Un milliard sept cent millions de nos francs. C’est la somme qui a été injustement prélevée sur les bourses d’études des étudiants Guinéens au Maroc, au titre de l’année universitaire 2016-2017. Un exemple précis qui ressort du rapport de l’Association des Stagiaires Etudiants et Elèves Guinéens au Maroc (ASEGUIM).
Selon ce rapport, en 2017, sur 588 étudiants boursiers dans les universités marocaines, seulement 395 ont perçu leurs bourses. Les 193 restants n’ont jamais obtenu leurs bourses. Sachant que chaque boursier guinéen au Maroc perçoit une somme totale de 1 000$ par an, en multipliant cette somme par le nombre de personnes n’ayant pas perçu la bourse, on obtient une somme restante de 193 000$, soit 1milliard 737millions de francs guinéens. Et il en est ainsi chaque année universitaire, selon les étudiants guinéens au Royaume Chérifien. Si cet exemple s’avère, comment se fait-il qu’une partie de l’argent alloué aux étudiants prenne une autre direction ? C’est à la question que nous tentons de répondre à travers cette enquête de notre reporter.
Rappelons que chaque année l’Etat guinéen octroie des bourses d’études à des bacheliers admis et des étudiants guinéens sur des critères prédéfinis pour la poursuite de leurs études supérieures ou professionnelles, dans plusieurs pays étrangers dont le royaume du Maroc. Ce pays, reconnaissons-le, a la spécificité d’accueillir chaque année les lauréats du baccalauréat guinéen, toutes les options confondues et d’être parmi les pays étrangers qui regorgent le plus grand nombre d’étudiants boursiers guinéens.
Un rapport caustique des étudiants guinéens au Maroc
Ainsi, à lire le rapport des étudiants guinéens au Maroc, durant l’année universitaire 2016-2017, le paiement des bourses qui devait s’effectuer en quatre tranches de trois mois chacune, s’est finalement déroulé en trois tranches. La première tranche qui devait être payée au mois de novembre 2016 à hauteur de 150$, soit trois mois, avait été payée au mois de février 2017. Ce qui correspondait dans les conditions normales à la période de paiement de la seconde tranche des bourses.
« En dépit de trois mois de retard sur le programme trimestriel de la paie, l’ONABE (l’Office Nationale des Bourses Extérieures) nous a informés en mi-février qu’ils n’ont pu débloquer que deux mois de bourses soit un montant de 100$ par boursier au lieu de 300$ par boursier pour les six mois écoulés. Et pour la paie de ces deux mois ils ont dépêché sur le Maroc une délégation de trois personnes dont le Directeur de l’ONABE et ont demandé que tous les boursiers se déplacent de leurs villes pour venir percevoir leurs bourses dans les locaux de l’ambassade de Guinée au Maroc. Etant donné que le transport aller-retour pour quitter de certaines villes à Rabat peut faire environ la moitié des 100$ qui devaient être perçus et compte tenu des conditions difficiles dans lesquelles vivaient les boursiers guinéens, le bureau central de l’ASEGUIM a organisé une rencontre entre la délégation de l’ONABE et les étudiants pour trouver un terrain d’entente. Suite à cette rencontre, la délégation a décidé de se déplacer dans les principales villes du Maroc pour effectuer la paie afin de permettre aux boursiers d’économiser les frais de transport. Et la paie a eu lieu», confirme le rapport de l’Association.
Poursuivant, ce rapport nous apprend que la paie de la seconde tranche des compléments de bourse a suivi en mai 2017, trois mois après le paiement de la première tranche. Ce qui constituait pour l’ONABE un respect de ses engagements par rapport au paiement trimestriel des bourses, mais désapprouvé par l’Association des étudiants qui a émis des réserves dans son rapport pour « souligner que ce respect d’engagement n’était que partiel, puisqu‘en ce moment les boursiers devaient toucher des arriérés de 6 mois, mais nous avons été informés par l’ONABE que c’est 5 mois qui sont venus. Soit un montant total de 250$ par étudiant boursier.
Puisque ce montant était plus considérable que le précédent qui était de 100$ par étudiant, il devait susciter naturellement plus d’engouement chez les boursiers. Et comme la paie était assurée par l’équipe de l’ambassade, ils avaient jugé risqué de se déplacer avec un tel montant dans les différentes villes. Ils ont demandé alors à ce que tous les boursiers viennent percevoir leurs bourses à l’ambassade selon un programme prédéfini. C’est ainsi que le bureau central a eu l’intuition d’introduire une innovation en proposant à l’ambassade la perception des bourses sur rendez-vous. Cela a consisté dans un premier temps à demander à l’équipe de l’ambassade, chargée de la paie de nous donner le programme sur lequel devait s’étaler la période de la paie, ce qui a été fait. Ensuite nous avons mis ce programme à la disposition de tous les boursiers guinéens au Maroc, à travers nos différents
moyens de communication ainsi que par l’intermédiaire de nos représentants dans les différentes villes puis nous avons demandé à tous les boursiers souhaitant percevoir leurs bourses de prendre rendez-vous auprès du bureau central de l’ASEGUIM, selon la date de leurs convenances. Ainsi, nous sommes parvenus à élaborer avant chaque journée de paie la liste des personnes qui sont programmées pour percevoir leurs bourses au cours de ladite journée. Et nous étions présents tous les jours durant toute la période de la paie pour faire passer les boursiers pour la perception de leurs bourses, tout en suivant la liste journalière et en vérifiant les documents à fournir. Le paiement de cette tranche des bourses s’est déroulé du mercredi 03 Mai 2017 au samedi 20 mai 2017 », souligne le rapport, avant de nous apprendre que la troisième tranche des compléments de bourse, était partie plutôt que prévu.
Sa perception ayant eu lieu en juin 2017, c’est-à-dire un mois après la paie de la seconde tranche, elle a été perçue comme un grand progrès dont l’ONABE pouvait se féliciter et qui a fait énormément de plaisir aux boursiers guinéens au Maroc. En plus de son arrivée précoce, il faut souligner aussi que l’ONABE a tenu à payer tous les arriérés ainsi que les primes de vacances, soit un montant total de 650$ par étudiant boursier.
Et au rapport de conclure comme il était mentionné ci-dessus que « sachant que chaque boursier guinéen au Maroc perçoit une somme totale de 1 000$ par an, en multipliant cette somme par le nombre de personnes n’ayant pas perçu la bourse, on obtient une somme restante de 193 000$, soit un milliard sept cent trente sept millions de francs guinéens de reliquat après la paie de l’année 2017.
Et en divisant ce montant restant par le nombre de boursiers ayant réellement perçu leurs bourses, soit 395, chaque étudiant pourra obtenir 488.6$ supplémentaires par an, soit 48.86$ supplémentaires par mois en considérant les 10 mois d’études. Ce qui signifie que l’état sera en mesure de payer les boursiers à hauteur de 98.86$ par mois, donc approximativement 100$ par mois.
L’ONABE lavé de tout soupçon!
A la direction de l’Office National des Bourses Extérieures où nous nous sommes rendus, nous avons trouvé un directeur général très serein qui a accepté de nous parler. Mohamed Dioubaté très à l’aise, nous apprend que les derniers moments du régime Alpha, son service était écarté dans le paiement des bourses des étudiants. Comme quoi, tout était concentré à la Présidence de la République. « L’ONABE n’a jamais assisté au paiement des Bourses. Moi personnellement je n’ai jamais assisté au paiement des bourses universitaires dans les ambassades. Mais c’est très simple ! Qu’ils aillent vérifier au pool financier de la Présidence de la République! Mon service ne fait que le travail technique », jure, la main sur le cœur, Mohamed Dioubaté, le directeur de l’ONABE. Mais quel est réellement le rôle de l’office dont il a la charge ?
A cette question, le Directeur Général est catégorique. Il nous apprend que l’ONABE a pour mission de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans le domaine de l’attribution, de la gestion, du suivi du paiement des bourses et de rapatriement des boursiers guinéens, malheureusement cet office ne participe pas au paiement des bourses comme le soutient le rapport de l’Association des étudiants guinéens au Maroc.
« L’ONABE conçoit, élabore, révise la législation et la réglementation en vigueur en matière de bourses extérieures. Nous concevons et constituons une banque de données statistiques sur les activités relatives à l’attribution, la gestion et le suivi du paiement des bourses extérieures. L’office veille au respect des engagements contractuels des différentes parties et la bonne exécution des accords et conventions en matière de bourses extérieures ainsi qu’au bon fonctionnement du système de paiement des bourses. Mais j’insiste que nous n’assistons pas au paiement des bourses dans les ambassades à l’extérieur. Renseignez-vous auprès des ambassades ! Nous sommes loin de la gestion proprement dit de ces bourses », insiste-t-il.
Quant aux étudiants boursiers guinéens au Maroc, eux, ils persistent et signent que les bourses sont jusqu’ici payées à moitié. Beaucoup de leurs camarades boursiers n’arrivent pas à avoir leur argent. Et le calvaire continue. Malheureusement, le pool financier de la Présidence de la République, alors géré par l’ex ministre Chargé des Affaires Présidentielles, Dr Mohamed Diané et contrôlé par l’ex Président Alpha Condé n’est plus en place, pour nous édifier sur cette malversation financière.