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CNRD et justice en Guinée : promesses non tenues et défis persistants

Trois ans après l’arrivée au pouvoir du CNRD, la justice guinéenne peine encore à convaincre les justiciables. Le mea culpa des magistrats guinéens, au lendemain de la prise de pouvoir en 2021, n’a apparemment pas été suivi de repentance. En tout cas, pour beaucoup d’acteurs de la justice, la situation n’a guère évolué. Entre incompétence et partialité, la justice guinéenne a encore souffert du fait de ses hommes en 2023. Quelques coups d’éclat ont toutefois permis de croire que tout n’est pas mauvais et que la justice guinéenne peut bien changer dans le bon sens.

Le procès du 28 septembre : un signal fort, mais inachevé

Le 31 juillet 2024, le tribunal de première instance de Dixinn a rendu sa décision sur l’épineux dossier du massacre survenu le 28 septembre 2009 au stade de Conakry. Si beaucoup avaient douté de la capacité de la justice guinéenne à tenir un tel procès, le juge Ibrahima Sory Tounkara a fini par convaincre de nombreux observateurs que la justice guinéenne compte des magistrats capables de juger une affaire de cette envergure. Le procureur de la Cour pénale internationale a d’ailleurs estimé qu’à travers la décision rendue le 31 juillet 2024, « la justice guinéenne a envoyé un signal selon lequel personne n’est au-dessus de la loi ». Toutefois, bien que la plupart des présumés auteurs aient été condamnés, la question de l’indemnisation des victimes reste entière. Le juge a condamné les coupables à la réparation des préjudices causés. Mais avec quels moyens, sachant que les montants à payer s’élèvent à des dizaines de milliards de francs guinéens ? N’aurait-il pas été plus judicieux de condamner l’État guinéen à la réparation des préjudices pour la faute de ses agents à l’époque des faits ? Certes, la responsabilité pénale est personnelle, mais pour des crimes de cette nature, il existe généralement un Fonds de réparation en faveur des victimes, comme celui de la Cour pénale internationale.

L’autre point noir de ce procès est qu’il s’est achevé sans que l’on sache où se trouve la fosse commune où auraient été jetés les corps des victimes, et sans que l’on sache vraiment qui a tué ou violé qui. Sans l’application des statuts de Rome, il aurait donc été difficile de condamner un accusé dans cette affaire.

Pire encore, quelques semaines seulement après la dernière audience, des avocats ont affirmé avoir réclamé en vain la décision du juge. Quoi qu’il en soit, les avocats de la défense ont déjà fait appel de cette décision qu’ils doivent d’abord obtenir.

La CRIEF avance à pas de caméléon sur les dossiers des anciens dignitaires

À la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), les anciens dignitaires doivent se résoudre à prendre leur mal en patience. Oyé Guilavogui, Mohamed Diané, Amadou Damaro Camara, Ibrahima Kourouma… ne savent toujours pas quand ils seront fixés sur leur sort. Certains ont même pris des décisions fortes, comme refuser l’assistance d’un avocat, sans obtenir de résultats favorables. Cette stratégie a plutôt contribué à allonger leur procès.

En revanche, la CRIEF a fait preuve de diligence sur les dossiers concernant les dirigeants actuels et les ministres du gouvernement Goumou, qui ont d’ailleurs été classés sans suite. Cela a donné à certains observateurs l’impression que la juridiction pratique une justice à deux vitesses.

Les mauvaises pratiques ont la vie dure

C’est le ministre de la Justice, Yaya Kairaba Kaba, qui l’a lui-même révélé : un magistrat a osé appeler la présidence de la République pour demander des orientations concernant une affaire liée à l’ancien ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright. Cette révélation a ravivé les critiques à l’encontre des magistrats guinéens.

Le procureur général jette un pavé dans la mare

Quelques mois après la révélation du ministre, le procureur général près la Cour d’appel de Conakry a fait une déclaration qui a inquiété plus d’un. Sa déclaration a confirmé que les activistes de la société civile, Foniké Mengué et Billo Bah, avaient été enlevés. Cependant, ce qui a davantage inquiété, c’est que le communiqué laissait entendre que la justice n’était au courant de rien concernant cette affaire. En réalité, c’est à la suite d’un communiqué du barreau de Guinée que le procureur est sorti de son silence pour confirmer l’enlèvement des deux activistes de la société civile et annoncer une enquête pour les retrouver.

Les magistrats ont fini par avoir raison de Charles Wright

Face aux magistrats, Charles Wright, prédécesseur de Yaya Kairaba Kaba, ne mâchait pas ses mots lorsqu’il s’exprimait ou rédigeait ses communiqués. L’ancien ministre s’était même attiré les foudres de l’Association des magistrats de Guinée, qui avait déclenché un mouvement de grève pour protester contre ses agissements, qu’elle qualifiait d’abus de pouvoir. Critiqué par les magistrats, mais aussi par les acteurs de la société civile, Charles Wright a fini par perdre son poste lors du remaniement gouvernemental survenu en mars 2024.

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