Il n’est un secret pour personne que depuis l’apparition du coronavirus en début d’année, l’économie mondiale a subi une forte mutation avec des dépenses colossales pour les gouvernements et la baisse des revenus pour les entreprises et les Etats. Celle de la Guinée ne fait pas exception à cette règle universelle surtout que son économie en général est improductive. Selon certains hauts cadres du pays, depuis l’accession Kassory Fofana à la Primature, le budget de l’État est définitivement devenu un acte politique.
Dans une lettre de six (6) pages adressée vendredi 10 juillet 2029 à Ismaël Dioubaté (ministre du budget), Mamadi Camara (ministre de l’économie et des finances) et Kanny Diallo (ministre du plan) dont Guinéenews© s’est procuré copie, le Premier ministre a fixé le cadrage et les orientations que ces ministres doivent respecter dans l’élaboration du budget de l’année prochaine, dont la préparation vient de commencer au niveau des différents ministères sectoriels en charge de la gestion de l’économie guinéenne.
Les observateurs s’en souviennent, c’est avec l’accession de Kassory Fofana au Palais de la Colombe que la pratique du cadrage budgétaire a été instaurée, en septembre 2018. Cette volonté de la Primature de dicter aux départements en charge de la préparation du budget avait été au départ très mal reçue en particulier par le ministère du budget. Selon les informations dont nous disposons, il aura fallu toute la fermeté et toute l’intransigeance de l’ancien argentier du pays pour faire admettre aux départements économiques que « le budget est un acte politique ; ce n’est pas seulement des chiffres renseignés dans un tableau Excel », comme nous le confiait l’année dernière Ansoumane Camara, le Conseiller Spécial du Premier ministre en charge de l’économie, des finances et du budget.
Selon les documents officiels que nous avons consultés, la situation semble s’être apaisée à présent et le cadrage pour le budget 2021 vient s’inscrire dans la suite logique de ceux de 2019 et 2020. Toujours selon nos sources, cette année, c’est le ministère du budget qui a lui-même réclamé au Premier ministre ce cadrage 2021, signe de l’apaisement des tensions et de l’acceptation de la pratique conformément à l’orthodoxie internationale en matière de gestion des affaires admins it rives et l’a discipline budgétaire.
Globalement, selon les documents exploités par Guinéenews©, les directives du Premier ministre sont organisées en 6 axes : la préservation de la stabilité macroéconomique et le respect des engagements internationaux ; la croissance économique inclusive et le partage de la prospérité ; la relance de l’activité économique et l’appui à la préservation de l’emploi ; la transparence budgétaire et la gestion efficiente des finances publiques ; la maîtrise des subventions au secteur de l’énergie ; et l’intensification des efforts de mobilisation des ressources internes.
Préservation de la stabilité macroéconomique et le respect des engagements internationaux
Comme pour le cadrage du budget 2020, celui pour l’exercice 2021 est marqué par le souci de préserver la stabilité macroéconomique, malgré la réduction prévisible des recettes de l’État avec la crise sanitaire et le ralentissement de l’économie.
Ainsi, même si les critères convenus avec le FMI (ronds monétaire international) ont été ajustés pour tenir compte de la crise, le budget 2021 devra « limiter la casse » et contenir le déficit budgétaire (c’est-à-dire l‘écart entre les recettes et les dépenses de l’État) à 3,2% du PIB (produit un intérieur brut). L’inflation également ne devra pas dépasser 10%.
Par ailleurs, le souci du respect des engagements pris par la Guinée auprès de ses partenaires internationaux revient dans le cadrage 2021. À cet effet, la Primature demande aux ministres en charge de l’économie de prévoir des crédits budgétaires suffisants pour l’agriculture, en application de l’engagement pris par la Guinée et d’autres pays africains de consacrer 10% des dépenses du budget de l’État à ce secteur. Le secteur de l’éducation est aussi mis en valeur, avec une demande du Premier ministre d’augmenter de 20% les budgets de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de l’enseignement technique.
Enfin, l’organisation de la coupe d’Afrique (COCAN 2025), qui est un engagement de la Guinée est soulignée par le cadrage comme une priorité à partir de l’année prochaine, avec le démarrage des investissements nécessaires à la tenue de cet événement continental.
Croissance économique inclusive et partage de la prospérité
Le partage de la prospérité demeure une priorité pour le gouvernement. Pour réduire la grande pauvreté et mieux partager la richesse nationale, l’ANIES (l’agence nationale d’inclusion économique et sociale) est dotée de 250 milliards de francs guinéens, pour renforcer le soutien aux plus démunis et faire bénéficier plus de Guinéens des politiques de cette agence. Selon les officiels, 240 000 ménages devraient bénéficier des prestations de l’ANIES cette année 2020. En 2021, le nombre de bénéficiaires devrait atteindre 390 000 ménages, soit plus de 2,5 millions de personnes, selon les responsables de l’ANIES.
De son côté, l’agence nationale de financement des collectivités (ANAFIC) verra ses ressources sécurisées et stabilisées, et l’agence nationale de financement du logement (AGUIFIL) sera renforcée par une augmentation de ses ressources, indique le document officiel.
Relance de l’activité économique et appui à la préservation de l’emploi
La crise sanitaire liée à la COVID-19 est également prise en compte dans le cadrage. Pour le Premier ministre Kassory cité par ses proches collaborateurs, cette crise devrait prendre fin au plus tard à la fin du premier semestre 2021. Il exige donc que les effets économiques de la crise sanitaire soient pris en compte dans le budget 2021, sous la forme d’une reconduction des mesures du plan de riposte actuel (aide au tourisme et à l’hôtellerie, allègements fiscaux aux entreprises, apurement des arriérés pour les PME) pour aider les entreprises et sauver les emplois. Il faut noter que ces aides sont conditionnées par l’engagement des entreprises à garder leurs salariés et à payer à ces derniers au moins 70% de leurs salaires.
Transparence budgétaire et gestion efficiente des finances publiques
L’utilisation efficace et efficiente des maigres resources de l’Etat est toujours exigée par bailleurs bi et multilatéraux et les partenaires techniques qui accompagnent la Guinée dans son développement. Une véritable nouveauté de ce cadrage budgétaire 2021 est le renforcement considérable de l’information à mettre à la disposition de l’assemblée nationale. Kassory Fofana demande au ministre du budget de mettre toute une série de documents à la disposition des élus de la nation, notamment les documents sur les dépenses fiscales, les investissements de l’État, les avantages fiscaux accordés aux compagnies minières, etc…Toutefois, sans le suivi et le contrôle réguliers avec l’appui constant du président de la république, ces mesures resteraient lettre morte, estiment les observateurs.
Maitrise des subventions au secteur de l’énergie
Dans un langage technique, le Premier ministre semble regretter le poids du secteur de l’énergie dans le budget de l’État. Ce secteur « budgétivore » absorbe chaque année environ 2 500 milliards de francs guinéens.
Kassory exige un gel des crédits budgétaires au secteur de l’énergie en 2021. Les subventions de l’État ne devront pas augmenter par rapport aux 2 400 milliards que ce secteur va absorber cette année 2020. Allant plus loin, la Primature ordonne de soumettre « au moins la moitié des subventions directes à l’avancement des réformes destinées à améliorer la gouvernance d’EDG »
Intensification des efforts de mobilisation des ressources internes
Après la mise en route de l’ANIES, le Premier ministre profite du cadrage 2021 pour mettre sur orbite la Mission d’appui à la mobilisation des ressources internes (MAMRI), l’autre réforme phare protée par la Primature et dont l’objectif est d’accroître le niveau des recettes fiscales en Guinée.
Il faut rappeler que la Guinée a une faible performance en matière de collecte des recettes fiscales, par rapport à la moyenne dans la sous-région. Les recettes de l’État représentent 13% du PIB, contre 18% en moyenne en Afrique. La MAMRI a été créée pour corriger ce retard.
Selon nos informations, cette structure composée de cadres de très haut niveau repérés au sein de la diaspora et en Guinée travaille d’arrache-pied déjà dans la plus grande discrétion depuis novembre 2019. Elle va superviser prochainement un audit fiscal appelé TADAT et commandé par la Primature au FMI pour établir un « bilan de santé » de l’administration fiscale guinéenne. La MAMRI vient également d’achever le cadrage technique de plusieurs réformes fiscales qui seront conduites à partir d’octobre 2020 sur financement de la Banque africaine de développement (BAD).
Encore une fois, le cadrage du budget 2021 confirme le changement de pratique dans la préparation du budget guinéen. Désormais, c’est l’échelon politique, le président de la République et le Premier ministre définissent les grands équilibres à tenir pour l’utilisation des moyens financiers de l’État.
Ces innovations auront-elles une répercussion positive sur le panier de la ménagère l’année prochaine ? Attendons de voir. Pour sa part, Guineenews© sera certainement là à l’heure du bilan.