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Circulation des gros camions à Conakry: la croisière épique d’une énorme sondeuse de mines sur le dos d’un vieux camion

Décidément, la circulation routière à Conakry n’en finira jamais de nous surprendre. Elle qui est déjà suffisamment encombrée et désorganisée, se retrouve à présenter certaines fois, des situations, à tout le moins, insolites, pour ne pas dire extraordinaires.

Le dossier pour l’illustrer n’obéit pas à la sacro-sainte règle du factuel auquel les articles de presse sont soumis, pour leur consommation immédiate et ‘‘appétissante’’. Nous avons appris, d’expérience, sous réserve de l’appréciation  des confrères, que dans le traitement des sujets en rapport avec la circulation routière, il existe des faits, évènements ou thématiques qui sont intemporels. Il suffit de les réactiver, au gré des opportunités. Et on en tire toujours un substrat frais et adapté, qui contient des messages aussi ‘’comestibles’’ et ‘’tentants‘’, que pourrait l’être un plat réchauffé, pour ventres creux.

Tel le cas de ce vieux camion porte-char, que nous avons trouvé en panne sur la route, alors qu’il ‘’portait au dos’’ une énorme machine qu’on nous dit être une sondeuse de mines. L’objectif des convoyeurs était qu’il transporte cette charge hors gabarit. Une mission que l’on imagine bien vite, comme étant aventureuse et à risque. Point besoin d’être un expert pour s’en convaincre. La seule vue du camion et de son chargement suffit à l’attester. Cette assertion n’a pas mis longtemps à se vérifier.

Parti d’un parc d’engins lourds situé à Yattaya, où l’embarquement a été des plus laborieux, nous dit-on, la croisière n’a pas duré longtemps. Elle a pris fin à la remontée de néérébounyi sur la T7, non loin du rond-point de Sonfonia.

Des témoins ont vu le vieux camion tentant de braver les effets de sa lourde charge, à l’amorce de la longue remontée qu’il abordait. Sous l’effet des sollicitations appuyées de son conducteur, les pétarades de sa mécanique n’ont pas tardé à s’estomper au fur et à mesure qu’il progressait. Puis, l’allure se réduisit peu à peu. C’était le début de la fin, de ce voyage illusoire et prétentieux. Rompu et éreinté qu’il était, par la remontée longue et raide, le camion a longtemps haleté, ahané, avant de s’éteindre et de plonger dans un ‘coma’ qui durera quatre jours.  Au même endroit !

Sékou 2 Touré, le commissaire spécial de la sécurité routière de Sonfonia s’en souvient encore. Cet événement a constitué une vraie urgence pour son commissariat, en juin dernier. Il s’est vu dans l’obligation de faire sécuriser les lieux par ses agents: « nous sommes sur la T7. L’endroit en question est l’un des plus dangereux dans notre zone. Vous avez un virage serré sur une forte déclivité où abouti une route secondaire, elle-même, assez fréquentée. Face à la situation créée par la panne de ce camion porte-char, chargé, en ces lieux, nous étions obligés de planifier en permanence des agents pour éviter tout accident. La visibilité était compromise et les croisements ou dépassements très risqués. Déjà, la grue de la machine sur le camion, affleurait les câbles électriques de moyenne tension, traversant la chaussée. Ce qui avait entrainé une coupure momentanée de courant dans le secteur. »

Ce descriptif démontre éloquemment que le respect de la règlementation en matière de transport d’engins lourds est loin d’être une évidence. Comme le dit la formule lapidaire : chacun en fait à sa tête. Or, tout est régi pour garantir le bon ordre et la sécurité sur la route.

A partir du moment où, du point de vue du poids, de la largeur ou de la hauteur, l’objet transporté dépasse les standards habituels, il est classé dans la catégorie des transports hors norme, dits exceptionnels. La règlementation en fixe la mise en œuvre.

Entre autres, le transporteur doit lister le ou les engins à transporter, indiquer leurs spécifications techniques (poids, gabarit, hauteur), déterminer l’itinéraire et l’organisation du trajet, disposer d’une escorte et en informer la sécurité routière pour avis, avant mise en œuvre. D’autant que pour ce type de transport, le convoi se déplace à allure très modérée et à des heures bien déterminées. De même, il est toujours annoncé par des dispositifs sonores et/ou lumineux. Ce qui permet d’éviter tout risque d’accrochage d’obstacles pendant le roulage.

Sécurité oblige! Tout cela nécessite une parfaite coordination entre les différents intervenants.

Mais, comme on le voit, rien de tout cela n’a été pris en compte dans le déplacement de ce camion. Tout le long du trajet emprunté, on a fait courir des risques énormes à plein de personnes. Des agents de la sécurité routière de Sonfonia ont été astreints à la surveillance des lieux de la panne, des jours durant. Ce qui a sans doute perturbé leur planification habituelle pour les tâches quotidiennes de prévention routière.

Au final, après quatre jours passés sur les lieux, il a fallu se rendre à l’évidence : quand on met du lourd sur du fatigué, il n’y a pas moyen de rouler.

Le vieux porte-char ne pouvait pas assurer le rôle qu’on lui a imposé. Il a fallu le délester de son gros bagage au profit d’un autre, plus apte. Ce substitut est resté en stationnement un certain temps à côté de l’université Général Lansana Conté, avant de prendre le départ pour la zone minière de destination, à l’intérieur du pays.

Pour autant, notre fameux camion n’est pas mort. Nous l’avons aperçu, plus d’une fois, dans la circulation, en haute banlieue. Combien de temps encore, lui et tous ses semblables, vont-ils continuer à sillonner dangereusement nos rues ? La question reste posée.

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