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Circulation routière : autoroute n’est pas route

Quelques définitions s’imposent. C’est quoi une autoroute ? Le Petit Larousse 2010 nous dit que c’est une route à deux chaussées à sens unique, séparées par un terre-plein central, conçue pour une circulation automobile rapide et sûre, aux accès spécialement aménagés et sans croisement à niveau. La vitesse qu’on y pratique plafonne à 130 km/heure. Elle peut descendre à 110 km/heure, selon le temps qu’il fait et les zones de roulage. Cela dit, l’on comprend aisément que son accès est interdit aux véhicules lents. C’est une artère très protégée, qui n’est coupée par aucune autre route. A la place des intersections et ronds-points habituels, on y rencontre des échangeurs. Il n’y a pas d’aire de stationnement, encore moins de parking. En cas d’incident (panne mécanique, malaise du conducteur) le véhicule est rangé dans la bande d’arrêt d’urgence prévue à cet effet. Des bornes téléphoniques sont disponibles pour faire appel aux services de secours. Aucun piéton ne s’y hasarde, pour quelque motif que ce soit. Ce sont là, des règles universelles, codifiées, admises et rigoureusement appliquées partout.

Sauf peut être à Cona-cris, où la réalité est toute autre. La première autoroute que nous avons connue est celle construite aux premières années de notre indépendance. Elle relie Tombo à l’aéroport Gbessia. Si l’on se réfère à la définition donnée au début du texte, l’on comprend bien qu’elle ne répond pas entièrement aux critères. Mais, au moment de sa construction, Conakry était faiblement peuplée et le nombre de véhicules et de routes était des plus  infimes qui soient, au regard de la densité actuelle. Si donc, elle n’était pas, techniquement parlant, une autoroute, elle s’en approchait bien, vu qu’on la fréquentait avec un maximum de ‘’tranquillité‘’ et de sécurité et qu’elle n’était pas coupée par autant de carrefours et d’échangeurs que maintenant. Et les autorités de l’époque l’ont baptisée : « autoroute Fidel Castro Ruz, route infinie de l’histoire», en hommage au grand dirigeant cubain de l’époque, par ailleurs, grand ami de la Guinée. Cette route tient encore et son appellation d’autoroute demeure, malgré qu’elle n’en remplit plus aucun des critères ou presque. Elle reste une route à deux chaussées à sens unique, séparées par un terre-plein central ; elle est à peu près droite et dispose de trois échangeurs au 8novembre, à Dabondy et à Gbesssia. A ce jour, elle constitue une voie de communication essentielle pour la capitale. C’est même, virtuellement, la route officielle qui relie l’aéroport à Kaloum et vice versa.

Les années ont passé et chacun des régimes qu’a connus notre pays a mis du sien pour améliorer la circulation sur cet axe. Nous avons tantôt fait cas des routes qui l’ont coupée avant et après  l’ouverture des transversales; l’aménagement des ronds-points, la construction des passerelles pour la traversée des piétons, l’installation de grilles et de murs de séparation pour empêcher la traversée imprudente par le terre-plein central. Comme on le voit, des efforts ont été faits pour éviter à cette artère de s’éloigner totalement des objectifs qui lui sont dévolus.

Mais, à ce jour que devient cette infrastructure ? Au-delà des embouteillages, que l’institution d’un plan de circulation temporaire tente de réduire au mieux et d’autres encombrements ponctuels, ce qu’on y voit est tout simplement ahurissant, indescriptible. Grilles de sécurité tordues, arrachées. Refus systématique d’emprunter les passerelles. Sauts périlleux et escalades laborieuses de terre-pleins par des piétons qui traversent envers et contre tout, au mépris des règles élémentaires de sécurité et de civisme. Vieilles personnes aux réflexes émoussés, enfants malhabiles, jeunes gens « invulnérables », femmes peu rassurées, cadres et  même…agents en uniforme, tout le monde s’y retrouve. Pour traverser ou s’affairer. Une vraie hantise pour les automobilistes. Et ce n’est pas tout !

Des charretiers transbordent des colis, bagages et marchandises de part et d’autre des deux voies. On voit des autos et motos traverser le terre-plein aux endroits où la hauteur se prête le mieux. Des aires de stationnement pour taxis, minibus et autres clandos, en quête de passagers, des points de vente de véhicules, des zones de casse, de vente de pièces d’occasion et de réparation sont instituées. Le petit commerce et la vente à la sauvette s’installent, l’anarchie aussi.

L’on s’étonne alors que les accidents contre piétons y soient fréquents et mortels.

C’est à se demander si l’on comprend vraiment l’utilité de cet investissement colossal, vecteur de progrès pour notre pays. C’est un véritable conflit entre modernité et conservatisme qui se déroule sous nos yeux. Pour combien de temps ? Gageons qu’on n’attendra pas longtemps pour voir les autoroutes se multiplier chez nous et surtout, pour comprendre que autoroute, ce n’est pas route.

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