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Circulation routière : un serpent de… feu,  dans la ville !

Depuis le début de l’année, c’est comme une série noire qui frappe notre pays à travers d’énormes désastres causés par le feu. Un lot énorme de tragédies et de désolations, dont on se serait bien passé. Rien n’est épargné! Tout y est passé. Et passe encore! Des cas continuent de se produire tel un écheveau qui n’en finit pas de se dévider.

Des maisons, des marchés, des villages, des plantations, des forêts, des installations diverses ainsi que des biens inestimables, tout est dévoré par le feu. Et pire que tout, même des personnes ont péri dans cette étreinte incandescente qui ne laisse aucune chance à ceux qu’elle piège.

Chacun s’interroge sur l’origine de ces feux. Les versions divergent. Lorsqu’il s’agit de marchés, d’usines et de maisons d’habitation  en centre urbain, c’est les courts-circuits qu’on évoque. Pour les cases en zone rurale, les plantations, les forêts, on peine à trouver la cause. Des supputations font état d’imprudence ou d’acte criminel. On annonce des enquêtes…sans suite. De nombreux cas ne sont jamais élucidés.

Avant d’y revenir plus amplement dans nos prochaines livraisons, nous allons aujourd’hui aborder un autre type de comportement ou activité, susceptible de provoquer le feu dans la circulation. C’est le transport de fers à béton dont une bonne longueur frotte le bitume pendant que le véhicule roule en plein centre urbain, tel qu’on le voit à l’image. Certains chauffeurs chargent leur véhicule de ces fers ou de barres métalliques appelées fers plats, sans tenir compte des dimensions. Ils ne se préoccupent guère de l’adéquation qui doit exister entre les deux, du point de vue de la longueur, notamment. En général,  les fers sont toujours plus longs que les carrosseries des véhicules qui les transportent. La dimension standard qui a cours chez nous est de 12 mètres par barre. Quand on la plie en deux, on obtient six mètres X 2. En pareil cas, pour le transport sécurisé d’une telle cargaison il faut une plate-forme que seule une semi-remorque peut offrir. Or, ils sont rares ceux qui déplacent ce type de camion, pourtant plus adapté. Peut être à cause du coût. Ils se rabattent alors sur les petits véhicules moins chers mais qui n’offrent aucune commodité ou  sécurité. Les fers débordent donc de la carrosserie sur une bonne longueur et s’étalent sur le sol à l’arrière du véhicule. Parfois, ils trouvent un palliatif en faisant passer les fers sur toute la longueur du véhicule, cabine comprise, de sorte que ce qui déborde à l’arrière ne touche pas le sol.

Cette façon de transporter les fers à béton n’est pas rare en ville. Elle s’observe même avec les charretiers. Tous ceux qui s’y adonnent sont, soit ignorants des dangers sous-jacents, ou indifférents à la probabilité de leur survenue.

Pour tout dire, cette pratique n’interpelle personne : ni chauffeur, ni convoyeur, encore moins le destinataire sur le chantier.

L’appât du gain seul, compte. Dans le milieu, il faut et il suffit juste, de transporter vite et beaucoup. Tout souci lié à la sécurité du transport, à la lutte contre la pollution sonore et environnementale ou à la préservation de la commodité des riverains passe au second plan.

Hélas, quand l’ignorance nous tient ! Si seulement ces acteurs qui interviennent dans ce secteur savaient qu’ils se trompent lourdement et que leur entêtement ou manque d’information pouvait leur coûter très cher ainsi qu’à ceux qu’ils dépassent! Mais, en attendant, tout ce qu’ils savent et dont ils ne se soucient guère, c’est que le frottement des fers sur le sol provoque un bruissement aigu qui incommode tout le monde à leur passage et soulève de la poussière dense, surtout sur les routes  non revêtues.

Mais, jusque là, rien de grave, dira-t-on. Nous n’en sommes qu’à la seule perturbation de l’équilibre environnemental. Tout le monde y est habitué ou presque. On dérange, on perturbe, on incommode. Une simple excuse suffit, parfois même pas, pour continuer son chemin de pollueur, perturbateur et pyromane involontaire.

Le mot est dit : pyromane. Comme pour préfigurer le feu et les graves risques d’incendie qui s’en suivent ! Sauf que pour ce cas de figure, il ne s’agit pas de « l’impulsion pathologique qui pousse certaines personnes à allumer des incendies» comme le précise le Petit Larousse. Il s’agit plutôt d’un acte qui, tout en ayant produit la même finalité, n’est mû au préalable par aucune intention, aucune  préméditation. Ici, la survenue du feu, absolument involontaire, part de la combinaison de facteurs bien connus et vérifiés par les experts physiciens spécialisés dans le domaine du transport d’hydrocarbures. Il s’agit du triangle de feu. Cet intitulé constitue un module de formation qui est obligatoirement enseigné à tous les personnels évoluant dans le secteur, à quelque poste que ce soit.

Pour faire simple et court, on enseigne que le feu sur un camion citerne provient de la combinaison des trois éléments du triangle précité, dont les composants se retrouvent toujours dans ce type de véhicules. Il s’agit du combustible, c’est-à-dire du produit transporté, (gasoil, essence, fuel…), du comburant qui est l’air ambiant et de la source d’énergie qui provient de trois sources : une flamme nue, (allumette, briquet, chalumeau…), une source de chaleur (tambours, échappement, turbo…) ou des étincelles (batterie, courts-circuits, fils dénudés, meule, chocs violents, orage et éclair, frottements et électricité statique, téléphone, …)

La vue de cette image nous montre clairement que le conducteur de cette fourgonnette n’est pas formé. L’excuse qu’il a, est de ne pas appartenir au monde des transporteurs pétroliers.

Schématiquement, voici ce qui se présente : les fers que son véhicule traine sur la route, au-delà du bruit incommodant qu’ils produisent, de la poussière qu’ils soulèvent, du bitume qu’ils poncent, ces fers, disons-nous, en frottant le sol, provoquent des étincelles, bien visibles par temps sombre et surtout la nuit.  Elles constituent la source d’énergie décrite plus haut, le troisième élément du triangle de feu. Pour peu que ces étincelles rencontrent le combustible (le carburant transporté) et le comburant (l’air ambiant), l’explosion se produit et le feu se déclenche inévitablement. Lequel, s’il n’est pas rapidement maîtrisé, entraine un incendie.

Donc, potentiellement, la présence de ce camion développeur d’étincelles est très dangereuse pour la sécurité en zone urbaine. Dès lors qu’il croise, dépasse ou roule à hauteur d’un camion citerne qui présente des fuites de carburant par les clapets de fond, les vannes ou tout autre orifice,  le feu prend indubitablement. Quelques soient les génies invoqués, pour se garantir du feu, cette loi de la physique s’applique toujours.

Pour les non initiés, les causes seront toujours recherchées ailleurs, même dans l’irrationnel, si on ne conclue pas à de la magie ou au mauvais sort.

Et quand on pense à tous ces véhicules qui perdent du carburant, dont les vapeurs se retrouvent au sol avant d’être dispersées ; aux nombreuses stations-services où le phénomène de production de ces vapeurs d’hydrocarbures est accentué, il y a lieu de se rendre à l’évidence: le danger est réel et grand.

Très peu le comprennent hélas et en parler conduit même à être catalogué d’alarmiste qui pense négatif. Dans tous les cas, il s’agit d’alerte. Et, de ce point de vue, nous avons été largement servis par le responsable HSSE de BTO Transports et Logistique, un transporteur pétrolier agréé de la place.

Monsieur Yacine Bah nous a raconté une scène tragique qui corrobore parfaitement le sujet abordé. « Il y a quelques années, un taxi a pris feu d’un coup et tous ses passagers ont péri. En plus de ses passagers, il transportait des bidons d’essence dans la malle arrière. C’était pendant la période des pénuries cycliques de carburant. Un certain trafic de ces produits avait cours et de nombreux chauffeurs en transportaient, soit pour la revente ou  pour assurer leur voyage-retour. L’un des bidons dans le taxi fuyait et des odeurs envahissaient tout l’habitacle. Le taxi était à pleine charge avec une  suspension défectueuse. Un certain affaissement le faisait heurter le sol  dans les ornières. Cette série de chocs et de grattages répétés produisait des étincelles pendant que l’échappement emmagasinait de la chaleur. Avec le bidon d’essence qui fuyait nous avions les vapeurs d’hydrocarbures. Quant à  l’air ambiant, il était servi à satiété pendant le voyage. Le triangle de feu était donc au complet. Et ça n’a pas tardé pour que ce qui devait arriver, arrive.  Le taxi a pris feu d’un coup, pendant qu’il roulait. Hélas, personne de ses occupants n’a survécu. Cet exemple tragique m’a marqué profondément. Je ne vais jamais l’oublier et il m’inspire toujours dans mon travail qui consiste, tel que définit par l’acronyme du poste: HSSE, à garantir l’hygiène, la santé, la sécurité de tout le personnel de l’entreprise et d’en protéger l’environnement. »

 A ceux qui diront qu’il faut une chance sur mille pour que de telles affirmations se vérifient, nous dirons simplement que les lois de la physique sont immuables. Les violer, expose inévitablement l’auteur à de graves dangers, surtout dans un secteur comme celui des hydrocarbures.  Ne tentons  jamais l’expérience pour nous en convaincre !

Un dernier aspect, perceptible sur la photo, attire notre attention. On voit la roue de secours posée sur les barres de fer au fond du fourgon. Avec la déclivité variable du terrain, les tressautements du véhicule, les cahots dus aux inégalités de la route, cette roue gonflée, non arrimée,  peut glisser et tomber. Et des usagers arrivent toujours derrière…

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