Voir des passagers accrochés sur les flancs d’un véhicule ou assis sur le toit, ne semble plus intéresser ou choquer personne. C’est un comportement, à la limite, admis par tous et qui est passé dans les coutumes. Sans doute que notre pays n’en a pas l’apanage. Des cas similaires on en voit un peu partout dans les pays en développement, en Afrique et surtout en Asie, où des grappes humaines s’offrent à la vue, même sur le toit des wagons de chemin de fer.
Toujours est-il qu’au-delà de son aspect ahurissant, cette pratique contient les germes de risques graves encourus par ceux qui en sont les adeptes. Qu’un accident se produise dans ces conditions et voilà toutes ces personnes éjectées de la hauteur où elles se trouvent vers le sol. La suite est toujours des plus dramatiques qui soient, la mort et les blessures graves sont au rendez-vous. Des passagers sont étouffés, écrasés par les bagages et autres colis qui leur tombent dessus, si ce n’est le véhicule qui les recouvrent carrément, les bloquant sous la bâche ou les arceaux de la carrosserie.
Chez nous, la pratique a déjà fait long feu. Elle est connue sous le vocable de transport mixte. Combinaison bagages et passagers à bord d’un même véhicule. Le ministère des transports a tenté d’y mettre fin, à travers l’arrêté no 4253 du 10 octobre 1990. Peine perdue !
En tout cas, jusque là, rien de définitif n’est obtenu dans l’application stricte de cette règlementation. Même si l’on note une certaine réduction de son intensité. Partout, dans les centres urbains et en zone rurale, cette pratique est observable.
L’addiction de nos transporteurs à cette pratique est connue des services frontaliers des pays limitrophes. Lesquels veillent scrupuleusement à ce que tout véhicule de transport de marchandises venant de chez nous soit strictement débarrassé de tout passager éventuel avant de passer la frontière.
Dans les gares routières et les marchés hebdomadaires, des passagers s’embarquent librement à bord de véhicules destinés au transport de marchandises. Ils voyagent allègrement sans se soucier le moins du monde de leur sécurité. Tout le monde les voit : syndicats et union de transporteurs, services de sécurité routière (police et gendarmerie).
Pour justifier cette pratique, deux arguments sont souvent évoqués : l’insuffisance des moyens de déplacement et la modicité des tarifs de transport. Jamais l’aspect sécuritaire et les risques encourus ne sont pris en compte. Le raisonnement est simple, c’est Dieu qui protège !
Ce comportement atavique est à l’origine des arguments largement ressassés ici et là. Dans les zones reculées, tout voyageur qui rechigne à emprunter n’importe quelle occasion s’entend dire à la ronde : «Si tu ne pars pas avec ce camion, tu risques de passer encore une semaine ici, à attendre le prochain marché hebdomadaire. D’ici là, aucun véhicule ne vient chez nous. A toi de choisir ».
Ou encore: «Tout le monde voyage comme ça depuis toujours, pourquoi pas toi ? »
Il y a aussi ceux qui, forts nombreux, restent dans la logique du fatalisme à toute épreuve : « Y a pas à s’inquiéter, l’accident c’est Dieu qui le décide. Tant que mon jour n’est pas arrivé, je ne mourrai point.»
Si ces arguments peuvent avoir des fondements plausibles à certains égards, il faut cependant souligner qu’ils ne sont pas, pour autant, une excuse à la pérennisation de la pratique du transport mixte.
Par ce biais, le nombre de victimes en cas d’accident a toujours été considérable. L’exemple, le plus éloquent et extraordinaire en la matière, reste celui des soixante (60) morts enregistrés en 2007 à Guéckédou, dans un accident de camion se rendant à un marché hebdomadaire. Un évènement gravissime qui avait eu un retentissement mondial. Triste publicité encore gravée dans les mémoires !
Fort heureusement, jamais plus un tel bilan n’est revenu dans les statistiques de nos services de sécurité routière. Les accidents dans le genre continuent cependant à endeuiller de nombreuses familles. Les femmes comptent parmi les principales victimes. Elles sont dans le commerce de produits qu’elles décident bien souvent d’accompagner à bord de camions, vers diverses destinations.
A observer de près la configuration des transports dans le pays, l’on entrevoit un changement qui pourrait inverser la tendance d’ici peu. Cela tient de l’évolution des comportements mais aussi de l’amélioration des conditions de circulation, tant du point de vue des infrastructures que de celui du parc automobile. Les véhicules semblent plus nombreux et arrivent presque partout. Moins de gens sont aujourd’hui tentés ou séduits par le transport via camion ou minibus bondé. C’est maintenant qu’il faut agir pour accompagner, structurer, organiser et renforcer cette tendance. Cela permet de protéger ceux qui, encore, s’attachent à cette pratique.
Autorités et citoyens ont chacun un rôle à jouer. Pour les premiers, il y a d’abord la sensibilisation permanente des citoyens sur les dangers du transport mixte. Ensuite, il serait utile d’apporter un appui au secteur privé pour un rajeunissement du parc automobile national et une meilleure réglementation des modes d’exploitation des véhicules. Parallèlement, il est souhaitable de combler les besoins en matière de transport en commun en renforçant l’offre par un développement sensible de la flotte de véhicules couvrant les zones urbaine et interurbaine.
Quant aux conducteurs, locataires et patrons, c’est plutôt leur appât du gain qu’il faut réfréner.
Toute cette situation, dommageable pour tous, tient à nos faiblesses habituelles dans la gestion des dossiers. Le laxisme, toujours de mise, dans l’encadrement, le contrôle et la sanction.
Les organisations socioprofessionnelles et les services de sécurité ont leur part de responsabilité dans la persistance de ce phénomène.
Depuis 1990, l’Etat dont la mission régalienne est de sécuriser les citoyens s’est engagé, à travers un acte administratif, à interdire le transport mixte. A partir de là, les services concernés par la mise en application de la mesure ont eu le chemin balisé pour travailler en toute liberté et en toute légalité.
Sont-ils encore en observation? Sont-ils confrontés à des réalités insurmontables ? Ces questions leur sont posées.
Les réponses permettront de mieux se pourvoir contre le mal qui nous cause des dommages.