Le jugement du dossier opposant l’administrateur général du site d’informations Inquisiteur.net à l’ex-ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright, s’est poursuivi ce jeudi 20 juin 2024 par devant le tribunal correctionnel de Mafanco.
Dès l’entame de l’audience, Me Sidiki Bérété, l’avocat de Babila Keita, a demandé le renvoi de l’affaire pour lui permettre de bien analyser le dossier. « J’ai reçu les dossiers ce matin, j’ai donc besoin de temps pour défendre convenablement mon client. Parce que les entreprises impliquées dans la construction de la Maison centrale ne sont pas reconnues par l’Etat et aux impôts. Elles ont violé l’article 28 et 64 de la loi guinéenne. Donc si un journaliste dénonce la violation de l’article 63 sur la loi anti-corruption, il n’est pas poursuivable », a dit Me Bérété.
Le représentant du ministère public a soutenu cette demande de renvoi à deux semaines. Il a néanmoins tenu à rappeler que le dossier opposant l’ex-ministre de Justice au journaliste Babila ne parle pas de dénonciation de corruption, mais plutôt de diffamation par voie de presse.
En revanche, l’avocat de l’ex-ministre a demandé au tribunal de rejeter cette demande de renvoi. « Les pièces dont on vient de faire état ne lui sont pas étrangères. Il s’agit de l’article d’incrimination, l’arrêté de la HAC et le communiqué qu’il a lui-même publié sur sa page Facebook où il nargue les autorités. Il ne peut pas dire qu’il ignore ses propres propos. L’article 135 sur la liberté de la presse est clair. Il est dit que le tribunal doit statuer en 30 jours dès la première audience. A compter du début de l’audience à aujourd’hui, il ne reste que 10 jours. Donc, l’article 63 sur la loi anti-corruption ne tient pas dans cette affaire. Parce qu’il ne s’agit pas là de corruption, mais de diffamation par voie de presse. C’est pour toutes ces raisons que nous vous demandons très respectueusement de rejeter ce renvoi », a demandé Me Lancinè Sylla au juge.
Le tribunal a effectivement rejeté la demande de renvoi et a ordonné l’ouverture des débats.
A la barre, le prévenu a déclaré : « je maintiens mes propos tenus dans l’article incriminé. Étant journaliste d’investigation, je suis dans l’obligation de dénoncer pour permettre à l’opinion publique de savoir ce qui se passe sur le marché public. Nous nous sommes fondés sur nos investigations pour écrire ce papier. Le ministre Charles Wright a lui-même dit à Coyah, au procureur général, d’entamer une enquête sur le marché public. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de l’aider dans cette démarche. Nous avons commencé l’article par les propos du ministre lui-même avant de dire ce que nous avons dit. Quand j’ai été interpellé par la HAC, j’ai demandé de vérifier à l’ARMP sur mes enquêtes. Et si jamais ce que j’ai dit était faux, de m’arrêter. Chose qu’ils n’ont pas faite. Je crois en la justice et je crois également à la justice divine. Je vous dis encore une fois qu’il y a des faits gravissimes sur les marchés pour lesquels nous sommes ici. L’ARMP a dénoncé un arrêté qui est allé jusqu’à la Présidence. Mais jusque-là, aucune décision n’a été prise parce que ce sont des montants faramineux qui sont déboursés dans le cadre de ce prélèvement de 0,30% et dont nul ne connaît la destination. Je mets quiconque au défi de me dire que ces quatre sociétés qui ont construit la Maison centrale ont une fois construit une prison en Guinée. Les quatre contrats concernant la rénovation de la Maison centrale n’ont jamais été enregistrés à l’ARMP. Sur ces quatre entreprises, deux d’entre elles ne sont pas enregistrées. Donc, elles n’existent pas. Seules les sociétés Wagué et frère et Belco logistic sont immatriculées et elles évoluent dans le commerce et la logistique. Donc, elles ne sont pas habilitées à construire une prison. On me dit, moi journaliste, de ne pas dénoncer cela. Pourtant, elles ont eu des contrats portant sur des milliards de francs guinéens… J’ai des documents qui prouvent qu’une trentaine de contrats ont été signés au temps de Charles Wright… »
A la demande des avocats de la partie civile, le tribunal a décidé de renvoyer cette affaire au 27 juin 2024 pour la suite des débats et éventuellement pour les réquisitions et plaidoiries.