatisation du système de l’état civil avec pour résultat : la sécurisation des faits d’état civil à travers l’émission des documents relatifs à l’extrait de naissance, aux certificats de mariage, de décès, de célibat et autres.

« Nous avions supprimé les contrats fictifs sur la liste des services déconcentrés et communaux. Il y a eu la révision du contrat et des modalités de paiement des PME et la mise en place d’une équipe d’enquête auprès des services de cadastre, de l’habitat et l’état civil. Ces réformes nous ont permis la rénovation du bloc administratif et de l’Etat civil de Matoto, la revitalisation de l’administration communale à travers la création d’un climat de travail adéquat basé sur la collaboration mutuelle et le respect, la mise en place d’une commission de contrôle interne.

Nous avions trouvé une situation catastrophique. Grâce à ces réformes, nous avions alors assaini le fichier des contractuels et le paiement de tous les arriérés de leurs salaires, le recrutement et la prise en charge de 190 gardes communales en vue de la sécurisation des personnes et de leurs biens et de la mobilisation des recettes pour ne citer que ceux-là. Ce travail nous a permis de rehausser les recettes des marchés à hauteur de plus d’un milliard de francs guinéens par an, à travers la gestion directe après la résiliation du contrat avec une société de la place qui, précédemment, versait à la commune 480.000.000 par ans », nous apprend le maire de Matoto lorsque nous lui avions tendu le micro.

 Il conclura pour dire : « la réforme du service cadastre financier leur a permis d’avoir une base de données des contribuables avec une évaluation exhaustive des formels à plus de 700.000.000 GNF et près de 3 000 000 000GNF pour les informels. A date (exercice 2021), le service est à une mobilisation de plus de 300.000.000 GNF en 5 mois de recouvrement. Une première depuis la création de ce service à Matoto. Par exemple en 2018, on a encaissé 25 000 000 fg ; en 2019 : 80 000 000 fg et en 2020 aucune mobilisation, compte tenu des restrictions en lien avec la pandémie de COVID-19, entre autres. Il faut ajouter à tout cela, l’adduction d’eau dans les quartiers de Dabondy 2, Dabondy 3, Dabondy-Rails, Tanènè-mosquée, Lansanayah, Enta Fassa par la construction des forages avec fontaines de 5000 litres, chacune. Ainsi que dans les marchés de Lansanayah barrage, Enta Marché, Kissosso, Matoto parc par la construction des forages avec fontaines de 5000 litres, chacune.

Et nous continuons à travailler ! Nous sommes sur des travaux de création des forages et fontaines d’eau dans certains quartiers de la commune, sur les travaux de la construction et l’équipement d’un bloc d’annexes de 4 bureaux et la construction d’un centre de santé à Lansanaya avec approbation du Conseil communal », a énuméré Mamadouba Tos Camara, le seul maire qui a accepté se prêter à nos questions.

                             Commune de Matam

Dans la ville de Conakry où vivent plus de 2 millions d’âmes, l’insalubrité est renforcée par l’absence d’un système d’assainissement des eaux usées et des déchets solides.

Dans la commune de Matam, comme dans les autres communes de la capitale, l’accès à l’assainissement représente un combat quotidien. Cette commune souffre du désordre instauré au grand marché de Madina devant lequel les autorités communales sont impuissantes. Les emprises des voies publiques, les routes sont occupées par les commerçants ambulants.  Du coup, les caniveaux sont bouchés avec l’écoulement des eaux usées sur la chaussée ou dans les ménages.  En ce sens que tout le monde s’accorde à reconnaitre que c’est l’une des communes les plus sales de la capitale.   Matam abrite la plus grande casse du pays.  Une grande partie de cette commune est prise en otage par les vendeurs de pièces d’automobiles au vu et au su des responsables de la Mairie.

Pour savoir plus sur les actes posés par l’équipe communale actuelle, on nous demande de passer en janvier prochain pour avoir le bilan à mi-parcours de la Mairie. Mais tous ceux qui passent à Matam, sont unanimes que cette commune croupit sous le poids de l’insalubrité. Aucune amélioration.

Quid de l’apport l’AFICOM ?

Depuis un certain temps, l’Agence de Financement des Communes est mise en place pour assister financièrement des communes. Un fonds qui constitue une sorte de subvention de l’Etat aux municipalités.  Mais, selon les informations qui nous sont parvenues, aucune commune n’a jusqu’ici reçu un montant pour le fonctionnement de sa commune, faute de projets consistants. Les maires n’ont pu élaborer des dossiers pouvant leur permettre de décrocher le décaissement des fonds.

Interrogé, le maire de Matoto soutient que jusqu’ici rien n’est obtenu à ce niveau. « Pour le moment, nous n’avons reçu aucun fonds. Nos projets qui doivent faire l’objet de financement par AFICOM sont identifiés et ont fait l’objet de passation dans les communes. On attend les non objections », a-t-il déclaré.

Retenons enfin que trois ans après leur installation, les maires des cinq communes de Conakry, à l’exception près du Maire de Matoto, n’ont pu concrètement rien apporter comme un début de solution aux nombreuses aspirations de leurs mandats. Tous accusent le manque de financement et le poids de l’administration publique.

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